Adéquation en faveur de la Suisse : la décision tant attendue
La Commission européenne présente le 15 janvier 2024 ses conclusions sur les décisions d’adéquations rendues sous l’empire de la Directive 95/46/CE, prédécesseuse du RGPD. Ce rapport présente une adéquation en bloc pour 11 pays, à savoir l’Andorre, l’Argentine, le Canada, les Îles Féroé, Guernesey, l’Île de Man, Israël, Jersey, la Nouvelle-Zélande, l’Uruguay et – attendue de longue date – la Suisse.
Pour rappel, les décisions d’adéquation sont prévues à l’art. 45 RGPD et sont un des mécanismes permettant le transfert de données personnelles en dehors de l’UE, créant un espace de libre-échange entre le pays en bénéficiant et l’espace économique européen. Pour plus d’informations sur le mécanisme des décisions d’adéquations, ses conditions et son impact sur la Suisse, cf. Les décisions d’adéquation au sens du RGPD, en comparaison avec les décisions basées sur la LPD (nLPD) et la marge de manœuvre de la Suisse.
Au sens de l’art. 45 par. 3 RGPD, la Commission européenne est tenue de réexaminer le niveau de protection au minimum tous les quatre ans. Depuis 2000, date de la décision d’adéquation Suisse, l’entrée en vigueur du RGPD, les deux arrêts Schrems et les lignes directrices du groupe de travail de l’Article 29 ont contribué à préciser le mécanisme des décisions d’adéquation, éléments que la Commission a pris en compte lors de son examen. En particulier, les pays aux bénéfices de l’adéquation doivent fournir un niveau de protection « essentiellement équivalent » au niveau de protection prévu au niveau européen. Les règles auxquelles sont soumises les autorités publiques sont également prises en compte dans l’analyse, en particulier lors de traitement de données personnelles dans le cadre du maintien de l’ordre public et de la sécurité intérieure.
Ayant rappelé ces divers éléments, les conclusions principales sont résumées par pays. Concernant la Suisse, la Commission européenne reconnaît les efforts mis en œuvre, citant notamment la révision de la LPD et la ratification de la Convention 108+. Sur la question du traitement des données personnelles par les autorités publiques, la Commission européenne note que le code de procédure pénale et la loi sur le renseignement regroupent des règles spécifiques, mettant en place les limites et garanties nécessaires.
Cette adéquation met fin à une longue attente pour les spécialistes et autres acteurs intéressés de la protection des données. La Commission européenne motive le retard de ce réexamen en invoquant l’arrêt Schrems II, ainsi que « d’autres évolutions connexes », sans toutefois préciser lesquelles. On peut imaginer ici que les différentes évolutions législatives dans les pays examinés – comme cela a été le cas de l’Andorre, du Canada, des Îles Féroé, de la Suisse et de la Nouvelle-Zélande – ainsi que d’autres mesures prises par les autorités de ses pays ont justifié ce retard.
De manière générale, cette décision d’adéquation est une bonne nouvelle pour la Suisse, démontrant ainsi que les efforts fournis par le législateur – le Message de la nouvelle LPD indique clairement une volonté de se rapprocher du RGPD et de garantir l’adéquation (FF 2017 6579) – ont porté leurs fruits. Il faut toutefois rappeler, comme l’a également fait la Commission européenne, que les décisions d’adéquations doivent être considérées comme des « instruments vivants ». En effet, l’art. 45 par. 5 RGPD permet la suspension, la modification ou même le retrait d’une décision d’adéquation, lorsque le niveau adéquat n’est plus garanti par le pays concerné.
Proposition de citation : Charlotte Beck, Adéquation en faveur de la Suisse : la décision tant attendue, 16 janvier 2024 in www.swissprivacy.law/277
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