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Destruction de données personnelles consignées dans un dossier de police judiciaire

Eva Cellina, le 26 novembre 2020
Dans un arrêt du 12 juin 2020, le Tribunal fédé­ral a estimé que la conser­va­tion de pièces en lien avec une dénon­cia­tion, rela­ti­ve­ment récente de l’Ordre des Avocats Vaudois (OAV), dans le dossier de police judi­ciaire présente encore une utilité pour la préven­tion des infrac­tions pénales, nonobs­tant le retrait de la plainte dans la mesure où ces pièces concernent des infrac­tions pour­sui­vies d’office pour lesquelles le recou­rant a été condamné à une amende et qui ont trait au domaine dans lequel le recou­rant souhaite exer­cer sa profession.

Arrêt du Tribunal fédé­ral TF 1C_​580/​2019 du 12 juin 2020

Faits

Une demande de rensei­gne­ment sur le contenu d’un dossier judi­ciaire est dépo­sée auprès du Juge canto­nal vaudois en charge des dossiers de police judi­ciaire. Ce dernier se fait remettre le dossier complet du requé­rant, composé d’ex­traits du Journal des évène­ments de police (JEP) et de rapports établis par la police. Le requé­rant, invité à se déter­mi­ner, requiert la radia­tion de l’en­semble des pièces conte­nues dans son dossier en faisant valoir que leur conser­va­tion ne serait plus justi­fiée pour la préven­tion, la recherche et la répres­sion d’infractions.

Le Juge canto­nal vaudois en charge des dossiers de police judi­ciaire ordonne unique­ment la destruc­tion de certaines pièces.

Le requé­rant recourt contre cette déci­sion auprès du Tribunal fédé­ral et lui demande d’ordonner la destruc­tion des pièces restantes, ainsi que l’intégralité des extraits du Journal des événe­ments de police (JEP).

Droit

La conser­va­tion de données person­nelles dans les dossiers de police judi­ciaire porte une atteinte au moins virtuelle à la person­na­lité de l’in­té­ressé, dont la protec­tion est garan­tie aux art. 8 CEDH et 13 Cst., tant que ceux-ci peuvent être utili­sés ou, simple­ment, être consul­tés par des agents de la police ou être pris en consi­dé­ra­tion lors de demandes d’in­for­ma­tions présen­tées par certaines auto­ri­tés, voire même être trans­mis à ces dernières.

Pour être admis­sible, une telle atteinte doit repo­ser sur une base légale, être justi­fiée par un inté­rêt public ou par la protec­tion d’un droit fonda­men­tal d’au­trui et être propor­tion­née au but visé (art. 36 Cst.).

En droit vaudois, la conser­va­tion de données person­nelles dans les dossiers de police judi­ciaire est prévue et régle­men­tée dans la loi sur les dossiers de police judi­ciaire (LDPJu). Seules les infor­ma­tions utiles à la préven­tion, la recherche et la répres­sion des infrac­tions peuvent être enre­gis­trées dans les dossiers de police judi­ciaire, les données non perti­nentes ou inadé­quates doivent être radiées (art. 2 LDPJu).

Pour déter­mi­ner si les infor­ma­tions dont la conser­va­tion est liti­gieuse présentent une utilité pour la préven­tion ou la répres­sion des infrac­tions et si elles peuvent être conser­vées au dossier de police judi­ciaire du recou­rant, il convient d’analyser toutes les circons­tances déter­mi­nantes du cas d’es­pèce. Dans la pesée des inté­rêts en présence, il convient de prendre en consi­dé­ra­tion la gravité de l’at­teinte portée aux droits fonda­men­taux du requé­rant par le main­tien des inscrip­tions liti­gieuses à son dossier de police, les inté­rêts des victimes et des tiers à l’élu­ci­da­tion des éléments de faits non encore réso­lus, le cercle des personnes auto­ri­sées à accé­der au dossier de police et les inté­rêts de la police à pouvoir mener à bien les tâches qui lui sont dévo­lue (ATF 138 I 256).

Le recou­rant conteste d’abord le refus du Juge canto­nal chargé des dossiers de police judi­ciaire de procé­der à la radia­tion de pièces concer­nant divers vols commis auprès des Grands Magasins Manor et une contra­ven­tion à la loi sur les stupéfiants.

