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L’étude d’avocats victime d’une cyberattaque 

Célian Hirsch, le 21 avril 2022
Une cybe­rat­taque réus­sie contre une étude d’avo­cats peut atti­rer l’at­ten­tion de l’au­to­rité compé­tente que la confi­den­tia­lité des données n’est pas respectée.

Information Commissioner’s Office, Tuckers Solicitors LLP Monetary penalty notice, 10 mars 2022

Le 24 août 2020, l’Étude d’avocats anglaise Tuckers Solicitors LLP découvre être la cible d’une cybe­rat­taque par ransom­ware. Les hackers réus­sissent à cryp­ter 972’191 fichiers infor­ma­tiques archi­vés, dont 24’712 se rapportent à des dossiers de procé­dures judi­ciaires ; parmi les dossiers cryp­tés, 60 sont exfil­trés par les hackers et publiés sur le dark­web.

Ces données pira­tées comprennent notam­ment des dossiers médi­caux, des décla­ra­tions de témoins, le nom et l’adresse des témoins et des victimes, ainsi que les infrac­tions présu­mées des prévenus.

Le 25 août 2020, Tuckers informe l’Information Commissioner’s Office (ICO, l’autorité anglaise de protec­tion des données) de cette fuite des données.

Le 27 août 2020, Tuckers mandate un expert externe afin de rece­voir un Cyber Security Incident Response Report. Ce rapport ne permet néan­moins pas de décou­vrir comment les pirates ont accédé au réseau infor­ma­tique de Tuckers. Cela étant, le rapport indique qu’une vulné­ra­bi­lité connue n’avait pas été corri­gée immé­dia­te­ment en janvier 2020, mais unique­ment en juin 2020.

Tuckers noti­fie ensuite les personnes concer­nées de la fuite des données et commu­nique égale­ment à ce sujet via son site web.

Bien que l’ICO admette que la fuite des données est attri­buable aux hackers, elle consi­dère que Tuckers n’a pas suffi­sam­ment protégé ses données. Le 10 mai 2022, l’autorité anglaise prononce ainsi une amende contre l’Étude d’avocats en raison d’une viola­tion de la confi­den­tia­lité des données (art. 5 par. 1 let. f RGPD).

Premièrement, l’ICO souligne que Tuckers n’utilisait pas l’authen­ti­fi­ca­tion multi-facteurs pour accé­der à distance à son réseau infor­ma­tique. Or ce système est recom­mandé depuis plusieurs années par le National Cyber Security Centre (NCSC) et permet de réduire dras­ti­que­ment les risques de cyberattaques.

Deuxièmement, Tuckers n’a mis en place un correc­tif de sécu­rité (patch) qu’en juin 2020, alors que celui-ci était connu depuis janvier 2020. Or la NCSC avait préci­sé­ment publié un commu­ni­qué en janvier 2020 infor­mant de cette faille de sécu­rité et que celle-ci était exploi­tée par des acteurs malveillants. Ce correc­tif était en plus gratuit.

En raison de la nature très sensible des données trai­tées par l’étude d’avocats et du faible coût de la mise en place du correc­tif de sécu­rité, l’ICO consi­dère que Tuckers n’a pas traité ses données « de façon à garan­tir une sécu­rité appro­priée » (art. 5 par. 1 let. f RGPD).

L’ICO en profite pour souli­gner que la Privacy Policy de l’Etude prévoyait préci­sé­ment que « all soft­ware, opera­ting system and firm­ware shall be upda­ted on a regu­lar basis to reduce the risk presen­ted by secu­rity vulne­ra­bi­li­ties ».

Enfin, l’ICO reproche égale­ment à Tuckers de ne pas avoir crypté ses données. Or il existe des logi­ciels gratuits en open-source qui permettent un tel cryp­tage. L’ICO relève que le cryp­tage des données consti­tue même la norme pour les études d’avocats.

En raison de ce triple manque­ment à l’obligation de garan­tir une sécu­rité appro­priée des données, l’ICO décide de sanc­tion­ner Tuckers d’une amende (art. 83 RGPD). Afin de déter­mi­ner son montant, l’ICO prend notam­ment en consi­dé­ra­tion que les données ont été publiées sur le dark­web, qu’elles étaient proté­gées par le secret profes­sion­nel et qu’elles étaient parti­cu­liè­re­ment sensibles (des dossiers compre­nant les données de victimes et de préve­nus). L’autorité anglaise arrive à la conclu­sion que le montant de £ 98’000.- consti­tue une amende appropriée.

Quid si une étude d’avocats suisse devait être victime d’une telle cyberattaque ?

Tant l’actuel LPD que la nLPD imposent aux respon­sables du trai­te­ment de proté­ger leurs données de manière appro­priée au risque (art. 7 LPD et art. 8 nLPD). Selon nous, cette norme légale impose égale­ment aux études d’avocats d’installer rapi­de­ment les correc­tifs de sécu­ri­tés (patch) lorsqu’ils sont connus et exploi­tés par des acteurs malveillants.

En parti­cu­lier, la Computer Emergency Response Team de la Confédération aurait même informé direc­te­ment des études d’avocats en mars 2021 d’une vulné­ra­bi­lité de Microsoft Exchange. La faille de sécu­rité Log4j a égale­ment attiré l’attention média­tique en fin d’année 2021. À notre avis, une étude d’avocats qui n’a pas corrigé ces failles de sécu­rité viole l’art. 7 LPD, notam­ment en raison des données sensibles qu’elle traite.

Le droit actuel ne prévoit néan­moins pas d’amende admi­nis­tra­tive pour une telle viola­tion. Au contraire, l’art. 61 let. c nLPD prévoit une amende pénale pour la viola­tion inten­tion­nelle des exigences mini­males en matière de sécu­rité des données édic­tées par le Conseil fédé­ral selon l’art. 8 al. 3 LPD. Il faut cepen­dant encore patien­ter avant de décou­vrir la version défi­ni­tive de ces « exigences mini­males en matière de sécu­rité des données » dans la future ordon­nance (cf. P‑OLPD). Il ne nous semble pas exclu de rete­nir qu’une personne direc­te­ment infor­mée d’une faille impor­tante de sécu­rité et qui ne met pas en place son correc­tif puisse tomber sous le coup de cette dispo­si­tion pénale.



Proposition de citation : Célian Hirsch, L’étude d’avocats victime d’une cyberattaque , 21 avril 2022 in www.swissprivacy.law/137


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
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