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Documents officiels et données personnelles : la nécessité d’effectuer une double pesée des intérêts

Grégoire Chappuis, le 12 décembre 2022
Quelle est la pesée des inté­rêts in concreto à laquelle doit procé­der une auto­rité saisie d’une demande d’accès à un docu­ment offi­ciel conte­nant des données person­nelles ne pouvant être rendues anonymes ? C’est en substance l’un des points que le Tribunal fédé­ral a dû analy­ser dans un récent arrêt.

Arrêt du Tribunal fédé­ral 1C_​93/​2021 du 6 mai 2022

Le présent arrêt a fait l’objet d’une première contri­bu­tion (cf. www​.swiss​pri​vacy​.law/​170) ; nous y commen­tions la conclu­sion du TF selon laquelle la demande d’accès des requé­rantes doit être exami­née sous l’angle de la LTrans, en parti­cu­lier ses art. 6 ss, et non sous l’angle de l’art. 19 al. 2 de la Loi fédé­rale sur la surveillance de la révi­sion (LSR) qui ne consti­tue pas une dispo­si­tion spéciale au sens de l’art. 4 LTrans.

La présente contri­bu­tion pour­suit le commen­taire de l’arrêt précité et revient cette fois sur les critiques émises par le TF à propos de la pesée des inté­rêts effec­tuée par le TAF dans l’arrêt entre­pris (i.e. B‑6115/​2019 du 16 décembre 2020). L’état de fait à l’origine de l’arrêt commenté ici ne sera pas répété ci-après, le lecteur étant invité à se réfé­rer à la première contri­bu­tion.

Dans l’arrêt en ques­tion, le TF examine la ques­tion de savoir si l’ac­cès au rapport liti­gieux doit être refusé pour des raisons liées à la protec­tion des données, comme le TAF l’a retenu.

Les condi­tions légales appli­cables en matière d’accès à un docu­ment officiels

Le TF rappelle qu’un docu­ment offi­ciel peut être consulté même si l’accès au docu­ment peut porter atteinte à la sphère privée de tiers (art. 7 al. 2 LTrans), ou même si le docu­ment contient des données person­nelles non anony­mi­sées de tiers (art. 9 al. 2 LTrans cum art. 19 LPD), et ce après une pesée d’intérêts. L’articulation de ces dispo­si­tions fait l’objet de contro­verses doctri­nales que la juris­pru­dence surmonte selon une approche prag­ma­tique, que l’on peut résu­mer comme suit.

L’autorité doit en premier lieu exami­ner si les données person­nelles du docu­ment concerné peuvent être rendues anonymes. Si elles ne peuvent pas l’être, l’autorité doit procé­der à une pesée des inté­rêts in concreto au terme de laquelle l’in­té­rêt public à la trans­pa­rence est jugé prépon­dé­rant sur la protec­tion de la sphère privée des personnes dont les données sont conte­nues dans le docu­ment (pour une analyse plus détaillée, cf. Alexandre Flückiger/​Mike Minetto, La commu­ni­ca­tion de docu­ments offi­ciels conte­nant des données person­nelles, in RDAF 2017 I p. 558, 565 ss).

Les données person­nelles des personnes physiques (colla­bo­ra­teurs)

En l’espèce, le TF reproche au TAF d’avoir consi­déré que le rapport liti­gieux était, dans son ensemble, une donnée person­nelle dont l’anonymisation était impos­sible. Cette approche, trop indif­fé­ren­ciée, ne permet pas de procé­der à une pesée nuan­cée des inté­rêts en présence. Le TF pour­suit l’analyse en distin­guant les données person­nelles rela­tives à l’organe de révi­sion (A. SA) de celles de ses collaborateurs.

S’agissant des données person­nelles des colla­bo­ra­teurs (personnes physiques) éven­tuel­le­ment conte­nues dans le rapport, leur anony­mi­sa­tion est en prin­cipe possible. Cependant, ni le TAF ni l’Autorité fédé­rale de surveillance en matière de révi­sion (ASR) n’ont clari­fié si le rapport conte­nait de telles données ni dans quelle mesure une anony­mi­sa­tion proté­ge­rait le droit à l’au­to­dé­ter­mi­na­tion infor­ma­tion­nelle des éven­tuelles personnes physiques concernées.

Les données person­nelles de la personne morale et la pesée des inté­rêts in concreto

S’agissant des données person­nelles de A. SA, le rapport liti­gieux en contient à l’évidence puisque ce docu­ment concerne spéci­fi­que­ment son acti­vité de révi­sion en rela­tion avec CarPostal. Une anony­mi­sa­tion des données person­nelles n’est donc pas possible et il convient de procé­der à une pesée des inté­rêts en présence (art. 9 al. 2 LTrans cum art. 19 LPD). Le TF critique à cet égard la pesée des inté­rêts effec­tuée par le TAF sur plusieurs points.

