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Le Service des Automobiles et de la Navigation du canton de Vaud introduit l’auto-index

Livio di Tria, le 27 janvier 2022
À partir du 4 avril 2022, le Service des Automobiles et de la Navigation du canton de Vaud (SAN) permet­tra à toute personne de consul­ter le registre public des proprié­taires de plaques vaudoises. Une pratique curieuse, conforme à la loi et non isolée.

Émoi au pays du papet et du chas­se­las. Le SAN a annoncé en ce début d’année son inten­tion de mettre à dispo­si­tion de tous un auto-index dès le 4 avril 2022. Relayée par l’intermédiaire d’un flyer infor­ma­tif envoyé par le SAN aux déten­teurs de véhi­cules imma­tri­cu­lés dans le canton de Vaud, en même temps que la taxe auto­mo­bile pour l’année 2022 (merci !), l’annonce a provo­qué un torrent d’articles de jour­naux, ainsi que de nombreux commen­taires fleu­ris sur les réseaux sociaux.

Mal comprise ou incom­prise, la mise à dispo­si­tion d’un auto-index suscite le ques­tion­ne­ment et la méfiance. À quoi servira-t-il ? Comment fonc­tion­nera-t-il ? La pratique est-elle légale ? Est-ce un vaudoi­se­rie ? Au vu des nombreuses personnes concer­nées (1’200’000 personnes), nous avons voulu démê­ler le vrai du faux de cet imbroglio.

Auto-index : késako ?

L’auto-index, ce n’est ni une auto­mo­bile ni un index (qui se trouve être le doigt de la main le plus proche du pouce et le second le plus éloi­gné de l’auriculaire) fusion­nés ensemble.

L’auto-index est un réper­toire (ou un annuaire) consis­tant à permettre à toute personne de consul­ter de manière simple, rapide et gratuite le registre public des déten­teurs de véhi­cules imma­tri­cu­lés dans le canton de Vaud. Sont concer­nés tous les types de véhi­cules, tels qu’une auto­mo­bile, un moto­cycle ou un bateau.

Métaphoriquement parlant, c’est un peu le Google des plaques vaudoises permet­tant d’obtenir les coor­don­nées du déten­teur d’un véhi­cule imma­tri­culé en terre vaudoise. L’auto-index ne sert pas à obte­nir des données maté­rielles sur le type de véhi­cule que vous condui­sez, ou sa puis­sance (vrooooum), mais permet d’obtenir le nom, le prénom et l’adresse du déten­teur de véhi­cule. Un tel auto-index est déjà en place dans plusieurs cantons (p. ex. les cantons d’Argovie, de Fribourg, de Lucerne, de Schaffhouse, de Zoug et de Zurich).

Mais… Ce n’est pas déjà le cas ?

Oui… Mais la procé­dure n’est pas la même. Il est déjà possible dans le canton de Vaud (et dans tous les cantons qui n’ont pas mis en place un auto-index) d’obtenir les coor­don­nées d’un déten­teur de véhicule.

Aujourd’hui, le SAN ne commu­nique ces coor­don­nées que moyen­nant la récep­tion d’une demande et le paie­ment d’un émolu­ment de CHF 20.–. Il suffit de remplir la demande de rensei­gne­ments mise à dispo­si­tion par le SAN et de la lui adres­ser. Le requé­rant n’a pas besoin d’être domi­ci­lié dans le canton de Vaud et le déten­teur du véhi­cule n’est pas informé de l’identité du requérant.

Fun fact #1 ? Il est précisé sur le site web du SAN que la demande de rensei­gne­ments doit être moti­vée. Tel n’est pas le cas en réalité. Cette mention ne se retrouve d’ailleurs pas dans la demande de rensei­gne­ments.

Qu’est-ce que l’auto-index va réel­le­ment changer ?

Très concrè­te­ment, à partir du 4 avril 2022, plus besoin d’adresser une demande de rensei­gne­ments au SAN (ni de payer un émolument !).

Toute personne pourra utili­ser l’auto-index et y entrer le numéro d’une plaque d’immatriculation vaudoise pour accé­der aux coor­don­nées d’un déten­teur de véhi­cule (qui lui n’a pas besoin d’être vaudois, mais doit au moins y être domi­ci­lié). La procé­dure est donc automatisée.

