Le Valais se met en conformité avec le droit supérieur en matière de protection des données
Contexte
Suite à un long processus législatif, le Grand Conseil valaisan a adopté, en date du 16 mars 2023, le texte relatif à la modification partielle de la Loi cantonale sur l’information du public, la protection des données et l’archivage (ci-après : nLIPDA). Ce nouveau texte doit permettre à l’État du Valais d’être en conformité avec la Convention 108+ et la Directive UE 2016/680. Il s’inspire également grandement de la nouvelle Loi fédérale sur la protection des données, qui est elle-même fortement inspirée de la Convention 108+, du RGPD et de la Directive UE précitée.
Actuellement, le texte adopté est soumis à référendum, et ce jusqu’au 3 août prochain. Il peut être consulté à cette adresse. Le but de la présente contribution est de présenter les principales modifications de ce texte, dans l’éventualité où il entrerait en vigueur dans les prochains mois.
Sécurité des données
En application de la nLIPDA, il sera désormais précisé que le responsable du traitement et le sous-traitant doivent assurer une sécurité adéquate des données personnelles. En matière de sous-traitance, la nLIPDA renforce également les droits des administrés, en ce sens que toute sous-traitance devra désormais faire l’objet d’un contrat écrit, pour lequel un certain nombre de conditions devront être remplies.
Ainsi, il ne sera plus possible de sous-traiter le traitement de données personnelles à des tiers sur la base d’un simple devis. Par ailleurs, il appartiendra au responsable du traitement de s’assurer que le sous-traitant est en mesure de respecter les principes retenus à l’art. 18, permettant la collecte et le traitement de données personnelles sensibles. Ceci devrait permettre aux autorités de mieux appréhender le traitement de données, et la suppression de celles-ci qui doit en découler une fois qu’elles ne sont plus nécessaires aux finalités pour lesquelles elles sont traitées. Ainsi, la sécurité des données devrait s’en trouver renforcée, pour autant que les autorités et leurs sous-traitants respectent leurs incombances.
Vidéosurveillance
Le sujet de la vidéosurveillance fait débat depuis de nombreuses années. La mouture de la nLIPDA précise que les installations de prise de vues et d’enregistrement d’images dans l’espace public communal à des fins de sécurité et d’ordre public nécessitent des dispositions dans un règlement communal ou intercommunal (art. 28a LIPDA). Dans cette optique, le bureau du soussigné est en train de préparer des dispositions types, ainsi qu’un canevas explicatif, pour l’adoption d’articles relatifs à la vidéosurveillance dans les règlements communaux. Les communes devront cependant réaliser des analyses d’impact relatives à la protection des données en vue de la modification de leurs règlements communaux, ce afin de pouvoir démontrer la nécessité de l’installation d’appareils de prise de vue et d’enregistrement d’images dans l’espace public. Un important travail des communes sera ainsi nécessaire pour se mettre en conformité.
Pour ce qui concerne l’espace public cantonal, de telles installations nécessiteront une loi cantonale. Ainsi, pour être conforme à la LIPDA, Le Grand Conseil devrait adopter une loi relative à la vidéosurveillance, sur proposition du Conseil d’Etat. Un tel projet de loi avait été abandonné il y a de cela plusieurs années, face à la levée de boucliers de certaines autorités. Aujourd’hui, il est ainsi temps de remettre l’ouvrage sur le métier, ce afin de permettre aux autorités étatiques, qui souhaiteraient avoir recours à la vidéosurveillance, d’être en conformité avec la nouvelle nLIPDA.
Violation de la sécurité des données
En matière de nouveautés qui méritent d’être relevées, la nouvelle LIPDA prévoit une obligation d’annonce des violations de la sécurité des données personnelles (art. 30a nLIPDA), tel que cela ressort de la nLPD et du RGPD. La différence importante est que, dans le cas de la LIPDA, le responsable du traitement devra annoncer immédiatement ces violations au Préposé, et non dans des délais plus longs prévus par la LPD ou le RGPD. Une annonce immédiate permettra au Préposé de documenter ces violations de la sécurité des données, et ainsi accompagner les autorités dans la suite de la procédure, de concert avec le Ministère public et la Police cantonale. Les annonces de violation de la sécurité des données personnelles feront l’objet d’un registre tenu par le Préposé (art. 37 al. 1 let. i nLIPDA).
