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Le Ministère public central du canton de Vaud soumis au principe de la transparence

Livio di Tria, le 25 octobre 2021
Par déci­sion du 17 juin 2021, le Préposé vaudois à l’information a ordonné la trans­mis­sion d’un docu­ment offi­ciel détenu par le Ministère public central du canton de Vaud à un admi­nis­tré. L’affaire met en lumière le prin­cipe de la trans­pa­rence auquel est soumis l’autorité en ques­tion dans le cadre de ses acti­vi­tés non juridictionnelles.

Décision de l’Autorité vaudoise de protec­tion des données et de droit à l’information du 17 juin 2021 de l’af­faire 20_0760.

Par cour­rier du 5 octobre 2020, un admi­nis­tré s’adresse au Ministère public central du canton de Vaud (Ministère public) pour obte­nir une lettre circu­laire du Secrétariat d’État à l’économie (SECO) rela­tive aux crédits COVID-19 adres­sée à tous les minis­tères publics canto­naux. Nous souli­gnons que la demande d’accès est fondée sur la Loi vaudoise du 24 septembre 2002 sur l’information (LInfo) et de son règle­ment d’application (RLinfo). En l’espèce, la demande fait suite à un repor­tage de l’émission Temps Présent dans le cadre duquel le docu­ment en ques­tion a été évoqué.

Le 7 octobre 2020 la commu­ni­ca­tion du docu­ment en ques­tion a été refu­sée au motif que la LInfo ne s’applique pas aux fonc­tions juri­dic­tion­nelles du Ministère public. En outre, l’ad­mi­nis­tré est invité à s’adresser au SECO direc­te­ment, entité à l’origine du docu­ment requis. Le 3 novembre 2020, l’administré fait recours contre la déci­sion du Ministère public auprès du Préposé vaudois à l’information (Préposé), qui l’admet. Nous préci­sons que le Préposé a, dans le cadre de la procé­dure, invité les parties à une séance de conci­lia­tion (art. 21 al. 3 LInfo). Cette séance de conci­lia­tion a été expres­sé­ment refu­sée par le Ministère public, même si celui-ci se dit être en géné­ral ouvert à l’idée.

Ministère public, entité de l’administration canto­nale vaudoise ?

En droit vaudois, l’application du prin­cipe de la trans­pa­rence au Ministère public ne ressort pas expli­ci­te­ment du champ d’application de la LInfo (art. 2). Ce silence – malheu­reux – du légis­la­teur appelle une analyse appro­fon­die du champ d’application en question.

De manière géné­rale, la LInfo s’applique aux enti­tés vaudoises canto­nales et commu­nales, à l’exception du Bureau canto­nal de média­tion admi­nis­tra­tive (art. 2 al. 1 et 3 LInfo). En parti­cu­lier, la LInfo s’applique au Conseil d’État et à son admi­nis­tra­tion (art. 2 al. 1 let. b LInfo) ainsi qu’à l’Ordre judi­ciaire vaudois et à son admi­nis­tra­tion (art. 2 al. 1 let. c LInfo), à l’exclusion de leurs fonc­tions juri­dic­tion­nelles respec­tives. Dans le cas d’espèce, il y a lieu de déter­mi­ner si le Ministère public peut être ratta­ché à l’administration du Conseil d’État, autre­ment dit à l’administration canto­nale vaudoise, soit à l’Ordre judi­ciaire vaudois.

Vaudoiserie oblige, le ratta­che­ment du Ministère public à l’une des deux hypo­thèses est parti­cu­liè­re­ment impor­tant dès lors que le prin­cipe de la trans­pa­rence au sein de l’Ordre judi­ciaire vaudois est soumis à des moda­li­tés spéci­fiques édic­tées par le – criti­quable – Règlement du 13 juin 2006 de l’ordre judi­ciaire sur l’information (ROJI ; BLV 170.21.2). Peu connu, ce dernier défi­nit pour l’Ordre judi­ciaire vaudois les prin­cipes, l’organisation et la procé­dure en matière d’information, notam­ment en ce qui concerne la publi­cité des déci­sions judi­ciaires (art. 30 al. 3 Cst. ; art 11 ss ROJI) ainsi que l’information non juri­dic­tion­nelle (art. 17 ss ROJI).

En tant que tel, l’Ordre judi­ciaire vaudois est composé des auto­ri­tés et des offices judi­ciaires. La Loi vaudoise du 12 décembre 1979 d’organisation judi­ciaire (LOJV ; BLV 173.01) mentionne exhaus­ti­ve­ment quelles sont les auto­ri­tés judi­ciaires (art. 2 LOJV) et quels sont les offices judi­ciaires (art. 4 LOJV). En l’état, le Ministère public ne fait pas partie de l’Ordre judi­ciaire vaudois (art. 2 LOJV a contra­rio). À préci­ser encore que la Loi vaudoise du 19 mai 2009 sur le Ministère public (LMPu ; BLV 173.21) ne comprend aucune règle sur les prin­cipes et la procé­dure en matière d’information.

Faute d’un ratta­che­ment à l’Ordre judi­ciaire vaudois, il y a lieu d’examiner si le Ministère public peut être consi­déré comme une entité à part entière de l’administration canto­nale vaudoise au sens de l’art. 2 al. 1 let. b LInfo. Nous rele­vons que dans le cadre de sa déci­sion, et dès lors que ce ratta­che­ment ne découle pas expli­ci­te­ment de la lettre de la loi, il a été néces­saire pour le Préposé d’analyser la volonté du légis­la­teur, qui découle en partie de l’Exposé des motifs et projet de loi sur l’information (EMPL).

