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L’intérêt prépondérant à la remise à un employé d’un rapport le concernant

Mallorie Ashton-Lomax, le 3 novembre 2025
Un profes­seur dispose d’un inté­rêt prépon­dé­rant à rece­voir les extraits d’un rapport d’enquête interne le concer­nant. Certains passages exempts de données person­nelles doivent égale­ment être commu­ni­qués afin de permettre au profes­seur de comprendre la fina­lité du traitement.

Arrêt de la Chambre des prud’­hommes de la Cour de Justice du Canton de Genève du 1er septembre 2025, ACJC/​1187/​2025

En fait 

En 1992, un Institut univer­si­taire géré par une fonda­tion (la Fondation) de droit suisse engage un profes­seur. Ce dernier y dirige notam­ment un dépar­te­ment pendant huit ans. L’Institut renou­velle son contrat de profes­seur ordi­naire plusieurs fois jusqu’au 31 août 2022. 

Le profes­seur conduit un projet de recherche financé par le Fond National Suisse (FNS) depuis 2018. Le FNS prolonge le projet jusqu’au 31 décembre 2023. En mai 2022, le profes­seur solli­cite le renou­vel­le­ment de son contrat de travail. Le Conseil de fonda­tion répond qu’il attend la fin d’une enquête interne confiée à un expert pour faire suite à sa demande. Quelques semaines plus tard, le Conseil de fonda­tion indique au profes­seur que l’enquête interne inclut un audit du climat du dépar­te­ment auquel il est ratta­ché. L’expert entend le profes­seur le 10 juillet 2022.   

Le 21 juillet 2022, l’Institut engage le profes­seur avec le titre de profes­seur émérite à 50% pour une période allant du 1er septembre 2022 au 31 décembre 2022. Le renou­vel­le­ment du contrat couvre unique­ment le projet de recherche susmen­tionné. Le Conseil de fonda­tion informe égale­ment le profes­seur qu’il peut dispo­ser libre­ment des infra­struc­tures de l’Institut pour conti­nuer son projet de recherche pour l’année 2023. À ce titre, le profes­seur ne fait plus partie du corps profes­so­ral de l’Institut. 

Le 22 novembre 2022, le profes­seur demande une copie du rapport de l’enquête diri­gée à son encontre. Le service juri­dique de l’Institut nie l’existence d’une telle procé­dure. Le profes­seur renou­velle sa demande en faisant réfé­rence à l’enquête interne pour laquelle il a été audi­tionné. Le service juri­dique de l’Institut précise que cette enquête ne le vise pas direc­te­ment et que le rapport demandé contient des données person­nelles de tiers. L’Institut refuse de remettre le docu­ment au profes­seur pour ces raisons. 

Le 22 mars 2023, le profes­seur intro­duit une demande en déli­vrance de ses données par devant le Tribunal des prud’hommes du canton de Genève. Il demande à ce que toutes les données trai­tées à son sujet lui soient trans­mises. Cela inclut notam­ment le rapport d’enquête, les comptes rendus des entre­tiens des employés et tout autre docu­ment le concer­nant. La Fondation accepte de remettre son dossier person­nel au profes­seur et conclut à ce que ce dernier soit débouté du reste de ses conclu­sions. Au cours de la procé­dure, le Tribunal ordonne à la Fondation de lui trans­mettre le rapport d’enquête pour son seul examen. 

Le Tribunal condamne la Fondation à remettre au profes­seur certains chapitres du rapport de synthèse du 15 septembre 2022. Le Tribunal consi­dère en effet que leur trans­mis­sion ne consti­tue pas une atteinte aux droits de tiers. 

La Fondation fait appel par devant la Chambre des prud’hommes de la Cour de Justice du canton de Genève. Le profes­seur forme un appel joint et conclut à la remise d’une copie complète du rapport d’enquête. Le profes­seur conclut égale­ment à un accès anti­cipé du rapport d’enquête par ses avocats. 

En droit 

La Cour déter­mine d’abord que la trans­mis­sion du rapport de manière anti­ci­pée aux avocats du profes­seur revien­drait à préju­ger la cause au fond et déboute ce dernier de ses conclu­sions en ce sens (cf. TF, 4A_​76/​2023 c. 3.2).  

La Fondation s’oppose à la remise du rapport au profes­seur. Elle indique que les chapitres I, II et II (”Mission confiée à l’enquêteur”, “Limites et anony­mat” et “Chronologie de l’enquête”) dont le Tribunal a ordonné la trans­mis­sion au profes­seur ne contiennent pas de données person­nelles le concer­nant. La Fondation avance que la LPD ne peut pas s’appliquer à la demande du profes­seur. 

Pour ce qui est du chapitre IV (”Synthèse et conclu­sion”), la Fondation relève que la conclu­sion du rapport ne se concentre par sur la personne du profes­seur, mais vise aussi d’autres colla­bo­ra­teurs enten­dus à qui une confi­den­tia­lité totale avait été garan­tie. La Fondation soutient à ce titre que les droits décou­lant de la LPD ne permettent pas au profes­seur de solli­ci­ter la trans­mis­sion du rapport d’enquête. Elle avance égale­ment que sa trans­mis­sion consti­tue­rait en une viola­tion des droits de la person­na­lité de tiers. Elle consi­dère fina­le­ment que le profes­seur ne dispose plus d’intérêt à l’obtention du rapport puisqu’il se trouve à la retraite et ne fait plus partie du corps profes­so­ral. 

