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Le Conseil fédéral révèle sa feuille de route pour l’intelligence artificielle en Suisse

Livio di Tria, le 13 février 2025
Le Conseil fédé­ral a révélé le 12 février 2025 sa feuille de route pour l’intelligence arti­fi­cielle en Suisse. Fidèle à son approche prag­ma­tique, il mise sur une régu­la­tion secto­rielle et diffé­ren­ciée, évitant ainsi toute infla­tion légis­la­tive qui pour­rait frei­ner l’innovation. L’objectif est clair : préser­ver l’attractivité écono­mique du pays tout en assu­rant un enca­dre­ment propor­tionné des risques liés à l’IA.

I. Introduction

Le mois de février 2025 est-il placé sous le signe de déve­lop­pe­ments légis­la­tifs impor­tants pour l’intelligence arti­fi­cielle ? C’est ce qu’on pour­rait croire. D’un côté, l’Union euro­péenne déploie par étape son nouveau règle­ment sur l’intelligence arti­fi­cielle en inter­di­sant depuis le 2 février 2025 les systèmes d’intelligence arti­fi­cielle qui présentent des risques inac­cep­tables. D’un autre côté, le Conseil fédé­ral a révélé le 12 février 2025 sa feuille de route pour enca­drer l’intelligence arti­fi­cielle en Suisse, atten­due depuis le 22 novembre 2023… Le Conseil fédé­ral semble avoir fait sien l’adage italien chi va piano va sano e va lontano. 

La feuille de route présen­tée par le Conseil fédé­ral dans son commu­ni­qué de presse a fait grand bruit, autant dans la presse que dans les domaines scien­ti­fiques et écono­miques. On y relève la volonté du Conseil fédé­ral de régle­men­ter l’intelligence arti­fi­cielle. Oui, mais en évitant tout zèle légis­la­tif. Car cette régle­men­ta­tion doit permettre d’exploiter le poten­tiel de l’intelligence au profit de la Suisse en tant que place écono­mique et d’innovation, tout en main­te­nant les risques pour la société.

Alors quelles solu­tions le Conseil fédé­ral propose-t-il concrè­te­ment ? Elles sont au nombre de trois et sont formu­lées sur la base des docu­ments suivants :

  • un état des lieux sur la régle­men­ta­tion de l’intelligence artificielle ;
  • une analyse juri­dique qui examine les dispo­si­tions de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’intelligence arti­fi­cielle et du Règlement sur l’intelligence arti­fi­cielle de l’Union euro­péenne et leurs consé­quences pour la Suisse, mais égale­ment certains domaines juri­diques suisses.
  • une analyse secto­rielle qui donne un aperçu des modi­fi­ca­tions exis­tantes et prévues du droit fédé­ral dans diffé­rents secteurs en rapport avec l’intelligence arti­fi­cielle ; et
  • une analyse par pays qui présente les déve­lop­pe­ments régle­men­taires en rapport avec l’intelligence artificielle.

II. Solutions propo­sées par le Conseil fédéral

A. Ratification de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’intelligence artificielle

Le Conseil fédé­ral a confirmé son inten­tion de rati­fier la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’intelligence arti­fi­cielle et les droits de l’homme, la démo­cra­tie et l’État de droit (Convention STCE 225), ouverte à la signa­ture depuis le 5 septembre 2024. Cette déci­sion s’inscrit dans une volonté d’aligner la Suisse sur les stan­dards inter­na­tio­naux en matière de gouver­nance de l’intelligence arti­fi­cielle, tout en préser­vant une approche propre à son cadre juri­dique et économique.

En faisant de la rati­fi­ca­tion de cette conven­tion le premier point de sa feuille de route, la Suisse annonce la couleur de sa démarche rete­nue : prag­ma­tisme et flexi­bi­lité avant toute chose. La Suisse n’a donc pas l’intention de surré­gle­men­ter l’intelligence arti­fi­cielle, mais elle recon­naît la néces­sité d’un cadre mini­mal pour garan­tir le respect des droits fonda­men­taux et la trans­pa­rence des systèmes d’IA.