À cet égard, l’EMPL souligne expres­sé­ment que le Ministère public était à l’origine exclu du champ d’application du projet de loi sur l’information, mais que, lors de la consul­ta­tion, plusieurs instances ont proposé de l’inclure. Dès lors que le champ d’application couvre autant le pouvoir exécu­tif, le pouvoir légis­la­tif et le pouvoir judi­ciaire, et qu’il a été donné suite à la propo­si­tion d’inclure le Ministère public, celui-ci doit être consi­déré comme une entité de l’administration canto­nale vaudoise ratta­chée au Conseil d’État au sens de l’art. 2 al. 1 let. b LInfo. Partant, il est soumis à la LInfo (EMPL, pp. 2641–2642).

Activités juri­dic­tion­nelles ou non juridictionnelles ?

Le Ministère public n’est soumis à la LInfo que dans la mesure où l’information et les docu­ments concer­nés ne font pas partie de ses fonc­tions juri­dic­tion­nelles, et ce pour des raisons de protec­tion de la person­na­lité et de secret de l’enquête. En l’espèce, le Ministère public refuse l’accès au docu­ment concerné notam­ment en raison du fait que celui-ci ferait partie de ses fonc­tions juridictionnelles.

Par fonc­tion juri­dic­tion­nelle, il faut comprendre toutes les acti­vi­tés qui ont trait à des procé­dures en cours qui font l’objet de règles de procé­dure spéci­fiques pour l’accès aux docu­ments. À noter que le Tribunal fédé­ral a récem­ment admis que seuls les docu­ments de la procé­dure au sens strict peuvent échap­per au prin­cipe de la trans­pa­rence (TF, 1C_​367/​2020 du 12 janvier 2021, consid. 3.3).

Dans le cas d’espèce, le Préposé estime que le docu­ment en ques­tion ne fait pas partie de l’activité juri­dic­tion­nelle du Ministère public. Par consé­quent, celui-ci est soumis au prin­cipe de la transparence.

Document offi­ciel élaboré ou détenu ?

En tant que second motif justi­fiant le refus, le Ministère public allègue que le docu­ment a été élaboré par le SECO et que l’administré doit, de ce fait, s’adresser à cette auto­rité pour en obte­nir l’accès.

Nous nous limi­tons à mettre en exergue que l’art. 9 al. 1 LInfo précise qu’une personne peut deman­der l’accès à un docu­ment offi­ciel, qui s’entend comme tout docu­ment achevé, quel que soit son support, qui est élaboré ou détenu par les auto­ri­tés, qui concerne l’accomplissement d’une tâche publique et qui n’est pas destiné à un usage personnel.

Le fait que le Ministère public ait élaboré le docu­ment ou non ne joue aucun rôle. La simple déten­tion d’un docu­ment offi­ciel est suffi­sante pour que celui-ci soit soumis à une demande d’accès. De manière iden­tique qu’en droit fédé­ral, la LInfo s’applique ainsi aux docu­ments conçus par l’administration, mais égale­ment à tous ceux qu’elle a reçus de tiers (sans égard au fait qu’ils soient assu­jet­tis au prin­cipe de la trans­pa­rence ou non). Toutefois, cela ne signi­fie pas que toutes les infor­ma­tions en main de l’administration dont celle-ci n’est pas l’auteur sont acces­sibles au public. L’autorité peut déci­der de ne pas publier ou trans­mettre des infor­ma­tions si des inté­rêts publics ou privés prépon­dé­rants s’y opposent (art. 16 LInfo).

Note

La déci­sion du Préposé a pour consé­quence de clari­fier – de manière bien­ve­nue – l’application du prin­cipe de la trans­pa­rence au Ministère public. Il serait toute­fois judi­cieux, lors d’une révi­sion de la LInfo, de le prévoir expres­sé­ment au sein de la LInfo afin d’assurer une plus grande sécu­rité juridique.

En outre, la déci­sion du Préposé est l’occasion pour nous de mettre en exergue qu’il n’existe pas, à l’heure actuelle, de règles de compé­tences claires pour le Ministère public afin de statuer sur une demande d’accès à un docu­ment offi­ciel. S’il est certain que le Procureur géné­ral est person­nel­le­ment compé­tent pour statuer sur ces demandes, il n’est pas pour autant exclu que les procu­reurs puissent égale­ment rendre des déci­sions à cet égard (ce qui est le cas dans la présente affaire). Toutefois, et dans le but d’assurer une poli­tique cohé­rente en matière de commu­ni­ca­tion, des règles de compé­tences claires pour­raient être établies.

Finalement, nous souli­gnons que ce n’est pas la première fois que des docu­ments déte­nus par un Ministère public font l’objet d’une demande d’accès. En juin 2016, le Tribunal fédé­ral avait admis le recours de l’association des juristes progres­sistes à accé­der à une direc­tive du Procureur géné­ral du canton de Genève préci­sant la poli­tique pénale à l’égard des étran­gers multi­ré­ci­di­vistes en situa­tion irré­gu­lière (TF 1C_​604/​2015 et 1C_​606/​2015 du 13 juin 2016). À la suite de cette juris­pru­dence, le Procureur géné­ral du canton de Genève avait fait le choix de publier ses direc­tives internes. Nous souli­gnons que le Ministère public vaudois publie égale­ment ses directives.



Proposition de citation : Livio di Tria, Le Ministère public central du canton de Vaud soumis au principe de la transparence, 25 octobre 2021 in www.swissprivacy.law/97


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