Le Tribunal fédé­ral relève que lesdites pièces se rapportent à des infrac­tions non contes­tées, rele­vant de la petite délin­quance et remon­tant à plus de dix ans. Elles ont été commises alors que le recou­rant était âgé de vingt-trois ans, qu’il venait d’ar­ri­ver en Suisse avec un statut provi­soire de requé­rant d’asile et qu’il n’avait ni travail ni revenu. Depuis lors, le recou­rant a entre­pris une forma­tion profes­sion­nelle dans le domaine juri­dique qu’il entend complé­ter par un stage d’avo­cat. De plus, il ne ressort pas du dossier qu’il aurait commis des infrac­tions de même nature depuis lors. Partant, les pièces recueillies ont perdu toute utilité pour la préven­tion des infrac­tions pénales ou d’une éven­tuelle réci­dive et leur main­tien au dossier de police judi­ciaire du recou­rant ne s’im­pose pas au regard des objec­tifs pour­sui­vis par la LDPJu.

Le recou­rant conteste ensuite le refus de radier deux rapports de police, avec leurs annexes, établis en novembre 2016 dans le cadre d’une procé­dure pénale ouverte à son encontre d’of­fice et sur plainte de OAV pour infrac­tion à la légis­la­tion fédé­rale contre la concur­rence déloyale (LCD), contra­ven­tion à la légis­la­tion canto­nale sur la profes­sion d’avo­cat (LPAv) et contra­ven­tion au Code de droit privé judi­ciaire vaudois (CDPJ). Le recou­rant avait signé en novembre 2018 devant le Tribunal de police de l’ar­ron­dis­se­ment de Lausanne une conven­tion avec le Bâtonnier de l’OAV dans laquelle il recon­nais­sait avoir indû­ment repré­senté certaines parties en justice. Le recou­rant s’était alors engagé à ne pas réité­rer ses agis­se­ments. En contre­par­tie, l’OAV s’était engagé à reti­rer sa plainte. Le Tribunal de police avait au surplus condamné le recou­rant à une amende.

Le Tribunal fédé­ral relève que les pièces en lien avec la dénon­cia­tion de l’OAV, rela­ti­ve­ment récentes, présentent encore une utilité pour la préven­tion des infrac­tions pénales, nonobs­tant le retrait de la plainte dans la mesure où elles concernent des infrac­tions pour­sui­vies d’office pour lesquelles le recou­rant a été condamné. Cette condam­na­tion, en plus d’être récente, a trait au domaine dans lequel le recou­rant entend préci­sé­ment exer­cer sa profes­sion, puisqu’il souhaite entre­prendre un stage d’avo­cat. Il importe égale­ment de s’as­su­rer du respect des enga­ge­ments pris par le recou­rant de ne pas réité­rer ses agis­se­ments répré­hen­sibles, en conser­vant la trace dans son dossier de police judiciaire.

Finalement, le recou­rant solli­cite la radia­tion des extraits du JEP le concer­nant de son dossier de police judi­ciaire. Le Tribunal fédé­ral consi­dère que les événe­ments rela­tés dans le JEP peuvent conte­nir des données person­nelles sensibles dont le main­tien au dossier de police judi­ciaire doit être soumis aux mêmes règles que les autres données conte­nues dans des rapports de police. Ainsi, le main­tien des extraits du JEP se justi­fie unique­ment pour l’extrait rela­tif à la perqui­si­tion effec­tuée par la police dans le cadre de la procé­dure ouverte à la suite de la plainte pénale de l’OAV

Partant, le recours est partiel­le­ment admis par le Tribunal fédéral.

Note

Le Tribunal fédé­ral a été amené à plusieurs reprises à se pronon­cer sur le droit à l’effacement de données person­nelles consi­gnées dans un dossier de police, en parti­cu­lier sur l’examen de la propor­tion­na­lité, en privi­lé­giant tantôt la protec­tion de la person­na­lité, tantôt l’intérêt public.

Dans un précé­dent arrêt, le Tribunal fédé­ral a conclu que l’in­té­rêt du recou­rant à voir ses données radiées de son dossier de police pour ne pas compro­mettre les chances de succès d’une candi­da­ture à un poste au sein de la police l’emporte sur l’in­té­rêt public à leur conser­va­tion (TF 1C_​307/​2015 du 26 novembre 2015). Les pièces en ques­tion se rappor­taient à une procé­dure pénale pour escro­que­rie et faux dans les titres, clôtu­rée deux mois aupa­ra­vant par une ordon­nance de clas­se­ment. Le Tribunal fédé­ral avait rela­ti­visé l’uti­lité poten­tielle des données en lien avec la procé­dure ouverte contre le recou­rant dans la mesure où ce dernier n’avait jamais été condamné ou pour­suivi péna­le­ment avant les faits préci­tés et que la conser­va­tion de ces données ne se justi­fiait pas dans la pers­pec­tive d’une éven­tuelle récidive.

 



Proposition de citation : Eva Cellina, Destruction de données personnelles consignées dans un dossier de police judiciaire, 26 novembre 2020 in www.swissprivacy.law/34


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