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« AI Washing » comme un sentiment de déjà-vu

Yannick Caballero Cuevas, le 3 avril 2024
La SEC engage les premières pour­suites pour « AI washing » contre deux socié­tés améri­caines. Cette affaire nous informe notam­ment sur les attentes de la SEC en matière de commu­ni­ca­tions promo­tion­nelles en lien avec l’intelligence arti­fi­cielle. Cette problé­ma­tique, bien que se dérou­lant aux États-Unis, peut se présen­ter en Suisse. Dès lors, il est inté­res­sant d’explorer diffé­rentes pistes de réflexion pour lutter contre le « AI washing » en Suisse.

SEC Order – Delphia ; SEC Order – Global Predictions

L’intelligence arti­fi­cielle (IA) est deve­nue un argu­ment de vente incon­tour­nable pour les socié­tés. Jusqu’au point où certaines abusent de décla­ra­tions promet­teuses sur l’IA et son inté­gra­tion dans leurs services. Cet enthou­siasme peut présen­ter un risque, notam­ment si les décla­ra­tions induisent en erreur leurs clients ou inves­tis­seurs. Cette pratique est d’ailleurs appe­lée « AI Washing » par la U.S. Securities and Exchange Commission (SEC). Cette problé­ma­tique est bien connue dans d’autres domaines, notam­ment dans celui de la finance durable avec l’écoblanchiment (green­wa­shing).

Le 18 mars 2024, la SEC a engagé les premières pour­suites pour « AI washing » contre deux socié­tés améri­caines : Delphia (USA) Inc. et Global Predictions Inc. Selon la SEC, ces deux socié­tés auraient induit en erreur leurs clients et de poten­tiels clients dans des commu­ni­ca­tions publi­ci­taires en lien avec l’utilisation de l’IA. Elles auraient ainsi violé la section 206(4) du Investment Advisers Act of 1940 [15 U.S.C. 80b–6(4)] et la Rule 206(4)-1.

Il ressort de l’ordonnance contre Delphia que la société avait affirmé en décembre 2019 être « the first invest­ment advi­ser to convert perso­nal data into a rene­wable source of inves­table capi­tal […] that will allow consu­mers to invest in the stock market using their perso­nal data ». Elle avait aussi déclaré que « Delphia uses machine lear­ning to analyze the collec­tive data shared by its members to make intel­li­gent invest­ment deci­sions ». Or, lors d’un audit mené par la SEC en juillet 2021, Delphia avait admis qu’aucun algo­rithme utili­sant les données de ses clients n’avait été déve­loppé. En octobre 2021, elle informe la SEC qu’un examen allait être mené afin de corri­ger toute décla­ra­tion fausse ou trom­peuse que pouvait conte­nir leur docu­men­ta­tion en lien avec l’utilisation de l’IA et le prétendu algo­rithme déve­loppé. Cependant, Delphia a conti­nué de faire de fausses décla­ra­tions jusqu’en août 2023, en parti­cu­lier, dans ses commu­ni­ca­tions avec ses clients.

Pour sa part, Global Predictions avait déclaré sur son site inter­net que sa tech­no­lo­gie incor­po­rait des prévi­sions fondées sur l’IA, ce qui n’était en réalité pas le cas. En outre, elle avait indi­qué sur ses canaux de commu­ni­ca­tion être le premier AI finan­cial advi­sor régle­menté alors qu’aucun docu­ment ne confir­mait cette déclaration.

Sans admettre ni infir­mer les accu­sa­tions de la SEC, les deux socié­tés ont accepté de payer USD 400’000.- à titre de civil penal­ties afin de clore la procé­dure. Il est toute­fois inté­res­sant d’analyser briè­ve­ment la section 206(4) du Investment Advisers Act et la Rule 206(4)-1 ainsi que d’examiner, par la suite, les dispo­si­tions suisses qui pour­raient s’appliquer dans un tel cas.

La section 206(4) du Investment Advisers Act - qui est préci­sée par la Rule 206(4)-1 – inter­dit à tout invest­ment advi­ser (conseiller en inves­tis­se­ment) enre­gis­tré ou tenu de l’être de diffu­ser une publi­cité qui indui­rait en erreur des clients ou poten­tiels clients, en raison de décla­ra­tions fausses ou trom­peuses qu’elle compor­te­rait. Un guide de la SEC précise la Rule 206(4)-1 en clari­fiant à qui s’adresse la section 206(4) du Investment Advisers Act, ce qu’il faut entendre par publi­cité ou encore quelles sont les pratiques inter­dites. En substance, la SEC consi­dère que les décla­ra­tions de Delphia et Global Predictions consti­tuent de la publi­cité et que les deux socié­tés ont violé la section 206(4) du Investment Advisers Act et la Rule 206(4)-1 en diffu­sant dans leur publi­cité des décla­ra­tions fausses sur des faits maté­riels qui se rappor­taient à leur utili­sa­tion de l’IA.

En droit suisse, les commu­ni­ca­tions publi­ci­taires fausses ou trom­peuses sont régies par l’art. 3 al. 1 let. b LCD. Cette dispo­si­tion prévoit notam­ment qu’agit de manière déloyale toute personne qui donne des indi­ca­tions inexactes ou falla­cieuses sur elle-même, son entre­prise, ses marchan­dises, ses pres­ta­tions, ses prix, ses stocks, ses affaires, etc. Le non-respect de l’art. 3 LCD peut entraî­ner des pour­suites pénales (cf. art. 23 LCD). La pratique de « AI washing » ne se limite pas unique­ment aux commu­ni­ca­tions publi­ci­taires, mais peut égale­ment concer­ner les infor­ma­tions données aux clients au moment de la signa­ture d’un contrat de four­ni­ture de services finan­ciers ou ulté­rieu­re­ment si nous nous trou­vons dans une rela­tion durable. À cet égard, les règles de la LSFin et du CO sur l’obligation d’informer (cf. notam­ment art. 8 LSFin et 398 al. 1 CO) devraient vrai­sem­bla­ble­ment s’appliquer. Le droit suisse n’est donc pas exempt de solu­tions pour lutter contre les pratiques de « AI washing ». Dans les prochaines années, la Suisse connaî­tra certai­ne­ment des cas de « AI washing ». Il sera alors inté­res­sant de voir quelles seront les approches adop­tées par les auto­ri­tés et les tribu­naux à ce sujet.

Avec cette affaire, la SEC donne ainsi un premier signal d’avertissement aux socié­tés qui adop­te­raient des pratiques de « AI washing ». De manière géné­rale, la SEC applique un prin­cipe simple, à savoir que les décla­ra­tions desti­nées au public doivent corres­pondre à la réalité des faits, sans quoi la SEC les consi­dère comme étant trom­peuses (sur une autre affaire, cf. swiss​pri​vacy​.law/​2​78/). Par consé­quent, les invest­ment advi­sers devront à l’avenir s’assurer que leurs commu­ni­ca­tions promo­tion­nelles en rela­tion aux modèles d’IA utili­sés et leur inté­gra­tion dans les services desti­nés à la clien­tèle soient conformes à la réalité. Dans le cas contraire, elles risquent d’être accu­sées de « AI washing ». Finalement, il est, selon nous, vrai­sem­blable que la SEC surveillera atten­ti­ve­ment les commu­ni­ca­tions desti­nées aux marchés finan­ciers, notam­ment celles en lien à des projets d’IA pouvant avoir un impact sur la crois­sance écono­mique d’une société.



Proposition de citation : Yannick Caballero Cuevas, « AI Washing » comme un sentiment de déjà-vu, 3 avril 2024 in www.swissprivacy.law/291


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
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