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Cher réseau, …

David Dias Matos, le 14 août 2024

La Cour de justice du canton de Genève a ordonné à une ex-employée de modi­fier les infor­ma­tions rela­tives à un ancien poste figu­rant sur son profil LinkedIn.

Arrêt de la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice CAPH/​116/​2023 du 9 novembre 2023

Des mots savam­ment choi­sis, un profil léché, une photo qui brille de mille feux, il est courant sur les réseaux sociaux profes­sion­nels de se lais­ser aller à une légère exagé­ra­tion sur ses prouesses et/​ou cahier des charges. Or, la fron­tière entre la mise en valeur et une infor­ma­tion erro­née peut être ténue, en parti­cu­lier lorsque la fin des rapports de travail n’a pas été de tout repos.

Faits

Une employée, initia­le­ment enga­gée en tant qu’« Experienced Secretary » par une société de conseils basée au Royaume-Uni, est trans­fé­rée quelques années plus tard dans une succur­sale située à Genève au rang de « Senior Consultant ». Conformément à la pratique, le contrat contient une clause de confi­den­tia­lité impo­sant le respect des règle­ments et procé­dures internes, leur non-respect pouvant entraî­ner le licenciement.

La même année, l’employée est promue « Assistant Manager ». Malgré cette promo­tion, elle exprime un manque de soutien de la part de l’entreprise lors de sa venue à Genève. Lors d’un entre­tien avec sa hiérar­chie concer­nant son trans­fert, son employeur lui assure que ses perfor­mances sont posi­tives et que les clients sont satisfaits.

Cependant, l’entretien prend une tout autre tour­nure lorsque l’employée  mentionne son souhait de nouvelle promo­tion au rang de « Manager ». L’employeur l’in­forme alors que personne d’autre que son ancien supé­rieur hiérar­chique n’avait soutenu sa précé­dente promo­tion et qu’elle doit encore faire ses preuves.

Durant les mois suivant, l’employée se retrouve en inca­pa­cité totale de travailler. Au cours de cette période, elle se soucie de la possi­bi­lité que son supé­rieur ne fasse pas état de ses bonnes perfor­mances. Afin de pouvoir démon­trer, à l’avenir, qu’elle mérite une promo­tion, l’employée télé­charge sur son cloud person­nel une quin­zaine de cour­riels et de « feed­backs » de collègues, clients et supérieurs.

Ce télé­char­ge­ment, compre­nant des docu­ments confi­den­tiels pour l’entreprise, déclenche une alerte auprès du service infor­ma­tique. Suite à cela, l’employeur orga­nise un entre­tien télé­pho­nique avec l’employée et un colla­bo­ra­teur du service infor­ma­tique. Il a été établi que 47 docu­ments ont été télé­char­gés. Cet acte enfreint la poli­tique interne de l’entreprise et est un motif de licen­cie­ment immé­diat, lequel est noti­fié à l’employée.

De surcroît, l’employeur demande que l’employée recti­fie son profil LinkedIn. En effet, cette dernière ne mentionne sur le réseau social que son poste de « Assistant Manager », sans mention de son poste précé­dant de « Senior Consultant ». Aussi, elle indique que son acti­vité au sein de l’entreprise a pris fin en avril 2021, ce que l’employeur réfute.

L’employée saisit alors la justice afin de contes­ter son licen­cie­ment immé­diat. Elle affirme que les docu­ments télé­char­gés ne conte­naient que des cour­riels qui lui avaient été adres­sés en lien avec la qualité de son travail et ses perfor­mances. Elle invoque égale­ment que son licen­cie­ment immé­diat était injus­ti­fié et donc que la fin de ses rapports de travail était inter­ve­nue en avril 2021.

En première instance, le tribu­nal conclut que le licen­cie­ment immé­diat n’était pas justi­fié et que la recti­fi­ca­tion ne pouvait être exigée faute d’atteinte à la person­na­lité de l’entreprise au sens de l’art. 28 CC. L’employeur a donc fait appel de cette décision.

Licenciement immé­diat

Tout d’abord, la Cour d’appel se penche sur la ques­tion de la justi­fi­ca­tion du licen­cie­ment immé­diat. Elle rappelle qu’il s’agit d’une mesure excep­tion­nelle devant être admise de manière restric­tive. Les faits l’entrainant doivent conduire à une perte du rapport de confiance, lequel consti­tue le fonde­ment du contrat de travail. Dès lors, seul un manque­ment parti­cu­liè­re­ment grave peut justi­fier une telle mesure.

La Cour rappelle que le juge béné­fi­cie d’un pouvoir d’appréciation large et qu’il n’est pas possible d’établir une casuis­tique en se foca­li­sant sur un seul élément du compor­te­ment de l’employé congé­dié, qui plus est lorsqu’il est sorti de son contexte. Il faut notam­ment tenir compte de la posi­tion et de la respon­sa­bi­lité du travailleur au sein de l’entreprise, du type et de la durée des rapports contrac­tuels, de la nature et de l’importance des manque­ments ainsi que du carac­tère inten­tion­nel de ceux-ci.

En l’espèce, l’employeur a motivé le licen­cie­ment immé­diat par le fait que l’employée a télé­chargé des docu­ments confi­den­tiels – et non des cour­riels – sur un support externe privé en viola­tion de ses obli­ga­tions contractuelles.

Selon la Cour, cette moti­va­tion est à nuan­cer. Elle retient qu’un télé­char­ge­ment a bien eu lieu sur le cloud person­nel de l’employée et que certains des docu­ments concernent les méthodes de travail de l’entreprise, ainsi que des propo­si­tions faites à des clients, qui sont de nature confidentielle.

