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Droit d’accès vs secret de fonction

Alexandre Barbey, le 22 juillet 2022
Les inté­rêts prépon­dé­rants d’un tiers et le secret de fonc­tion sont des motifs permet­tant de refu­ser la commu­ni­ca­tion d’informations à une personne exer­çant son droit d’accès.

Arrêt de la Cour de justice de la République et du canton de Genève du 10 mai 2022, ATA/​488/​2022

À Genève, un enfant né en 2016 est retiré de sa famille d’accueil après envi­ron trois ans d’hébergement. Suite à cela, les parents d’accueil font une demande de droit d’accès auprès du service gene­vois de protec­tion des mineurs (SPMi) sur la base de l’art. 8 LPD. Ceux-ci souhaitent notam­ment que leur soient commu­ni­qués les échanges les concer­nant entre (i) les tuteurs de l’enfant et le SPMi, (ii) avec la Direction géné­rale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ), auto­rité vaudoise homo­logue au SPMi, et (iii) avec les parents de l’enfant. Le SPMi refuse d’y donner suite, avan­çant que cela s’oppose à des inté­rêts privés et publics prépon­dé­rants. Des données person­nelles sensibles de tiers, en parti­cu­lier celles de l’enfant, sont « indis­so­lu­ble­ment liées » aux données person­nelles des parents d’accueil.

Le Tribunal de protec­tion de l’adulte et de l’enfant (TPAE), saisi par le SPMi, n’a pas délié les cura­teurs de leur secret de « protec­tion ». Le Préposé canto­nal gene­vois à la protec­tion des données et à la trans­pa­rence (PPDT) indique que la pesée des inté­rêts faite par le TPAE était fondée sur l’art. 413 al. 2 CO. Il appar­tient donc à ce Tribunal, et non au PPDT, d’effectuer cette pesée, le droit fédé­ral étant réservé par l’art. 3 al. 5 LIPAD. Le SPMi a donc rendu une déci­sion main­te­nant son refus à donner suite à la demande d’accès.

La famille d’accueil a recouru auprès de la Cour de justice contre la déci­sion du SPMi. L’arrêt analyse si la déci­sion de refus d’accès était valable.

La Cour de justice rappelle tout d’abord que selon l’art. 39 de la loi gene­voise du 1er mars 2018 sur l’enfance et la jeunesse (LEJ, RS/​ge J 6 01), le dépar­te­ment de l’instruction publique, de la jeunesse et des sports (DIP), auquel est ratta­ché le SPMi, traite notam­ment les données rela­tives à la santé des enfants et des jeunes. Un échange d’information est prévu si cela est utile et néces­saire à la prise en charge de l’enfant (art. 40 LEJ). De plus, la commu­ni­ca­tion de données sensibles entre des insti­tu­tions publiques est auto­ri­sée, mais soumise au respect de certaines condi­tions (art. 41 LEJ). Elle rappelle ensuite le secret de fonc­tion auquel sont soumis les membres du person­nel de la fonc­tion publique, que le Conseil d’État peut lever. En outre, elle ajoute que les cura­teurs sont soumis au secret en vertu de l’art. 413 al. 2 CC, sauf si des inté­rêts prépon­dé­rants s’y opposent. Comme c’est le cas en l’espèce, les cura­teurs profes­sion­nels employés de la collec­ti­vité publique sont égale­ment soumis au secret de fonction.

L’autorité de protec­tion de l’adulte et de l’enfant (APAE) est tenue au secret, sauf si des inté­rêts prépon­dé­rants s’y opposent (art. 451 CC). Le secret est impor­tant à plusieurs égards. Tout d’abord, la confiance de la personne concer­née envers l’autorité est primor­diale. De plus, il y a un inté­rêt à une bonne colla­bo­ra­tion des personnes impli­quées avec l’autorité afin que les rensei­gne­ments perti­nents puissent être obte­nus, dans le but que l’autorité puisse assu­mer ses tâches. La Cour de justice indique que :

« [l]’obligation du secret vaut à l’égard de tous les tiers, y compris les proches comme les parents. Elle porte sur l’intégralité des données person­nelles et est plus large que le secret de fonc­tion. En prin­cipe, les obli­ga­tions légales de garder le secret de fonc­tion l’emportent sur le droit de la protec­tion des données. »

La Cour de justice suit l’avis du SPMi en ce sens que ce dernier ne pouvait pas donner accès aux données à la famille d’accueil, car il n’avait pas été délié du secret de « protec­tion » par le TPAE. Elle rappelle que le dossier du SPMi a pour seul but de déci­der des mesures de protec­tion de l’enfant et non pas de collec­ter des données concer­nant la famille d’accueil. La protec­tion de la person­na­lité de l’enfant impose que ses données ne soient pas divul­guées à des tiers.

Les tuteurs de l’enfant sont soumis au secret de « protec­tion ». Il s’agit d’un secret de fonc­tion, sanc­tionné en cas de divul­ga­tion par l’art. 320 CP. La Cour de justice indique que le secret de « protec­tion » s’apparente au secret médi­cal, qui peut être levé par une auto­rité. En l’espèce, le TPAE n’avait pas levé le secret et la Cour de justice ne comprend alors pas pour­quoi les parents d’accueil pour­raient accé­der à ces infor­ma­tions. Elle ne conçoit pas comment les infor­ma­tions figu­rant dans le dossier du SPMi qui se rapportent exclu­si­ve­ment aux parents d’accueil pour­raient être disso­ciées des données person­nelles de l’enfant, le dossier étant consti­tué d’informations se rappor­tant à l’enfant.

Les parents d’accueil avaient encore indi­qué que de fausses infor­ma­tions à leur égard figu­raient au dossier. Cependant, la charge de la preuve pesant sur ceux-ci, la Cour de justice indique qu’ils n’ont pas suffi­sam­ment produit d’éléments pour empor­ter sa convic­tion de la cour, ni suffi­sam­ment motivé leur demande.

Les parents d’accueil n’avaient donc pas d’intérêt supé­rieur à celui de l’enfant à accé­der aux données figu­rant dans le dossier du SPMi. Cette dernière auto­rité n’ayant pas été déliée du secret, la Cour de justice a jugé que c’était à raison que l’accès a été refusé aux parents d’accueil.

Nous rele­vons toute­fois une erreur dans la demande de droit d’accès, qui n’a pas été discu­tée dans l’arrêt. La famille d’accueil a fondé sa demande d’accès sur l’art. 8 LPD alors qu’elle aurait dû le faire en vertu des art. 44 ss LIPAD. Il s’agit en effet d’un droit d’accès régi par le droit canto­nal, le respon­sable du trai­te­ment étant une insti­tu­tion publique au sens de l’art. 3 al. 1 let. a LIPAD. Cependant, cette erreur des parties n’a pas eu d’impact sur la déci­sion au fond, car la Cour de justice a simple­ment raisonné sur la base des dispo­si­tions canto­nales. Cela nous permet néan­moins de rappe­ler que les champs d’application de la LPD et des lois canto­nales de protec­tion des données ne sont pas les mêmes et que les règles appli­cables peuvent être différentes.

 

 



Proposition de citation : Alexandre Barbey, Droit d’accès vs secret de fonction, 22 juillet 2022 in www.swissprivacy.law/159


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