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Le secret fiscal comme exception à la transparence

David Dias Matos, le 12 juin 2022

Les infor­ma­tions four­nies par des impor­ta­teurs d’or à l’Office fédé­ral de la douane et de la sécu­rité des fron­tières sont proté­gées par le secret fiscal de sorte qu’elles ne sont pas acces­sibles sur la base de la  Loi sur la transparence.
 

Arrêt du Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral (TAF) A‑741/​2019 du 16 mars 2022

En 2018, une asso­cia­tion de défense des droits des mino­ri­tés, la Société pour les peuples mena­cés (SPM), saisit l’Office fédé­ral de la douane et de la sécu­rité des fron­tières (OFDF) d’une demande d’accès (10 al. 1 LTrans). Elle souhaite obte­nir les statis­tiques complètes concer­nant l’importation d’or pour les quatre plus grands impor­ta­teurs d’or, avec indi­ca­tion des quan­ti­tés, détaillées selon le nom de l’exportateur, et l’indication du nom de l’importateur suisse à qui cet or a été livré, pour la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017. Pour appuyer sa requête, la SPM évoque le besoin d’avoir ces données pour l’élaboration de rapports et l’intérêt public compre­nant les droits de l’homme et l’éco­lo­gie. 

Comme le docu­ment demandé compre­nait des données person­nelles concer­nant les quatre impor­ta­teurs, l’OFDF les a consul­tés confor­mé­ment à leur droit d’être entendu selon l’art. 11 LTrans. Les impor­ta­teurs se sont oppo­sés à la divul­ga­tion de ces rensei­gne­ments, invo­quant le secret fiscal, le secret d’affaire et la protec­tion de la sphère privée de tiers.  

Dans un premier temps, l’OFDF a rejeté la demande d’accès de la SPM. L’association a alors déposé une demande en média­tion auprès du PFPDT selon l’art. 13 LTrans. Suite à cela, le Préposé a trans­mis à l’OFDF sa recom­man­da­tion (art. 14 LTrans), consi­dé­rant que l’autorité devait trans­mettre unique­ment les infor­ma­tions concer­nant les noms des impor­ta­teurs, celui des expor­ta­teurs et la quan­tité impor­tée. Pour ce dernier, le secret fiscal n’est en l’espèce pas appli­cable, car les données visées ne concernent pas l’impôt sur les impor­ta­tions. L’OFDF reprend au sein de sa déci­sion l’argumentation du PFPDT. Il a alors trans­mis à la SPM un tableau conte­nant les diffé­rentes infor­ma­tions.  

Le 16 mars 2022, le TAF s’est prononcé sur la ques­tion après avoir été saisi d’un recours des quatre impor­ta­teurs d’or contre la déci­sion de l’OFDF. Les impor­ta­teurs invoquent, tout d’abord, que l’OFDF a créé un docu­ment ad hoc pour répondre à la demande d’accès, déro­geant ainsi aux pres­crip­tions de la loi. Ensuite, ils relèvent qu’un tel docu­ment ne pouvait être trans­mis, car les données sont couvertes par le secret fiscal. 

Qualité du docu­ment 

Premièrement, le Tribunal rappelle le but de la LTrans qui est de « renver­ser le prin­cipe du secret de l’activité de l’administration au profit de celui de la trans­pa­rence quant à la mission, l’organisation et l’activité du secteur public ». La loi permet donc à toute personne de consul­ter des docu­ments offi­ciels et d’obtenir des rensei­gne­ments sur leur contenu de la part des auto­ri­tés sans devoir justi­fier d’un inté­rêt parti­cu­lier (art. 6 al. 1 et 2 LTrans). La loi prévoit néan­moins des excep­tions, notam­ment en matière de secret lorsqu’une loi spéciale le prévoit (art. 4 let. a LTrans). 

Dans le cas d’espèce, les impor­ta­teurs invoquent, tout d’abord, une viola­tion de l’art. 5 LTrans. Ils font valoir que l’OFDF aurait confec­tionné sur mesure le tableau concer­nant les infor­ma­tions liti­gieuses. Partant, l’autorité infé­rieure ne se serait pas basée sur un docu­ment déjà exis­tant et le tableau n’aurait pas été élabo­rée sur la base d’un trai­te­ment infor­ma­tisé simple (art. 5 al. 2 LTrans). 

Le Tribunal rappelle que selon l’art. 5 al. 1 let. a LTrans, le docu­ment, faisant l’objet du droit d’accès, doit être enre­gis­tré sur un support et doit donc exis­ter. Dès lors, l’autorité ne peut être contrainte de créer un docu­ment pour satis­faire le prin­cipe de trans­pa­rence (p.ex., la rédac­tion d’une note de synthèse ou d’une traduc­tion d’un docu­ment). 

Le TAF soulève toute­fois l’exception de l’art. 5 al. 2 LTrans pour le droit d’accéder à des docu­ments « virtuels », soit des « docu­ments offi­ciels qui n’existent qu’à l’état latent et qui peuvent aisé­ment être obte­nus par une mani­pu­la­tion infor­ma­tique élémen­taire à partir d’informations exis­tantes ». 

Le Tribunal juge que les infor­ma­tions liti­gieuses étaient à dispo­si­tion de l’autorité infé­rieure, qui les a simple­ment réunies dans un tableau après une recherche élémen­taire. Par consé­quent, le docu­ment en ques­tion remplis­sait les condi­tions de l’art. 5 LTrans. 

