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Une interdiction de publicité directe dans la messagerie électronique ?

Célian Hirsch, le 31 décembre 2021
Une publi­cité qui s’affiche dans le même format que les messages élec­tro­niques privés est inter­dite, sauf consen­te­ment préalable.

CJUE, 25.11.2021, C‑102/​20

Si vous utili­sez un service de messa­ge­rie élec­tro­nique gratuit, vous êtes proba­ble­ment habi­tués à aper­ce­voir de la publi­cité dans le même format que les messages que vous rece­vez. La seule distinc­tion consiste en la mention « annonce » :

C’est préci­sé­ment la léga­lité de cette pratique qui fait l’objet de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union euro­péenne C‑102/​20 du 25 novembre 2021.

À l’origine du litige se trouvent deux four­nis­seurs d’électricité concur­rents en Allemagne : eprimo et Städtische Werke Lauf a.d. Pegnitz (StWL). La première société décide de diffu­ser des annonces publi­ci­taires dans les boîtes à lettres élec­tro­niques d’utilisateurs du service de messa­ge­rie élec­tro­nique T‑Online. La seconde consi­dère cette publi­cité comme déloyale et saisit les tribu­naux alle­mands. L’affaire monte jusqu’au Bundesgerichtshof. La Cour Suprême alle­mande estime que la réso­lu­tion du litige néces­site certaines clari­fi­ca­tions de la part de la Cour de justice de l’Union euro­péenne (CJUE).

Avant d’examiner le raison­ne­ment de la CJUE, un bref aperçu du droit euro­péen perti­nent est nécessaire.

Le Parlement et le Conseil euro­péens ont adopté en 2002 la Directive e‑privacy. Celle-ci a pour but de proté­ger la vie privée dans le secteur des commu­ni­ca­tions élec­tro­niques. À cette fin, elle établit le prin­cipe de l’interdiction de toute « utili­sa­tion […] de cour­rier élec­tro­nique à des fins de pros­pec­tion directe » (art. 13 Directive e‑privacy). Cela étant, la pros­pec­tion est auto­ri­sée si l’utilisateur a donné son consen­te­ment préa­lable (au sens de l’art. 4 par. 1 RGPD).

En l’espèce, le Bundesgerichtshof se demande en parti­cu­lier si la publi­cité qui s’affiche dans la messa­ge­rie élec­tro­nique d’un utili­sa­teur consti­tue une « utili­sa­tion […] de cour­rier élec­tro­nique à des fins de pros­pec­tion directe » au sens de l’art. 13 de la Directive e‑privacy.

La Cour note que les messages publi­ci­taires liti­gieux s’affichent dans un espace norma­le­ment réservé aux cour­riels privés. Ils sont ainsi distincts des bannières publi­ci­taires qui appa­raissent en marge de la liste des messages privés ou sépa­ré­ment de ceux-ci. Ces messages publi­ci­taires s’apparentent ainsi aux spams et créent un risque de confu­sion avec les cour­riels privés.

Partant, la CJUE consi­dère que ces messages publi­ci­taires doivent être consi­dé­rés comme de la pros­pec­tion directe. Ils sont ainsi auto­ri­sés unique­ment si l’utilisateur y a consenti au préalable.

En l’espèce, le service de messa­ge­rie élec­tro­nique T‑Online propose une version gratuite, avec publi­cité, et une payante, sans publi­cité. L’utilisateur du service de messa­ge­rie gratuit doit ainsi avoir été dûment informé et avoir effec­ti­ve­ment consenti à rece­voir de telles publi­ci­tés. Selon la Cour, l’information doit être suffi­sam­ment précise afin que l’utilisateur comprenne que les cour­riels publi­ci­taires s’affichent au sein de la liste des cour­riels privés. Par ailleurs, il doit mani­fes­ter son consen­te­ment « de manière spécifique ».

La CJUE ne tranche néan­moins pas la ques­tion du consen­te­ment et consi­dère qu’il appar­tient aux tribu­naux alle­mands de clari­fier cette problé­ma­tique. On peut suppo­ser que l’entreprise concur­rente à l’origine de ce litige ne s’arrêtera pas en si bon chemin et contes­tera, logi­que­ment, la vali­dité d’un tel consen­te­ment durant la suite de la procé­dure allemande.

La Directive e‑privacy fait actuel­le­ment l’objet d’une révi­sion légis­la­tive qui s’inspire notam­ment du RGPD. Ainsi, selon le dernier projet de règle­ment e‑privacy du 10 février 2021, toute personne qui utilise des moyens élec­tro­niques à des fins de pros­pec­tion directe pour atteindre des utili­sa­teurs rési­dents dans l’Union euro­péenne devra dési­gner un repré­sen­tant au sein de l’Union (art. 3 par. 2 du projet de Règlement e‑privacy).

Par ailleurs, alors que l’actuelle Directive e‑privacy ne prévoit pas direc­te­ment de sanc­tions pour les viola­tions, le projet de Règlement e‑privacy reprend expres­sé­ment le système de sanc­tions prévu par le RGPD. Le projet prévoit ainsi des amendes admi­nis­tra­tives pouvant s’éle­ver jusqu’à 10’000 000 EUR ou, dans le cas d’une entre­prise, jusqu’à 2 % de son chiffre d’af­faires annuel mondial total de l’exer­cice précé­dent, le montant le plus élevé étant retenu (art. 23 du projet de Règlement e‑privacy).

Les entre­prises suisses qui visent des clients euro­péens devraient ainsi suivre atten­ti­ve­ment l’adoption de ce futur règlement.

Qu’en est-il en droit suisse ?

L’art. 3 let. o LCD inter­dit expres­sé­ment la publi­cité de masse (spam­ming) envoyée « par voie de télé­com­mu­ni­ca­tion » sans consen­te­ment préa­lable du client. Selon le Message du Conseil fédé­ral, cette dispo­si­tion corres­pond à l’art. 13 Directive e‑privacy.

Le raison­ne­ment de la CJUE semble ainsi aisé­ment trans­po­sable en droit suisse : la publi­cité inté­grée dans le service de messa­ge­rie gratuit consti­tue une publi­cité de masse envoyée par voie de télé­com­mu­ni­ca­tion. Le consen­te­ment du client, à rece­voir une telle publi­cité, serait donc néces­saire. Le client doit par ailleurs avoir le « droit à s’y oppo­ser gratui­te­ment et faci­le­ment » (art. 3 let. o LCD). Après véri­fi­ca­tion, le service Gmail de Google – gratuit dans une certaine mesure – propose bien la possi­bi­lité d’enlever une annonce. Néanmoins, celle-ci est ensuite simple­ment rempla­cée par une annonce d’une autre marque. L’opposition à ces publi­ci­tés ne semble ainsi pas si facile…



Proposition de citation : Célian Hirsch, Une interdiction de publicité directe dans la messagerie électronique ?, 31 décembre 2021 in www.swissprivacy.law/111


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