Conscient du phéno­mène de web scrap­ping, le SAN va toute­fois limi­ter le nombre de recherches à cinq par jour. Une mesure déjà en place dans les cantons au béné­fice d’un auto-index. Son effi­ca­cité semble toute­fois bien limi­tée puisqu’il est facile (mais chro­no­phage) de modi­fier une adresse IP par un système VPN, ou par la simple ouver­ture d’une page web en navi­ga­tion privée (expé­rience faite, cela fonc­tionne). Force est d’admettre que du côté des mesures tech­niques, on aurait pu mieux faire…

L’auto-index est-il utile ?

Oui, non, ça dépend. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse.

Il est parfois utile de pouvoir obte­nir les coor­don­nées du proprié­taire d’un véhi­cule. Par exemple, tel est le cas lorsqu’un autre usager de la route endom­ma­ge­rait un véhi­cule alors que son proprié­taire n’est pas présent et qu’il souhai­te­rait prendre contact avec lui (dans le meilleur des mondes…).

Dans d’autres cas, cet auto-index ne se révé­lera pas utile, voire pour­rait être utilisé à mauvais escient. L’imagination humaine étant sans limite, il ne nous semble pas utile de donner ici un exemple concret… mais tcheu, à quel bobet appar­tient ce casso­ton de malheur qui m’a dépassé dans les viro­lets du col de la Croix.

Quel rapport avec la protec­tion des données et est-ce légal ?

Les cantons sont compé­tents pour émettre les plaques d’immatriculation, ou plaques de contrôle pour reprendre la notion juri­dique de la Loi fédé­rale du 19 décembre 1958 sur la circu­la­tion routière (LCR), et tenir un registre des déten­teurs. Les auto­ri­tés canto­nales compé­tentes traitent donc des données person­nelles et doivent respec­ter les règles édic­tées à cet effet par leur légis­la­tion canto­nale en matière de protec­tion des données.

Le SAN, qui est l’autorité canto­nale compé­tente, est soumis à la Loi vaudoise du 11 septembre 2007 sur la protec­tion des données person­nelles (LPrD). Il tient un registre des déten­teurs d’une plaque d’immatriculation dans un fichier inti­tulé « Infocar », qui concerne approxi­ma­ti­ve­ment 1’200’000 de personnes.

Lorsque le SAN permet à toute personne d’accéder aux coor­don­nées d’un déten­teur d’une plaque d’immatriculation, il commu­nique des données person­nelles. Une telle commu­ni­ca­tion n’est légale que moyen­nant le respect de l’art. 15 LPrD. En l’espèce, la commu­ni­ca­tion des données est ancrée à l’art. 89g al. 5 LCR, qui est une base légale auto­ri­sant expres­sé­ment la commu­ni­ca­tion des coor­don­nées susmen­tion­nées par les auto­ri­tés canto­nales compé­tentes. L’art. 89g al. 5 LCR prévoit que :

« [l]es cantons peuvent publier les nom et adresse des déten­teurs de véhi­cules si la commu­ni­ca­tion offi­cielle de ces données ne fait pas l’objet d’une oppo­si­tion. Les déten­teurs peuvent s’opposer, sans condi­tions et gratui­te­ment, à la diffu­sion des indi­ca­tions les concer­nant auprès de l’autorité canto­nale compétente. »

L’auto-index prévu par le SAN ne pose ainsi pas de problème de protec­tion des données. Il est toute­fois certain que celui-ci faci­lite l’accès aux coor­don­nées, ce qui peut être criti­qué. Toutefois, la commu­ni­ca­tion des données était un souhait de l’Assemblée fédérale.

La genèse de la commu­ni­ca­tion des coor­don­nées des déten­teurs de véhicules

La commu­ni­ca­tion des coor­don­nées des déten­teurs de véhi­cules au sens de l’art. 89g al. 5 LCR n’a pas toujours été un prin­cipe inscrit dans la pierre. Ce prin­cipe n’était d’ailleurs pas prévu avant la révi­sion partielle de la LCR qui eut lieu en 2010, à l’initiative du Conseil fédé­ral, et qui fut adop­tée par l’Assemblée fédé­rale le 15 juin 2012 (RO 2012 6291). Seules des données maté­rielles (c’est-à-dire ne concer­nant pas des personnes) pouvaient jusqu’alors être publiées. Pour sa part, l’art. 89g al. 5 LCR n’est entré en vigueur que le 1er janvier 2019 (RO 2018 4985).

