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Vers un nouveau modèle de réutilisation des données médicales en Suisse ?

Frédéric Erard, le 12 juillet 2022
Dans un récent rapport, le Conseil fédé­ral évalue les béné­fices et les condi­tions de la réuti­li­sa­tion des données médi­cales. Il y propose un nouveau modèle de réuti­li­sa­tion des données médi­cales en Suisse et charge le DFI d’en évaluer la plau­si­bi­lité et la faisabilité.

Rapport du Conseil fédé­ral donnant suite au postu­lat 15.4225 Humbel du 18 décembre 2015, Mieux utili­ser les données médi­cales pour assu­rer l’efficience et la qualité des soins, 4 mai 2022

Le 4 mai 2022, le Conseil fédé­ral a publié un rapport de 72 pages en réponse à un postu­lat qui le char­geait d’examiner comment les données conte­nues dans les registres spéci­fiques à certaines mala­dies ou dans les études médi­cales pour­raient être reliées afin d’être mieux exploi­tées. Le Conseil fédé­ral a iden­ti­fié trois ques­tions prin­ci­pales. La première inter­roge le poten­tiel de la réuti­li­sa­tion et de l’exploitation appa­riée des données médi­cales (données indi­vi­duelles sur les mêmes personnes fusion­nées à l’aide d’une ou plusieurs carac­té­ris­tiques person­nelles). La deuxième vise à iden­ti­fier les condi­tions à remplir pour que les données médi­cales puissent être réuti­li­sées et trai­tées par diffé­rents groupes d’utilisateurs. Enfin, la troi­sième ques­tion doit permettre d’explorer les déve­lop­pe­ments tech­niques, orga­ni­sa­tion­nels et juri­diques à initier pour la réuti­li­sa­tion des données de santé.

En guise d’introduction, le rapport offre des préci­sions termi­no­lo­giques utiles, notam­ment sur les diffé­rents types de réuti­li­sa­tion des données de santé dans le cadre de la recherche. Il présente ensuite un aperçu bien­venu des nombreuses stra­té­gies poli­tiques ou projets scien­ti­fiques actuel­le­ment menés en Suisse sur la théma­tique de la numé­ri­sa­tion de la santé.

Pour répondre aux ques­tions prin­ci­pales du rapport, le Conseil fédé­ral commence par mettre en lumière les avan­tages offerts par une meilleure réuti­li­sa­tion des données de santé. Celle-ci permet en parti­cu­lier de réduire les « distances » exis­tantes, qu’il s’agisse de distances tempo­relles (données collec­tées à diffé­rents moments de la vie d’un indi­vidu), de contenu (situa­tion de vie), de lieu (espace de vie, facteurs envi­ron­ne­men­taux) ou de fina­lité (fins médi­cales, statis­tiques ou surveillance…). Concrètement, une réuti­li­sa­tion plus effi­cace de données doit éviter les collectes multiples de mêmes données, offrir une meilleure flexi­bi­lité pour des fins telles que la recherche ou encore opti­mi­ser l’utilisation des ressources.

Pour permettre la réuti­li­sa­tion des données entre diffé­rents groupes d’utilisateurs, le rapport recourt au concept d’«espaces de données », qu’il défi­nit comme « la struc­ture des rela­tions entre les acteurs des données, c’est-à-dire les personnes concer­nées, les produc­teurs de données/​responsables et les utili­sa­teurs secon­daires de données ». Un espace de données dans le secteur de la santé doit être déve­loppé en Suisse. Ce dernier implique la prise en compte d’aspects tech­niques, juri­diques ou séman­tiques, mais aussi le déve­lop­pe­ment d’une culture commune de réuti­li­sa­tion des données. Le rapport souligne à cet égard la néces­sité de clari­fier le rapport entre les acteurs de santé et les données, notam­ment sous l’angle de la « propriété » des données. Il évoque une piste selon laquelle les données pour­raient être consi­dé­rées comme « propriété parta­gée (bien collec­tif) » dans l’espace des données dès lors que la personne concer­née par les données y aurait consenti. Le rapport insiste par ailleurs sur la néces­sité de déve­lop­per les prin­cipes FAIR, dont le recours est aujourd’hui large­ment promu dans les milieux de la recherche. En droite ligne avec l’idéal d’open science, les prin­cipes FAIR visent à ce que les données de recherche soient faciles à trou­ver (Findable), acces­sibles (Accessible), inter­opé­rables (Interoperable) et réuti­li­sables (Re-usable).

