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Géolocalisation des taxis : approbation de normes cantonales par le Tribunal fédéral

Mallorie Ashton-Lomax, le 20 novembre 2024

Le Tribunal fédé­ral confirme sa juris­pru­dence et valide les mesures de géolo­ca­li­sa­tion des taxis et VTC à Genève lors d’un contrôle abstrait de la loi et du règle­ment sur les taxis et voitures de trans­port avec chauf­feur (LTVTC/​GE et RTVTC/​GE). Il estime que ces mesures respectent les exigences légales et consti­tu­tion­nelles, tout en garan­tis­sant une protec­tion suffi­sante de la sphère privée des profes­sion­nels concernés.

Arrêt du Tribunal fédé­ral, 2C_​275/​2023 du 12 juin 2024

Après l’entrée en vigueur de la loi gene­voise sur les taxis et les trans­ports avec chauf­feur (LTVTC/​GE) et son règle­ment d’exécution (RTVTC/​GE) le 1er novembre 2022, des asso­cia­tions profes­sion­nelles contestent certains articles devant la Chambre consti­tu­tion­nelle de la Cour de Justice de Genève le 24 novembre 2022. Le Tribunal rejette leur recours le 24 mars 2023. Les asso­cia­tions saisissent alors le Tribunal fédé­ral par un recours en matière de droit public (RMDP), deman­dant l’annulation de l’arrêt de la Cour de Justice. Elles remettent en ques­tion la léga­lité de plusieurs articles de la LTVTC/​GE, notam­ment les art. 27 al. 4 et 5, ainsi que 51 al. 4 RTVTC/​GE, concer­nant la protec­tion des données. 

Le Tribunal fédé­ral commence par rappe­ler les dispo­si­tions contes­tées. Celles-ci imposent l’installation d’un système de géolo­ca­li­sa­tion sur les véhi­cules concer­nés, afin de véri­fier le respect des pres­crip­tions sur l’utilisation du domaine public, l’accès aux zones restreintes, ainsi que l’interdiction de circu­ler afin de recher­cher des clients sur la voie publique (art. 49 RTVTC/​GE). L’art. 51 RTVTC/​GE prévoit en sus que la conser­va­tion des données doit être de 6 mois, sous réserve de tout conten­tieux.  

Les recou­rants invoquent d’abord la viola­tion des art. 13 al. 1 Cst et 8 al. 1 CEDH, visant à proté­ger la sphère privée. À cet effet, le Tribunal fédé­ral rappelle que toute ingé­rence à la vie privée doit être prévue par la loi, viser un but légi­time et être néces­saire dans une société démo­cra­tique (arrêts CourEDH Ben Faiza c. France et Uzun c. Allemagne).  

En ce qui concerne la néces­sité d’une base légale, le Tribunal fédé­ral relève que la géolo­ca­li­sa­tion est une mesure moins intru­sive que des mesures de surveillance visuelles ou acous­tiques. Il suffit donc que la loi prévoie de manière trans­pa­rente l’étendue et les condi­tions d’une telle surveillance. Les auto­ri­tés judi­ciaires doivent pour le surplus pouvoir revoir ces aspects au cours d’un contrôle abstrait. Le Tribunal cite à titre d’exemple son arrêt sur le Règlement inter­com­mu­nal sur les taxis du canton de Vaud (Arrêt 2C_​116/​2011 du 29 août 2011).  Il avait jugé à cette occa­sion que la surveillance visait à garan­tir le respect des condi­tions mini­males inhé­rentes au « quasi-service public » que repré­sente le trans­port en voiture avec chauf­feur, sans violer les normes invo­quées. 

Les recou­rants invoquent d’abord leur mécon­nais­sance de l’étendue de l’utilisation des données collec­tées par les mesures de surveillance prévues. Ils relatent l’impossibilité pour eux d’exclure l’application de cette mesure à des trajets privés et invoquent leur droit à l’autodétermination infor­ma­tion­nelle.  

Il convient de rappe­ler que le Tribunal fédé­ral procède au contrôle abstrait de normes avec rete­nue. Une dispo­si­tion doit être annu­lée seule­ment s’il faut craindre avec une vrai­sem­blance certaine que celles-ci seront inter­pré­tées en viola­tion du droit supé­rieur ou qu’elles ne se prêtent pas à une inter­pré­ta­tion conforme aux normes consti­tu­tion­nelles (ATF 149 I 81, consid. 3.3.6).  