L’impact concret de cette rati­fi­ca­tion dépen­dra toute­fois large­ment des mesures de mise en œuvre que la Suisse adop­tera. Le Conseil fédé­ral prévoit ainsi de dépo­ser un projet de consul­ta­tion d’ici fin 2026 pour déter­mi­ner les ajus­te­ments légis­la­tifs néces­saires en matière de trans­pa­rence des systèmes d’IA, de protec­tion des données, de non-discri­mi­na­tion et de surveillance. L’enjeu sera d’assurer un équi­libre entre inno­va­tion tech­no­lo­gique et protec­tion des droits fonda­men­taux, sans alour­dir inuti­le­ment les obli­ga­tions pesant sur les entre­prises et admi­nis­tra­tions concernées.

B. Approche secto­rielle et non générale

Dans la droite ligne de sa tradi­tion légis­la­tive, la Suisse écarte l’option d’une légis­la­tion géné­rale de l’intelligence arti­fi­cielle. Plutôt que de suivre l’exemple de l’Union euro­péenne, qui impose un cadre géné­ral et trans­ver­sal basé sur une clas­si­fi­ca­tion des risques, le Conseil fédé­ral opte pour une régu­la­tion secto­rielle, adap­tée aux spéci­fi­ci­tés des diffé­rents domaines d’application de l’intelligence artificielle.

Plutôt que d’adopter une régu­la­tion hori­zon­tale et contrai­gnante, la Suisse mise donc sur une approche diffé­ren­ciée, évitant ainsi le carcan d’une légis­la­tion unique et rigide. Concrètement, la mise en œuvre de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe en droit suisse ciblera en premier lieu les auto­ri­tés étatiques, avec une adap­ta­tion progres­sive des légis­la­tions exis­tantes en fonc­tion des besoins et des risques iden­ti­fiés. En d’autres termes, il n’est pas ques­tion d’imposer un cadre géné­ral appli­cable indis­tinc­te­ment à tous les acteurs, mais plutôt de renfor­cer les légis­la­tions spéci­fiques là où cela s’avère nécessaire.

Cette approche est à saluer. Elle permet de conci­lier inno­va­tion et régu­la­tion, en évitant une surcharge admi­nis­tra­tive pour les entre­prises tout en assu­rant la protec­tion des droits fonda­men­taux et la trans­pa­rence des systèmes d’intelligence arti­fi­cielle. Le Conseil fédé­ral prévoit ainsi d’examiner les secteurs les plus sensibles, tel que la santé, afin de déter­mi­ner si des adap­ta­tions légis­la­tives ciblées sont requises.

C. Au-delà de la loi, des mesures incitatives

Le Conseil fédé­ral ne mise pas unique­ment sur des adap­ta­tions légis­la­tives pour enca­drer l’intelligence arti­fi­cielle. Conformément à son approche, il prévoit égale­ment des mesures juri­diques non contrai­gnantes. Loin d’un enca­dre­ment rigide, ces outils visent à offrir aux acteurs écono­miques et insti­tu­tion­nels des lignes direc­trices claires sans impo­ser de nouvelles obli­ga­tions légales strictes.

Ces mesures pour­ront prendre diffé­rentes formes, notam­ment des accords d’autodéclaration par lesquels les entre­prises pour­raient par exemple s’engager volon­tai­re­ment à respec­ter certains prin­cipes en matière de trans­pa­rence, de protec­tion des données ou de gestion des risques. De même, des solu­tions secto­rielles pour­ront être déve­lop­pées, avec des stan­dards tech­niques ou des codes de conduite adap­tés aux réali­tés des diffé­rents domaines d’application de l’intelligence arti­fi­cielle. Cette approche n’est pas nouvelle pour les experts en protec­tion des données dès lors que la LPD prévoit déjà, par exemple, la possi­bi­lité d’adopter des codes de conduite sectoriels.

Dans cette optique, le Conseil fédé­ral a chargé l’administration fédé­rale d’élaborer d’ici fin 2026 un plan défi­nis­sant des mesures non contrai­gnantes supplé­men­taires. Ce plan devra tenir compte de la compa­ti­bi­lité de l’approche suisse avec celle de ses prin­ci­paux parte­naires commer­ciaux, évitant ainsi un isole­ment préju­di­ciable aux entre­prises suisses. Les milieux concer­nés, tant internes qu’externes à l’administration fédé­rale, seront impli­qués afin de garan­tir une approche concer­tée et alignée sur les besoins des diffé­rents secteurs.