Premièrement, le TAF n’a pas suffi­sam­ment examiné l’intérêt privé de A. SA au main­tien du secret. En effet, il ne va pas de soi que les données person­nelles concer­nant A. SA sont des données sensibles sur « des pour­suites ou sanc­tions pénales et admi­nis­tra­tives » (art. 3 let. c ch. 4 LPD). Selon le TF, il convient de distin­guer entre la procé­dure de véri­fi­ca­tion (art. 16 al. 1ter à al. 3 LSR) et la procé­dure d’enfor­ce­ment (art. 16 al. 4 et 17 LSR). La première consiste pour l’ASR à clari­fier les faits et consta­ter d’éventuelles viola­tions des obli­ga­tions légales ; la seconde est celle que l’ASR ouvre éven­tuel­le­ment au terme de la première et qui débouche ou non sur des sanc­tions admi­nis­tra­tives (p. ex. blâme écrit, retrait de l’agrément).

En l’occurrence, le rapport liti­gieux ressort à la procé­dure de véri­fi­ca­tion et non à la procé­dure d’enfor­ce­ment, et on doit se deman­der si, de ce fait, il entre dans la caté­go­rie des données sensibles. De plus, pour procé­der à une pesée des inté­rêts complète, le TAF aurait dû clari­fier si un éven­tuel dommage à la répu­ta­tion de A. SA n’était pas déjà survenu au moment de la publi­ca­tion du commu­ni­qué de presse du 4 décembre 2018, dans quelle mesure la mise à dispo­si­tion du rapport pour­rait lui causer un autre dommage et quelle serait la gravité de ce dommage.

Deuxièmement, les déve­lop­pe­ments du TAF concer­nant l’in­té­rêt public à la trans­pa­rence sont insuffisants.

Tout d’abord, le TAF a omis de prendre en compte l’intérêt géné­ral du public à pouvoir véri­fier l’activité de surveillance de l’ASR.

Ensuite, le TAF a nié, à tort, l’existence d’un inté­rêt public prépon­dé­rant tel que mentionné à l’art. 6 al. 2 OTrans : au vu de l’attention que le scan­dale CarPostal a susci­tée auprès des médias et des pouvoirs poli­tiques, la mise à dispo­si­tion de docu­ments à ce sujet sert un inté­rêt parti­cu­lier à l’in­for­ma­tion qui doit être pris en compte dans la pesée des intérêts.

Enfin, c’est égale­ment à tort que le TAF a retenu que l’intérêt des requé­rantes à accé­der au rapport liti­gieux ne pouvait pas être consi­déré comme un inté­rêt public, car il était de nature pure­ment finan­cière, les préci­tées cher­chant à prépa­rer un éven­tuel procès en respon­sa­bi­lité contre A. SA. D’une part, l’in­té­rêt à l’ac­cès n’a pas à être pris en compte dans le cadre d’une demande d’ac­cès en appli­ca­tion de la LTrans. D’autre part, les requé­rantes sont entiè­re­ment déte­nues par la Confédération, élément qui est suscep­tible d’exercer une influence dans la pesée des intérêts.

Le TF en conclut que le TAF a violé l’art. 19 al. 1bis LPD et lui renvoie l’af­faire pour exami­ner les possi­bi­li­tés d’ano­ny­mi­sa­tion du rapport et procé­der à une nouvelle pesée des inté­rêts dans le sens des consi­dé­rants. Dans ce cadre, le TAF devra donner à A. SA l’occasion de faire valoir son droit d’être entendu (art. 11 LTrans).

Cet arrêt est inté­res­sant car il met en évidence une parti­cu­la­rité de la LTrans qui ne ressort pas expli­ci­te­ment de la loi : en présence d’un docu­ment offi­ciel conte­nant des données person­nelles de tiers, l’autorité saisie d’une demande d’accès effec­tue une double pesée des inté­rêts. Tout d’abord, elle examine si la consul­ta­tion du docu­ment est d’emblée exclue en raison d’intérêts publics ou privés qu’elle juge mani­fes­te­ment prépon­dé­rants (art. 7 LTrans). Ensuite, si la consul­ta­tion n’est pas d’emblée exclue pour ce motif, l’autorité doit en prin­cipe entendre les tiers concer­nés (art. 11 al. 1 LTrans) et, cela fait effec­tuer une seconde pesée des inté­rêts en prenant en compte cette fois les inté­rêts des tiers avant de statuer sur la demande d’accès (pour plus de détails sur ce point, cf. Alexandre Flückiger, La trans­pa­rence des données person­nelles au service de l’intégrité de l’administration publique, in Droit public de l’or­ga­ni­sa­tion – respon­sa­bi­lité des collec­ti­vi­tés publiques – fonc­tion publique, 2020, vol. 2019–2020, pp. 77 ss, 84 ss).

Enfin, on relè­vera que les inté­rêts des personnes morales conti­nue­ront à être pris en compte dans le cadre des pesées d’intérêts évoquées ci-dessus, après l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi fédé­rale sur la protec­tion des données (nLPD) le 1er septembre 2023. En effet, même si la nLPD ne s’appliquera plus aux données concer­nant des personnes morales, le nouvel art. 9 al. 2 LTrans prévoit que lorsque le docu­ment offi­ciel visé par une demande d’accès contient des données concer­nant une personne morale qui ne peuvent pas être anony­mi­sées, l’art. 57s LOGA sera appli­cable (FF 2020 7397 ss, 7435), lequel a la même teneur que l’actuel art. 19 al. 1bis LPD.



Proposition de citation : Grégoire Chappuis, Documents officiels et données personnelles : la nécessité d’effectuer une double pesée des intérêts, 12 décembre 2022 in www.swissprivacy.law/189


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
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