Notre Haute Cour note que l’art. 27 al. 4 RTVTC/​GE précise que la géosur­veillance concerne les véhi­cules en « service ». Les auto­ri­tés ne peuvent exami­ner que les données liées à une acti­vité profes­sion­nelle, et ce dans les limites fixées par la légis­la­tion (art. 35 et 36 LIPAD/​GE cum art. 51 RTVTC/​GE). Le texte de la loi ne permet donc pas de conclure que ces dispo­si­tions pour­raient être inter­pré­tées en viola­tion du droit supé­rieur selon le Tribunal fédé­ral.  

Le Tribunal confirme la confor­mité aux droits consti­tu­tion­nels d’une surveillance GPS à des chauf­feurs et fait à nouveau mention de la qualité de « quasi-service public » inhé­rente à ce métier. Le recours à cette déno­mi­na­tion soulève à notre sens des ques­tions sur les devoirs et respon­sa­bi­li­tés atta­chés à cette notion. 

S’agissant de la durée de conser­va­tion des données, le Tribunal fédé­ral relève qu’un délai de main­tien des données n’allant pas au-delà de ce qui est néces­saire pour atteindre les fina­li­tés de la loi se trouve en confor­mité avec les art. 8 CEDH et 13 Cst. (L.B. c. Hongrie et Marper c. Royaume-Uni). En l’espèce, les auto­ri­tés sont tenues de détruire ou d’anonymiser les données concer­nées après six mois. Cette période est jugée adéquate par le Tribunal, qui ne cite pas d’exemples concrets de délais pour la destruc­tion ou l’anonymisation des données person­nelles.  

Enfin, les recou­rants contestent l’art. 27 al. 5 RTVTC/​GE, qui exige que les spéci­fi­ci­tés tech­niques du système de géolo­ca­li­sa­tion soient publiées sur le site inter­net de l’Etat de Genève. Ces derniers craignent que cette publi­ca­tion permette à l’administration d’étendre la géosur­veillance aux trajets privés des chauf­feurs. Le Tribunal fédé­ral rejette cet argu­ment, le consi­dé­rant sans fonde­ment. Il rappelle que, selon l’art. 27 al. 5 phr. 1 RTVTC/​GE, ces spéci­fi­ci­tés visent exclu­si­ve­ment à permettre le contrôle des acti­vi­tés profes­sion­nelles (art. 49 al. 1 let. b et c RTVTC/​GE) et ne visent donc pas les trajets privés. De plus, la publi­ca­tion des spéci­fi­ci­tés tech­niques a pour seul but d’informer les chauf­feurs des carac­té­ris­tiques requises afin de garan­tir la préci­sion et la perti­nence des données collec­tées.  

Le Tribunal fédé­ral écarte ainsi les argu­ments rela­tifs à la viola­tion de la sphère privée et confirme le rejet du recours. 

Conclusion :  

L’usage de la notion de « quasi-service public » dans les deux arrêts concer­nant la régle­men­ta­tion des chauf­feurs de taxi est regret­table. Bien que leur acti­vité soit soumise à des auto­ri­sa­tions et soit régu­lée, les chauf­feurs, tout comme les avocats par ailleurs, ne sont ni subor­don­nés, ni rému­né­rés par l’Etat (ATF 143 III 10). Cette notion juri­di­que­ment indé­ter­mi­née semble justi­fier une sévé­rité parti­cu­lière envers les chauf­feurs exer­çant une profes­sion régu­lée prin­ci­pa­le­ment par la loi de l’offre et de la demande.  

Le Tribunal fédé­ral restant limité dans son contrôle abstrait de la vali­dité des normes, il faudra en outre espé­rer un examen plus appro­fondi de ces aspects tech­niques et de leurs limi­ta­tions dans le futur. Il sera à cet effet possible de remettre en ques­tion l’application concrète de la loi et son système de géolo­ca­li­sa­tion par la contes­ta­tion de sanc­tions prises sur la base de la LTVTC (art. 40 et 41 LTVTC).



Proposition de citation : Mallorie Ashton-Lomax, Géolocalisation des taxis : approbation de normes cantonales par le Tribunal fédéral, 20 novembre 2024 in www.swissprivacy.law/324


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
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