Pour mémoire, cette révi­sion partielle fut lancée par le Conseil fédé­ral et concer­nait le programme d’action de la Confédération visant à renfor­cer la sécu­rité routière, plus connu sous le nom de Via Sicura (FF 2010 7703).

Nous souli­gnons que le Conseil fédé­ral n’avait pas prévu de cham­bou­ler le système en place. La commu­ni­ca­tion des coor­don­nées des déten­teurs de véhi­cules est un ajout de la Commission des trans­ports et des télé­com­mu­ni­ca­tions du Conseil des États datant du 8 avril 2011. Tant le Conseil d’État que le Conseil natio­nal ont accepté cet ajout, sans vrai­ment en débattre. Cela ressort du Bulletin offi­ciel de l’Assemblée fédé­rale qui, en l’espèce, ne contient aucune trace d’un quel­conque débat sur la ques­tion. Seul l’accès aux procès-verbaux de la Commission permet­trait de trou­ver une raison à cet ajout.

Allô docteur, que puis-je faire ?

Comme l’art. 89g al. 5 LCR le précise, il est possible pour tout déten­teur d’un véhi­cule de s’opposer à la commu­ni­ca­tion de leurs coor­don­nées. Cette oppo­si­tion est incon­di­tion­nelle et gratuite. Il suffit pour le déten­teur de complé­ter et d’adresser au SAN le formu­laire 1333 (et non d’exécuter l’ordre 66).

Reste que dans les cas prévus par l’art. 89g al. 3 LCR, le SAN peut conti­nuer à commu­ni­quer les données rela­tives aux déten­teurs et aux assu­rances aux personnes qui (i) parti­cipent à la procé­dure d’admission à la circu­la­tion (ii) sont concer­nées par un acci­dent de la route et (iii) font valoir par écrit un inté­rêt suffi­sant, en vue d’une procédure.

Fun fact #2

L’émoi que provoque la mise en place d’un auto-index est compré­hen­sible, tant celui-ci peut révé­ler des infor­ma­tions que l’on ne souhaite pas être connues du grand public. Toutefois, l’art. 89g al. 5 LCR n’est de loin pas la seule base légale qui permet d’accéder à de telles informations.

L’art. 22 al. 1 de la Loi vaudoise du 9 mai 1983 sur le contrôle des habi­tants (LCH) prévoit que le bureau de contrôle des habi­tants est auto­risé à rensei­gner les parti­cu­liers sur l’état civil, la date de nais­sance, l’adresse postale complète, les dates d’arrivée et de départ, le précé­dent lieu de séjour et la desti­na­tion d’une personne nommé­ment dési­gnée. Là non plus, la personne concer­née n’est pas infor­mée de la demande de rensei­gne­ments. Tout citoyen peut toute­fois, à certaines condi­tions, deman­der la confi­den­tia­lité de ses données auprès du contrôle des habitants.

Moins connu, peut-être car il s’agit cette fois-ci d’une vaudoi­se­rie, l’Arrêté du 16 décembre 2002 rela­tif à la consul­ta­tion du résul­tat de la taxa­tion des contri­buables assu­jet­tis aux impôts directs canto­naux (ACRT) permet, comme son nom l’indique, d’avoir accès au résul­tat de la taxa­tion d’un contri­buable assu­jetti aux impôts directs canto­naux. L’ACRT est fondé sur l’art. 181 de la Loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts direct canto­naux.

L’Administration canto­nale des impôts ne peut pas commu­ni­quer toutes les données person­nelles concer­nant le contri­buable. Seuls les éléments se rappor­tant à la dernière taxa­tion passée en force peuvent être commu­ni­qués. Depuis le 1er janvier 2017, le contri­buable dont le résul­tat de la taxa­tion est demandé est informé de l’identité de l’auteur de la demande.



Proposition de citation : Livio di Tria, Le Service des Automobiles et de la Navigation du canton de Vaud introduit l’auto-index, 27 janvier 2022 in www.swissprivacy.law/118


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
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