Sous l’angle juri­dique, le rapport n’apporte rien de révo­lu­tion­naire. Tout en rappe­lant à juste titre que les aspects éthiques et juri­diques sont souvent sous-esti­més, il mentionne que « les condi­tions-cadres du droit de la protec­tion des données et de la recherche [ne sont présen­tés dans le rapport] que sous une forme géné­rale et frag­men­taire, sans émettre d’appréciations concrètes et juri­di­que­ment défi­ni­tives ; celles-ci seront l’objet de clari­fi­ca­tions juri­diques appro­fon­dies dans le cadre des prochaines étapes du projet en ce qui concerne les options à concré­ti­ser ». Le Conseil fédé­ral se limite ainsi à présen­ter les concepts géné­raux appli­cables sous l’angle des lois fédé­rales et des régle­men­ta­tions appli­cables en matière de recherche sur l’être humain, à l’exemple de ce qui consti­tue ou non une donnée person­nelle ou les condi­tions légales pour la réuti­li­sa­tion des données person­nelles à des fins de recherche.

Le rapport expose ensuite une propo­si­tion de mise en œuvre d’un « système natio­nal de réuti­li­sa­tion et d’appariement des données médi­cales à des fins de recherche ». Si cette propo­si­tion ne peut pas être décrite en détail ici, on retien­dra néan­moins qu’elle prévoit la mise en place d’un organe natio­nal de coor­di­na­tion des données, un cata­logue de méta­don­nées, ainsi qu’une infra­struc­ture sûre pour le trai­te­ment et l’enregistrement des données. Dans les faits, la plupart des compo­santes de ce modèle sont déjà en déve­lop­pe­ment au travers de diffé­rentes initia­tives en cours, à l’instar du Swiss Personalized Health Network (SPHN) ou du programme natio­nal de gestion des données conduit par l’Office fédé­ral de la statis­tique (OFS). Ce dernier déve­loppe par exemple une plate­forme d’interopérabilité (I14Y) visant une conser­va­tion coor­don­née et centra­li­sée de méta­don­nées coordonnée.

Parmi les exigences prises en compte pour la propo­si­tion de ce nouveau système figure en parti­cu­lier une réflexion sur le consen­te­ment à l’utilisation primaire et secon­daire des données « ou une autre forme de prise en compte adéquate de la personne concer­née ». L’une des pistes propo­sées par le rapport prévoit que les données pour­raient, sous certaines condi­tions, être réuti­li­sées à des fins secon­daires si la personne ne s’y est pas oppo­sée (système d’opt-out avec infor­ma­tion par voie élec­tro­nique sur les projets concer­nés). Le rapport propose par ailleurs l’adoption d’un iden­ti­fi­ca­teur univoque pour chaque personne concer­née (néces­sité pour l’appariement des données) ou encore un concept étendu de protec­tion et de sécu­rité des données.

Au terme du rapport, le Conseil fédé­ral donne mandat au DFI de concré­ti­ser les proces­sus et les struc­tures du système proposé ainsi que les adap­ta­tions néces­saires des bases légales, en parti­cu­lier dans le domaine de la protec­tion des données. Le DFI doit en parti­cu­lier évaluer la plau­si­bi­lité et la faisa­bi­lité des propo­si­tions déve­lop­pées dans le rapport.

Ce rapport doit évidem­ment être salué dans la mesure où il consti­tue un pas impor­tant vers une meilleure exploi­ta­tion des données médi­cales, en parti­cu­lier pour la recherche biomé­di­cale. Il laisse néan­moins une impres­sion plutôt miti­gée en ce qui concerne les aspects juri­diques. Si l’importance de ceux-ci est souli­gnée à plusieurs reprises, ils sont souvent trai­tés de manière assez floue tout en indi­quant qu’ils devraient faire l’objet d’évaluations futures plus pous­sées. En ce qui concerne la propo­si­tion de nouveau modèle pour la réuti­li­sa­tion des données, on constate que la plupart des « éléments » du système existent déjà aujourd’hui (ou sont à tout le moins en cours de déve­lop­pe­ment). Il s’agit main­te­nant d’entamer ce chan­tier impor­tant pour réunir les diffé­rentes pièces du puzzle et construire un système qui soit à la fois effi­cace et favo­rable à la recherche, tout en proté­geant les personnes concer­nées et en assu­rant un niveau de sécu­rité opti­mal. Hasard du calen­drier ou non, le PFPDT a en effet récem­ment constaté dans son dernier rapport d’activités (p. 48) que la sécu­rité et l’exactitude des registres de données de santé gérés par les asso­cia­tions privées ou fonda­tions lais­sait souvent à dési­rer (pour l’exemple parti­cu­lier de la fonda­tion mesvac​cins​.ch, voir www​.swiss​pri​vacy​.law/94).



Proposition de citation : Frédéric Erard, Vers un nouveau modèle de réutilisation des données médicales en Suisse ?, 12 juillet 2022 in www.swissprivacy.law/156


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