Le profes­seur soutient que l’intégralité du rapport liti­gieux devrait lui être accordé en vertu de son droit d’accès aux données person­nelles (art. 328b CO et LPD) ainsi que pour garan­tir son droit à se déter­mi­ner sur le rapport. Il invoque à cet effet son droit à l’information (art. 328 CO et 28 CC) dans la mesure où il a lui-même parti­cipé à l’enquête. 

Selon l’art. 328b CO, l’employeur ne peut trai­ter des données concer­nant le travailleur que dans la mesure où ces données portent sur les apti­tudes du travailleur à remplir son emploi ou sont néces­saires à l’exécution du contrat de travail, les dispo­si­tions de la LPD sont appli­cables. 

Si l’employeur met en œuvre une enquête interne, il doit infor­mer l’employé concerné de la procé­dure et des éléments repro­chés (cf. art. 328 CO). La LPD s’applique de manière géné­rale aux procé­dures d’enquêtes internes puisqu’elles consti­tuent un trai­te­ment de données person­nelles de l’employé visé. 

Les chapitres IV et V du rapport (”Contenu de l’enquête” et “Analyse”) contiennent les décla­ra­tions des colla­bo­ra­teurs recueillies et leur analyse détaillée. Même si les noms des personnes concer­nées sont caviar­dés, les diffé­rents colla­bo­ra­teurs inter­ro­gés peuvent aisé­ment être iden­ti­fiés par le profes­seur sur la base de leurs décla­ra­tions. Dès lors que ces chapitres ne peuvent être remis au profes­seur sans porter atteinte à la person­na­lité de tiers, la Cour rejette leur trans­mis­sion. 

La synthèse du rapport doit toute­fois être trans­mise au profes­seur dans la mesure où elle le concerne. La Cour indique direc­te­ment dans son juge­ment quels sont les phrases et para­graphes concer­nés. Elle précise que les para­graphes qui évoquent les “profes­seurs” de manière géné­rale sans viser direc­te­ment le profes­seur ne peuvent pas lui être remis lorsqu’ils contiennent aussi des données person­nelles de tiers. 

La Cour conclut fina­le­ment à ce que le dernier para­graphe du rapport ainsi que le chapitre I (”Mission confiée à l’enquêteur”) soient trans­mis au profes­seur même si ces extraits ne contiennent pas de données person­nelles le concer­nant. Cette resti­tu­tion se justi­fie pour permettre au profes­seur de recon­naître le but dans lequel les données ont été recueillies à son sujet, leur enjeu et de déter­mi­ner dans quelle mesure il a été –ou non – mis en cause par l’enquête interne.  

Appréciation 

La présente déci­sion s’inscrit dans le prolon­ge­ment de l’arrêt du Tribunal fédé­ral  1C/​375/​2024 du 1er mai 2025 (swiss​pri​vacy​.law/​3​70/) dans lequel notre Haute Cour a confirmé le refus total de l’EPFL de trans­mettre les rapports d’experts établis dans le cadre d’une procé­dure de promo­tion, afin de préser­ver leur anony­mat. Dans sa déci­sion, la Cour fait égale­ment réfé­rence à la problé­ma­tique de l’identification d’individus malgré le caviar­dage de docu­ments, en parti­cu­lier dans des milieux où certaines décla­ra­tions ou indices permettent aisé­ment de recon­naître les personnes concer­nées. 

La Cour procède ensuite à un exer­cice déli­cat visant à conci­lier la protec­tion de la person­na­lité de tiers et le droit d’accès à ses propres données person­nelles. Les juges se livrent à un travail de décou­page du texte du rapport afin d’en isoler les extraits qui concernent direc­te­ment le profes­seur. Cette méthode doit être saluée puisqu’elle permet d’apporter une infor­ma­tion plus complète aux personnes visées par des enquêtes internes et autres procé­dures analogues. 

Enfin, la Cour admet l’accès à certaines infor­ma­tions qui, selon elle, ne consti­tuent pas des données person­nelles. Elle justi­fie néan­moins l’application de la LPD à l’entier du rapport par la néces­sité, pour l’intéressé, de comprendre les enjeux et l’issue de l’enquête interne à laquelle il a parti­cipé (cf. art. 25 al. 2 let. c LPD). Si l’on peut lais­ser ouverte la ques­tion de savoir si les chapitres intro­duc­tifs et la conclu­sion du rapport contiennent des données person­nelles, il faut assu­ré­ment se réjouir d’une approche garan­tis­sant un large droit d’accès sans compro­mettre le droit des tiers. 



Proposition de citation : Mallorie Ashton-Lomax, L’intérêt prépondérant à la remise à un employé d’un rapport le concernant, 3 novembre 2025 in www.swissprivacy.law/381


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
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