La liberté du consentement au traitement de données personnelles par le biais de conditions générales
Livio di Tria, le 2 décembre 2020Damien Oppliger, avocat au sein de l’Étude Kellerhals Carrard et docteur en droit, a publié un article dans le Bulletin CEDIDAC n° 89 (exclusivement disponible aux membres du club CEDIDAC dans un premier temps) traitant de la liberté du consentement au traitement de données personnelles par le biais de conditions générales en prenant comme exemple celui des contrats d’émission de carte de crédit. L’auteur revient sur plusieurs points.
Premièrement, l’auteur analyse les catégories de données personnelles étant collectées et exploitées dans le cadre de l’exécution d’un contrat d’émission d’une carte de crédit. Il s’agit d’une part des informations sur la situation financière du détenteur qui permettent à l’émetteur de fixer une limite à l’utilisation de la carte de crédit, pour autant que la carte soit soumise à la Loi fédérale du 23 mars 2001 sur le crédit à la consommation (LCC) conformément à son art. 1 al. 2 let. b. D’autre part, l’émetteur traite également des informations sur les biens et les services que le détenteur a obtenus au moyen de sa carte. Ce faisant, l’émetteur a la possibilité d’établir un profil de consommation du détenteur, lui permettant d’affiner ses objectifs marketing.
Deuxièmement, l’auteur souligne l’asymétrie d’information entre les parties lorsqu’un émetteur de carte de crédit formule à l’avance les conditions générales du contrat d’émission. En effet, le détenteur n’a pas d’autre choix que d’accepter ces conditions. Ceci est d’autant plus problématique dans le cadre de la protection des données que le détenteur d’une carte de crédit pourrait ne pas vouloir être sujet d’un traitement de données personnelles en lien avec l’analyse du comportement de ses habitudes d’achat, qui n’est pas indispensable à l’émission d’une carte de crédit.
L’imbrication de telles clauses générales est ensuite analysée à l’aune de la réglementation suisse (conformément à la LPD mais aussi selon le P‑LPD) et de la réglementation européenne en matière de protection des données. L’auteur souligne les différences existantes s’agissant des modalités du consentement, notamment en ce qui concerne le caractère « libre » du consentement (art. 4 al. 5 LPD ; art. 5 al. 6 P‑LPD devenu entretemps l’art. 6 al. 6 nLPD, avec quelques modifications concernant le profilage ; art. 4 ch. 11 RGPD et art. 7 RGPD).
L’auteur explique que la LPD et le P‑LPD ne précisent pas si l’exigence de liberté est respectée lorsque le consentement est donné par l’intermédiaire de conditions générales . Il souligne toutefois que la doctrine est d’avis que le consentement peut valablement être donné. A contrario, le RGPD, notamment en raison de son art. 7 par. 4, est lui plus restrictif. De fait, il est présumé en droit européen que la personne concernée n’exprime pas librement sa volonté. Ceci est d’autant plus vrai que le droit européen prévoit la séparation claire et intelligible des différentes finalités de traitement (consentement « spécifique » ou « granularité du consentement »). Nonobstant ce qui précède, l’auteur est d’avis que :
« le consentement du détenteur au traitement de données personnelles obtenu par l’émetteur dans les conditions générales du contrat d’émission n’est pas libre, dans la mesure où il concerne le traitement de données personnelles qui ne sont pas absolument nécessaires à l’émission de la carte. »
L’avis de l’auteur tranche avec celui de la doctrine précitée. Son avis est notamment motivé en raison du fait que les autorités helvétiques doivent tenir compte, dans une certaine mesure, des critères retenus par le RGPD dans un but d’assurer une certaine eurocompatibilité du droit suisse de la protection des données. Celle-ci est selon lui primordiale d’un point de vue juridico-économique, notamment en raison du fait que la Commission européenne doit encore évaluer la nouvelle législation suisse sur la protection des données et rendre ensuite une décision d’adéquation. En outre, son raisonnement est également motivé par le fait qu’une entreprise suisse est susceptible d’être concernée par le RGPD en raison de son champ d’application extraterritorial (art. 3 al. 2).