Or, contrai­re­ment à ce que l’employeur allègue, seule une partie des docu­ments ayant fait l’ob­jet dudit télé­char­ge­ment sont de nature confi­den­tielle. De plus, l’employée n’a, ni exploité ces docu­ments d’une quel­conque manière, ni trans­mis lesdits docu­ments à des tiers non auto­ri­sés. La Cour relève égale­ment que la poli­tique et les direc­tives internes ne prohibent pas expres­sé­ment le télé­char­ge­ment sur des supports externes, mais unique­ment l’utilisation et la divul­ga­tion d’informations confidentielles.

Finalement, la Cour relève que l’employée a immé­dia­te­ment coopéré à la procé­dure de récu­pé­ra­tion des données concer­nées en mettant à dispo­si­tion de l’employeur son ordi­na­teur portable et a consenti à l’effacement des docu­ments liti­gieux de son cloud person­nel. Elle a égale­ment signé un docu­ment s’engageant à se confor­mer à ses obli­ga­tions contrac­tuelles en matière de confidentialité.

Compte tenu de ces éléments, la Cour consi­dère que le télé­char­ge­ment liti­gieux n’était pas suffi­sant pour détruire irré­mé­dia­ble­ment le rapport de confiance entre les parties, les rela­tions de travail pouvant objec­ti­ve­ment encore durer le temps du délai de congé ordinaire.

Rectification du profil LinkedIn

Quant à la demande de recti­fi­ca­tion du profil LinkedIn de l’employée, l’ancienne LPD (aLPD) était appli­cable aux éléments de la procé­dure. Pour rappel, l’aLPD et son art. 2 régis­sait le trai­te­ment de données person­nelles concer­nant tant des personnes physiques que des personnes morales.

Selon l’art. 5 aLPD, celui qui traite des données person­nelles doit s’assurer qu’elles sont correctes. Il s’agit du prin­cipe d’exactitude qui impose de prendre toute mesure appro­priée permet­tant d’effacer ou de recti­fier les données inexactes ou incom­plètes au regard des fina­li­tés pour lesquelles elles sont trai­tées. Toute personne concer­née peut requé­rir leur recti­fi­ca­tion (al. 2).

La Cour rappelle que toute donnée inexacte doit être corri­gée si la personne concer­née le demande. Elle explique que « le droit à l’autodétermination en matière infor­ma­tion­nelle ne permet pas de rela­ti­vi­ser cette préten­tion en fonc­tion du but, du type ou des circons­tances du traitement ».

En outre, la Cour souligne que si la personne concer­née n’obtient pas satis­fac­tion, elle peut user des préten­tions en recti­fi­ca­tion des art. 15 ou 25 aLPD, sans qu’une atteinte n’ait à être établie, ni qu’un motif justi­fi­ca­tif ne puisse être invo­qué. Le prin­cipe d’exactitude ne peut être rela­ti­visé en admet­tant l’existence d’un inté­rêt prépon­dé­rant de l’exploitant à conser­ver des données inexactes.

En l’espèce, l’employeur base sa requête sur son droit à la recti­fi­ca­tion au sens de l’art. 5 al. 2 aLPD. Ainsi, il n’a pas à prou­ver une quel­conque atteinte à sa person­na­lité au sens de l’art. 28 CC ou à se préva­loir d’un juste motif pour que les infor­ma­tions le concer­nant sur le profil de l’employée soient recti­fiées pour corres­pondre à la réalité des faits.

Malgré le fait que le licen­cie­ment immé­diat était injus­ti­fié, les rapports de travail entre les parties ont cessé en décembre 2020 et non, comme indi­qué sur le profil, en avril 2021, . L’employée a égale­ment mentionné sur son profil avoir occupé le poste de « Assistant Manager » dès le 1er décembre 2019, ce qui n’était pas correct, dès lors qu’elle n’a exercé cette fonc­tion qu’à comp­ter du 1er septembre.

La Cour lui ordonne donc de recti­fier son profil LinkedIn afin qu’il reflète la durée et le poste qu’elle a occupé au sein de l’entreprise.

Nouvelle LPD

Cet arrêt a été rendu sous l’ancienne LPD, rempla­cée par la nouvelle le 1er septembre 2023. L’entrée en vigueur de celle-ci s’est accom­pa­gnée de chan­ge­ments signi­fi­ca­tifs qui auraient abouti à une issue diffé­rente pour la procédure.

La modi­fi­ca­tion majeure résul­tant du chan­ge­ment de loi est que les personnes morales ne sont plus consi­dé­rées comme des personnes concer­nées. En effet, l’ancien art. 2 al. 1 a été modi­fié et ne régit plus que les trai­te­ments de données concer­nant des personnes physiques. Ce chan­ge­ment se justi­fie par la volonté du légis­la­teur de se rappro­cher des légis­la­tions plus modernes, notam­ment du RGPD.

Par consé­quent, il n’aurait pas été possible pour l’entreprise de faire valoir son droit à la recti­fi­ca­tion basé sur la nLPD. Ce droit existe toujours et figure à l’art. 32 al. 1 LPD pour les trai­te­ments de données faits par des privés et à l’art. 41 al. 2 let. a LPD pour les trai­te­ments de données par des organes fédé­raux, mais peut unique­ment être utilisé par des personnes physiques.

L’entreprise devrait à présent user des droits décou­lant de la protec­tion de sa person­na­lité selon les art. 28 ss CC.



Proposition de citation : David Dias Matos, Cher réseau, …, 14 août 2024 in www.swissprivacy.law/312


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