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Pas de transparence pour l’or importé en Suisse

Célian Hirsch, le 13 février 2024
Le secret fiscal consti­tue une lex specia­lis au prin­cipe de la transparence.

Arrêt du Tribunal fédé­ral 1C_​272/​2022 du 15 novembre 2023 (destiné à la publi­ca­tion et rendu en audience publique, à quatre voix contre une).

L’origine de cet arrêt réside dans la requête de l’ONG Société pour les peuples mena­cés, fondée sur la Loi sur la trans­pa­rence (LTrans). L’ONG demande à l’Office fédé­ral de la douane et de la sécu­rité des fron­tières (OFDF) l’accès à des statis­tiques détaillées sur les impor­ta­tions d’or effec­tuées par les prin­ci­paux impor­ta­teurs suisses, pour la période de 2014 à 2017. Face à l’opposition des impor­ta­teurs invo­quant en parti­cu­lier le secret fiscal, l’OFDF rejette initia­le­ment cette demande.

Saisi par l’ONG, le PFPDT recom­mande la divul­ga­tion des infor­ma­tions car le secret fiscal ne s’appliquerait pas et l’intérêt public à la trans­pa­rence prévau­drait. L’OFDF suit cette recom­man­da­tion, ce qui amène quatre socié­tés impor­ta­trices à recou­rir contre la décision.

Le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral admet leurs recours ; il consi­dère le secret fiscal comme une lex specia­lis au prin­cipe de la trans­pa­rence (cf. Hirsch, cdbf​.ch/​1​232).

Saisi par l’ONG, le Tribunal fédé­ral doit clari­fier la rela­tion entre le prin­cipe de trans­pa­rence et le secret fiscal.

Le but de la LTrans est de renver­ser le prin­cipe du secret de l’administration au profit de la trans­pa­rence. Cela étant, l’art. 4 let. a LTrans réserve les dispo­si­tions spéciales d’autres lois fédé­rales qui déclarent certaines infor­ma­tions secrètes. Le Tribunal fédé­ral doit donc déter­mi­ner si l’art. 74 LTVA, qui prévoit le secret fiscal en matière de TVA, consti­tue une telle lex specia­lis.

Le secret fiscal se justi­fie à double titre. Premièrement, il protège la person­na­lité du contri­buable et préserve ses secrets d’affaires puisque ce dernier est soumis à une obli­ga­tion de divul­ga­tion très éten­due décou­lant du droit fiscal. Secondement, il favo­rise l’exécution par le contri­buable de son obli­ga­tion de rensei­gner, puisque ce dernier peut alors comp­ter sur le fait que les infor­ma­tions divul­guées aux auto­ri­tés fiscales ne seront pas rendues publiques. De ce fait, il sert l’intérêt public.

Selon la juris­pru­dence récente, l’absence de toute consi­dé­ra­tion rela­tive à la coor­di­na­tion entre la LTrans et une nouvelle légis­la­tion doit plutôt être inter­pré­tée comme un indice que l’autorité légis­la­tive n’a pas voulu restreindre le champ d’application de la LTrans dans le domaine en ques­tion (ATF 146 II 265, résumé in LawInside​.ch/​933). La LTVA a été révi­sée en 2008, mais la rela­tion du secret fiscal avec la LTrans n’a pas été clari­fiée à cette occa­sion. Cela étant, le secret fiscal béné­fi­cie d’une protec­tion plus éten­due que le secret de fonc­tion et consti­tue donc un secret quali­fié. En raison de l’importance centrale de ce secret et de son inté­rêt public, le légis­la­teur n’a pas voulu étendre le prin­cipe de trans­pa­rence dans le domaine fiscal. Cela se justi­fie d’autant plus car ce domaine est sans rapport direct avec l’activité de l’administration. Le secret fiscal est donc une lex specia­lis au sens de l’art. 4 let. a LTrans.

En l’espèce, les rensei­gne­ments visés par l’ONG ont été produits par les socié­tés en vertu d’une obli­ga­tion de décla­rer, en parti­cu­lier afin que l’autorité véri­fie s’il y a lieu de préle­ver des impôts. Ces infor­ma­tions sont donc couvertes par le secret fiscal prévu à l’art. 74 LTVA et ne sont en prin­cipe pas soumises au prin­cipe de la transparence.