Délégué à la protection des données
Afin d’épauler les autorités cantonales et communales dans leurs tâches en matière de protection des données, le Parlement a adopté un article visant à rendre obligatoire la désignation d’un délégué à la protection des données (art. 30c nLIPDA).
Le délégué à la protection des données aura pour tâches de conseiller le responsable du traitement, de promouvoir l’information et la formation des collaborateurs, de concourir à l’application des prescriptions relatives à la protection des données personnelles, ainsi qu’être le point de contact pour les personnes concernées et les autorités de surveillance. La loi donne la possibilité d’engager tant un collaborateur interne à l’autorité, ou de mandater une personne externe pour exercer cette activité, voir même que plusieurs autorités se regroupent pour recruter un délégué à la protection des données de manière conjointe. L’on ne peut que se réjouir de l’adoption d’une telle disposition, qui permettra assurément de renforcer la protection des données, en ce sens que les autorités pourront être épaulées par des spécialistes du domaine dans le cadre du traitement de données.
Transparence
Les règles en matière de transparence souffraient de certaines imprécisions. La nLIPDA y apporte certaines réponses.
En premier lieu, un nouvel art. 12a nLIPDA a été ajouté, et précise la procédure à suivre pour formuler une demande d’accès à des documents officiels. Une telle demande sera ainsi soumise à la forme écrite, y compris électronique, et n’a pas à être motivée. Cette précision a son importance, certains responsables du traitement souhaitant régulièrement connaître les motivations des requérants pour l’obtention de documents.
En second lieu, dans le cadre de cette nLIPDA, une nouvelle prérogative a été octroyée à la Commission cantonale de protection des données et de transparence. En effet, selon le nouvel art. 54a nLIPDA, la commission peut être saisie par une des parties ou le Préposé dans le cas où la médiation n’a pas abouti, ou que l’accord trouvé n’est pas respecté. Il est considéré, selon le message accompagnant la nouvelle LIPDA, que la médiation n’a pas abouti si aucun accord n’est trouvé et que l’autorité ne suit pas la recommandation du Préposé, si le demandeur ou le tiers intéressé n’est pas satisfait de la recommandation du Préposé, ou dans l’éventualité où l’accord trouvé n’est pas respecté. Dans ce cadre, la Commission pourra rendre une décision sur la demande d’accès. Ainsi, en matière de transparence, une avancée est faite étant donné que la Commission aura désormais un pouvoir décisionnel.
L’instauration d’un délai à l’adresse des autorités pour donner suite aux recommandations du Préposé aurait été souhaitable. Il arrive en effet que des autorités ne traitent pas les recommandations du Préposé dans des délais acceptables, engendrant un travail chronophage de relances. Cependant, la nouvelle mouture de la LIPDA ne prévoit pas un tel mécanisme. Néanmoins, il pourrait être envisageable de considérer que la médiation a échoué lorsque l’autorité ne se prononce pas sur les recommandations rendues par le Préposé dans un délai raisonnable, et alors saisir la Commission pour que celle-ci puisse rendre une décision.
Mise en application
Ces modifications législatives permettront assurément de renforcer la protection des données et la transparence en Valais. Une fois le délai référendaire passé, il y aura lieu de préparer le Règlement de la nLIPDA, ce en vue de son entrée en vigueur qui devrait intervenir dans les mois à venir. Par ailleurs, notre autorité est en train de travailler sur l’élaboration de différents modèles à destination des particuliers et des autorités. Ceux-ci devraient permettre une mise en place la plus efficace possible de cette nouvelle loi.
Finalement, comme toute loi, celle-ci est perfectible. Néanmoins, elle représente déjà une importante avancée pour les droits liés à la protection des données et à la transparence, ce qui permettra de se conformer au droit supérieur. Par ailleurs, la pratique permettra certainement de combler certains manquements de la loi.
En dernier lieu, je tiens à remercier mon collaborateur, Monsieur Wilfried Boundel, qui a largement contribué à la rédaction de la présente contribution en s’attelant à compiler en un seul document toutes les nouveautés de la loi.
Proposition de citation : Lauris Loat, Le Valais se met en conformité avec le droit supérieur en matière de protection des données, 28 juillet 2023 in www.swissprivacy.law/243
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