III. Prochaines étapes : cap sur 2026

Le Conseil fédé­ral a tracé la suite de la procé­dure, confir­mant l’adage italien susmen­tionné. D’ici fin 2026, le DFJP, en colla­bo­ra­tion avec le DETEC et le DFAE, présen­tera un projet de consul­ta­tion visant à trans­po­ser la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’intelligence arti­fi­cielle dans le droit suisse. Ce projet devra préci­ser les mesures juri­diques néces­saires dans quatre domaines clés : la trans­pa­rence des systèmes d’IA, la protec­tion des données, de la non-discri­mi­na­tion et de la surveillance.

Quand on connaît le temps qu’a pris la révi­sion totale de la LPD, on se réjouit déjà de se replon­ger dans de nouvelles modi­fi­ca­tions qui ne manque­ront pas de donner du travail à l’Assemblée fédé­rale. Espérons toute­fois que le niveau de protec­tion prévu par la LPD ne soit pas revu à la baisse, comme certains poli­ti­ciens pour­raient le souhai­ter, eux qui voient dans la protec­tion des données une forme de tyran­nie bureau­cra­tique. Or, bien souvent, ce ne sont pas les règles qui posent problème, mais leur mise en œuvre. La protec­tion des données n’a pas pour but de brider l’innovation, mais bien d’assurer un équi­libre entre progrès tech­no­lo­gique et respect des droits fondamentaux.

Parallèlement, un plan de mesures non contrai­gnantes sera élaboré par le DETEC, le DFJP, le DFAE et le DEFR. L’objectif est de défi­nir des instru­ments complé­men­taires, tels que des stan­dards secto­riels ou des enga­ge­ments volon­taires, tout en s’assurant que l’approche suisse reste compa­tible avec celle de ses prin­ci­paux parte­naires commer­ciaux. Pour garan­tir la perti­nence et l’acceptabilité de ces mesures, les acteurs concer­nés, qu’ils soient issus de l’administration fédé­rale ou du secteur privé, seront consul­tés et impli­qués dans ces travaux.

Avec cette feuille de route, la Suisse confirme son choix d’une régu­la­tion prag­ma­tique et progres­sive. La consul­ta­tion à venir consti­tuera une étape clé pour évaluer l’impact des solu­tions envi­sa­gées et leur adéqua­tion avec les attentes des milieux écono­miques et des défen­seurs des droits fondamentaux.

IV. Conclusion

La Suisse fait le choix d’une régu­la­tion à la carte, en modu­lant son inter­ven­tion selon les secteurs concer­nés. Cette méthode s’inscrit dans la tradi­tion suisse, privi­lé­giant une approche fondée sur les risques et la propor­tion­na­lité plutôt qu’une légis­la­tion géné­rale et contrai­gnante. Là où les risques liés à l’intelligence arti­fi­cielle sont jugés élevés, des adap­ta­tions légis­la­tives sont prévues, tandis que dans d’autres domaines, jugés suffi­sam­ment enca­drés, la Suisse opte pour des mesures non contrai­gnantes telles que des stan­dards tech­niques ou des codes de conduite sectoriels.

Cette flexi­bi­lité assu­mée reflète la volonté du Conseil fédé­ral de préser­ver l’attractivité écono­mique du pays tout en main­te­nant un enca­dre­ment propor­tionné des risques liés à l’intelligence arti­fi­cielle. Mais cette approche frag­men­tée sera-t-elle suffi­sante pour garan­tir un niveau de protec­tion harmo­nisé et répondre aux attentes des parte­naires inter­na­tio­naux ? Seule la mise en œuvre concrète de cette feuille de route permet­tra d’en juger.

Quoi qu’il en soit, cette annonce tombe à point nommé : un joli cadeau pour les amou­reux de la protec­tion des données à l’approche de la Saint-Valentin. Reste à savoir si ce sera une romance durable ou un feu de paille législatif…



Proposition de citation : Livio di Tria, Le Conseil fédéral révèle sa feuille de route pour l’intelligence artificielle en Suisse, 13 février 2025 in www.swissprivacy.law/337


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
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