Le Tribunal fédé­ral déve­loppe encore son raison­ne­ment dans deux obiter dicta.

Premièrement, le légis­la­teur fédé­ral a récem­ment adopté les art. 964j ss CO (« Devoirs de dili­gence et de trans­pa­rence en matière de mine­rais et de métaux prove­nant de zones de conflit et en matière de travail des enfants »). Ces dispo­si­tions imposent une certaine trans­pa­rence aux impor­ta­teurs d’or (cf. Neri-Castracane, cdbf​.ch/​1​182). Cette inter­ven­tion légis­la­tive en faveur de la trans­pa­rence démontre qu’il appar­tient au légis­la­teur fédé­ral, et non au Tribunal fédé­ral, d’étendre les exigences de trans­pa­rence ou d’apporter des modi­fi­ca­tions au régime du secret fiscal dans ce contexte.

Secondement, le prin­cipe de trans­pa­rence permet à tout citoyen de véri­fier le fonc­tion­ne­ment de l’État. En l’occurrence, la demande d’accès porte sur la quan­tité et la prove­nance de l’or importé par quatre socié­tés. Elle concerne ainsi des acti­vi­tés exclu­si­ve­ment privées et ne tend pas à un droit de regard sur les acti­vi­tés de l’État. Le Tribunal fédé­ral en conclut que la démarche de l’ONG est étran­gère au but pour­suivi par la LTrans. Elle ne peut donc conduire à obte­nir des infor­ma­tions protégées.

Cet arrêt est convain­cant dans son résul­tat. La LTrans vise à véri­fier l’activité de l’État, et non celle des parti­cu­liers. Cette loi ne devrait donc pas permettre d’accéder indi­rec­te­ment à des infor­ma­tions qui ne concernent que les acti­vi­tés privées, et non les affaires étatiques.

Le raison­ne­ment du Tribunal fédé­ral, à savoir admettre une lex specia­lis au sens de l’art. 4 LTrans en raison de la spéci­fi­cité du secret fiscal et de son inté­rêt public, semble combler l’absence de préci­sion que le légis­la­teur aurait dû effec­tuer lors de la révi­sion de la LTVA en 2008.

Enfin, l’ONG avait invo­qué, à l’appui de son recours, l’art. 10 CEDH (liberté d’expression) et la juris­pru­dence y rela­tive. En effet, dans l’arrêt Magyar Helsinki Bizottság c. Hongrie, la CourEDH a reconnu que l’art. 10 CEDH comprend « un droit d’accès à l’information » à certaines condi­tions. En résumé, l’ONG Magyar Helsinki Bizottság, sise en Hongrie, dési­rait avoir accès aux noms des avocats nommés d’office ainsi que le nombre de fois où chaque avocat avait été nommé. Un service compé­tent (parmi d’autres) rejeta sa requête. En effet, la loi natio­nale sur la protec­tion des données ne permet­tait pas de parta­ger les noms des avocats. Cette appré­cia­tion fut confir­mée par la Cour suprême hongroise. Dans un arrêt rendu en Grande Chambre le 8 novembre 2016, la CourEDH a admis la viola­tion de l’art. 10 CEDH par quinze voix contre deux. En effet, l’art. 10 CEDH permet­tait en l’espèce à l’ONG d’obtenir une telle infor­ma­tion et la restric­tion de ce droit n’était pas « néces­saire dans une société démocratique ».

Le Tribunal fédé­ral ne répond singu­liè­re­ment pas à ce grief. Il souligne par ailleurs qu’il se consi­dère lié par le régime du secret fiscal en raison de l’art. 190 Cst. Or cette dispo­si­tion ne permet pas à une loi fédé­rale de résis­ter à la CEDH. L’ONG pour­rait ainsi encore saisir la CourEDH.

 



Proposition de citation : Célian Hirsch, Pas de transparence pour l’or importé en Suisse, 13 février 2024 in www.swissprivacy.law/283


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
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