Secret fiscal 

Deuxièmement, le TAF examine la ques­tion de savoir si les données concer­nées sont couvertes par le secret fiscal décou­lant de l’art. 74 Loi régis­sant la taxe sur la valeur ajou­tée (LTVA) au titre de dispo­si­tion spéciale réser­vée par l’art. 4 let. a LTrans. 

Il rappelle que la rela­tion entre le secret garanti par d’autres lois fédé­rales spéciales et le prin­cipe de trans­pa­rence de la loi ne saurait être établie de manière géné­rale, mais doit être déter­mi­née au cas par cas. Il s’agit alors de mettre en balance l’intérêt public à la trans­pa­rence et le but de protec­tion de la norme spéciale. 

Pour le TAF, le secret fiscal décou­lant de l’art. 74 LTVA peut être défini comme  

« une règle qui impose aux personnes char­gées de l’exécution de la légis­la­tion fiscale un devoir de garder le secret absolu sur toutes les infor­ma­tions person­nelles, profes­sion­nelles et finan­cières rela­tives aux contri­buables, dont ils ont connais­sance dans l’exercice de leur fonc­tion, et de refu­ser aux tiers la consul­ta­tion des dossiers fiscaux ». 

Il précise que ce secret peut incom­ber tant aux colla­bo­ra­teurs de l’Administration fédé­rale des contri­bu­tions qu’à ceux de l’OFDF. 

Il ajoute qu’il s’agit d’un secret de fonc­tion quali­fié en raison de la nature parti­cu­lière des rela­tions entre le contri­buable et l’administration. Le secret fiscal remplit une fonc­tion de protec­tion pour le contri­buable et sa sphère privée. En effet, ce dernier est tenu de par la loi de four­nir les infor­ma­tions sur sa situa­tion person­nelle et finan­cière. En contre­par­tie, celles-ci sont proté­gées par le secret fiscal vis-à-vis des tiers, permet­tant ainsi de créer un climat de confiance et de faci­li­ter le devoir de colla­bo­rer des contri­buables. 

Ce climat de confiance consti­tue donc un inté­rêt public au main­tien du secret. Le TAF relève que le secret fiscal sert aussi l’intérêt public à une décla­ra­tion complète par les contri­buables et ainsi à l’égalité de trai­te­ment en matière fiscale, car il faci­lite l’établissement des faits. 

Le TAF précise que le secret fiscal est consti­tué par toutes les données obte­nues par l’autorité dans l’accomplissement des obli­ga­tions de procé­dure de taxa­tion du contri­buable ainsi que les infor­ma­tions four­nies par des tiers. Ce secret repose sur une notion maté­rielle de secret, en ce sens qu’il n’est pas obli­ga­toire de quali­fier expres­sé­ment les données comme « secrètes ». 

L’entrée en vigueur de la LTrans a créé un chan­ge­ment de para­digme portant la trans­pa­rence de l’administration au rang de prin­cipe et le secret comme excep­tion. Cependant, lorsque le secret est justi­fié par l’intérêt privé d’un admi­nis­tré à ne pas divul­guer ses données, celui-ci l’emporte sur le prin­cipe de la trans­pa­rence. 

Le TAF relève que la LTVA a fait l’objet d’une révi­sion totale en 2008, soit après l’entrée en vigueur de la LTrans au 1er juillet 2006. Le secret fiscal n’ayant pas fait l’objet de modi­fi­ca­tion, le Tribunal déduit de ce silence la primauté du secret sur le prin­cipe de trans­pa­rence. 

En l’espèce, le TAF constate que l’ensemble des rensei­gne­ments liti­gieux ont été collec­tés par l’OFDF, entre autres, dans sa fonc­tion d’autorité de taxa­tion de la TVA à l’importation. Relevant que les rensei­gne­ments liti­gieux appar­tiennent à la sphère privée des impor­ta­teurs d’or et que ces derniers font valoir un inté­rêt privé digne de protec­tion à ne pas divul­guer leur contenu, le Tribunal en conclut qu’ils sont couverts par le secret fiscal. 

Le fait que la collecte de données soit de nature « mixte » ne change rien. Pour le TAF, 

« le secret fiscal consti­tue une protec­tion abso­lue des rensei­gne­ments en cause, indé­pen­dam­ment des autres buts pour lesquels les données pour­raient être récol­tées ». 

Partant, le TAF juge que les données liti­gieuses tombent bel et bien sous la protec­tion du secret fiscal comme excep­tion au prin­cipe de trans­pa­rence selon l’art. 4 let. a LTrans, s’opposant ainsi à la demande d’accès et donnant raison aux recou­rants. Avec cette conclu­sion, le TAF n’a pas jugé néces­saire d’aborder la ques­tion de la protec­tion des données person­nelles de l’art. 9 LTrans renvoyant à l’art. 19 LPD. 

La SPM a atta­qué la déci­sion devant le Tribunal fédé­ral, le recours étant pendant. 

Dans un arrêt récent, le Tribunal fédé­ral s’est prononcé diffé­rem­ment sur l’obligation de garder le secret de l’art. 86 LPP (cf. swiss​pri​vacy​.law/​1​34/). Il a conclu que cette obli­ga­tion n’était pas une dispo­si­tion spéciale selon l’art. 4 let. a LTrans et donc ne pouvait être consi­dé­rée comme une excep­tion au prin­cipe de trans­pa­rence. 

Un commen­taire de l’arrêt est égale­ment dispo­nible sur cdbf​.ch. 



Proposition de citation : David Dias Matos, Le secret fiscal comme exception à la transparence, 12 juin 2022 in www.swissprivacy.law/151


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
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