31e Rapport d’activités du PFPDT – Un survol (Partie 2 : Transparence)
31e Rapport d’activités 2023/2024
Mis en ligne le 26 juin 2024, le rapport présente l’activité du PFPDT en matière de protection des données et de transparence sur la période allant du 1er avril 2023 au 30 mars 2024. Cette contribution se penche sur la partie transparence de ce rapport, la partie consécutive à la protection des données ayant été analysée dans une contribution séparée (cf. www.swissprivacy.law/314). Cette période a été marquée par une utilisation accrue de la LTrans, en particulier dans les domaines de la santé et de la banque.
Augmentation importante des demandes d’accès aux documents
Sur la période couverte par ce rapport, le PFPDT relève une augmentation considérable des demandes d’accès, particulièrement en 2023. Les sujets liés aux COVID-19 ainsi que sur des sujets d’actualité nationale tels que la reprise de Credit Suisse par UBS ont mené à plusieurs demandes d’accès.
Les demandes sont montées à un total de 1’738, soit une hausse de 47 % par rapport à l’année précédente. Cette hausse s’est concentrée sur certains offices fédéraux particulièrement sollicités, notamment l’Office fédéral du sport (OFSPO), l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), le Secrétariat général du Département fédéral des finances (SG-DFF) et le Secrétariat général du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et de sports DDPS, qui ont respectivement reçu 277, 98, 87 et 83 demandes, soit 31 % des demandes totales.
Cette croissance des demandes d’accès a parfois prolongé les délais de traitement, en particulier pour des cas nécessitant une collaboration entre plusieurs services. Néanmoins, l’accès a été accordé intégralement dans 48 % des cas.
Recours à la médiation pour la résolution de litiges
L’augmentation des demandes a également entraîné une hausse des recours en médiation, avec un total de 142 procédures initiées en 2023. La médiation permet de traiter les contestations de manière pragmatique et souvent à l’amiable. Dans cette optique, 47 % des cas de médiation se sont soldés par des solutions consensuelles, tandis que dans les autres cas, le PFPDT a émis 47 recommandations pour 61 cas. À noter que la plupart des demandes proviennent de journalistes (74), le reste de particuliers (31).
Ces procédures de médiation sont souvent prolongées, soit à cause de leur complexité ou par la présence de représentants légaux. Le PFPDT note que les médiations en présentiels avec les personnes concernées présentes ont de plus grandes chances de réussite que lorsqu’elles ont lieu par écrit. Le revers de la médaille est cependant les retards qui en découlent, notamment en lien avec l’organisation des médiations. Les délais légaux sont alors très rarement respectés, et il est régulièrement fait recours à l’art. 12a OTrans, permettant de prolonger le délai d’une durée raisonnable.
À l’avenir, le PFPDT anticipe une pression continue sur la durée des médiations, notamment au vu du volume croissant de requêtes et de l’intérêt soutenu pour l’accès à l’information.
Le processus législatif : interventions et vigilance sur les exclusions
En matière législative, l’année écoulée a été marquée par plusieurs interventions du PFPDT sur des questions de transparence impactées par des évolutions législatives.
En particulier, le PFPDT s’est positionné sur la transposition de l’ordonnance d’urgence relative à la reprise de Credit Suisse par UBS dans la loi sur les banques. Pour rappel, cette ordonnance de nécessité prévoit une disposition spéciale qui prime sur la LTrans, et vise à bloquer le droit d’accès en vertu de celle-ci.
Le Secrétariat d’État aux questions financières internationales (SFI) avait envisagé des limitations à l’accès pour préserver des informations de nature sensible. Le PFPDT a exprimé ses réserves en argumentant sur le risque de compromettre l’essence même de la LTrans en diminuant la transparence administrative. Par la suite, deux restrictions ont été supprimées du projet. Pour plus d’informations sur les recommandations du PFPDT sujet de la transparence dans le cadre de l’acquisition de Credit Suisse par UBS, cf. www.swissprivacy.law/280
Dans le cadre de la révision partielle de l’ordonnance sur l’archivage (OArch), il ressort un échec pour la coordination entre la LArch et la LTrans. En effet, malgré des propositions lors de la consultation, les Archives fédérales ont abandonné toute forme de réglementation de coordination. La pratique actuelle est donc inchangée, et la question du droit applicable durant les délais de protection en cas de demandes d’accès à des documents archivés n’est pas réglée. Le régime de « l’application de la loi la plus favorable » reste la démarche à suivre,
Sur la question de la loi sur la transparence des personnes morales et l’identification des ayants droits économiques, c’est une nouvelle exclusion de la LTrans qui s’est matérialisée. Cette initiative de registre des ayants droit économique vise à rendre accessibles les informations sur les personnes physiques détenant une influence sur des entités juridiques, principalement pour répondre à des enjeux de criminalité financière. Malgré l’abandon de la restriction de la LTrans dans le rapport explicatif, portée par les recommandations du PFPDT, le Conseil fédéral a complété la loi par une exclusion de la LTrans. Le PFPDT estimait quant à lui que la LTrans prévoyant déjà des exceptions à l’accès, son exclusion totale n’est donc pas justifiée.
En matière de réglementation des émoluments, celle-ci a été revue pour clarifier les cas où des frais peuvent être imposés aux demandeurs, notamment dans le cadre de demandes d’accès importantes ou complexes. Le PFPDT a insisté pour que la gratuité reste le principe de base, et que les émoluments ne soient appliqués qu’en cas de charge de travail particulièrement lourde, afin d’encourager l’exercice du droit d’accès selon la volonté du législateur (cf. également sur le sujet : www.swissprivacy.law/196). Un seuil de 30h de travail avait été estimé par l’OFJ et le PFPDT. Baissé à 20h par l’OFJ après la consultation des offices, le Conseil fédéral a finalement choisi de le baisser à 8h, au-delà duquel les administrations pourront facturer 100 CHF par heure de travail. Une réduction de 50 % est prévue lorsque la demande émane de média.
Enfin, les conclusions de la Commission de gestion du Conseil des États (CdG‑E) dans le contexte de la tentative de chantage visant le conseiller fédéral Alain Berset ont fait l’objet de beaucoup de discussions. En particulier, c’est la question de la conservation et l’archivage des documents et des droits du PFPDT de consulter les documents qui a occupé la CdG‑E. Outre le rappel que la conservation et l’archivage de documents sont essentiels pour la garantie du droit d’accès et la transparence de l’activité administrative, trois recommandations visant la LTrans ont été émises. Le Conseil fédéral en a retenu deux, soit la modification des dispositions légales relatives au droit de consultation des documents qui ont un lien avec la fonction et sphère privée et l’examen à mener sur l’application de la LTrans à des procédures closes. La recommandation visant à modifier la LTrans et conférer un droit d’intervention et de décision du PFPDT a été écartée.
Dispositions spéciales selon l’art. 4 LTrans
Le rapport fait état de l’augmentation des dispositions spéciales en vertu de l’art. 4 LTrans, qui prévoit des exceptions au droit d’accès pour certaines catégories d’information. Ces exceptions, justifiées par des impératifs de sécurité ou de confidentialité, peuvent cependant affaiblir le principe de transparence si elles sont appliquées sans discernement. Le PFPDT a publié un tableau récapitulatif de ces exceptions, consultable en ligne. Il rappelle que chaque situation doit être examinée au cas par cas, pour éviter des restrictions disproportionnées et préserver le rôle de la LTrans dans la promotion d’une administration ouverte et responsable.
Conclusion
La transparence demeure un pilier fondamental de notre démocratie, en permettant aux citoyennes et citoyens de s’informer sur les décisions et actions de l’administration. Elle contribue à renforcer la confiance entre l’État et le public, un élément essentiel dans une société où l’accès à l’information joue un rôle croissant. Comme l’illustre le cas du canton de Genève, où les demandes d’accès à l’information ont également augmenté cette année, l’intérêt du public pour les documents officiels ne cesse de croître, témoignant d’une attente forte pour des institutions ouvertes et responsables.
Dans ce contexte, le PFPDT continue de jouer un rôle central, non seulement en facilitant l’accès aux documents administratifs et en arbitrant les différends par la médiation, mais aussi en s’assurant que les nouvelles législations prennent en compte le droit à la transparence.
Proposition de citation : Charlotte Beck, 31e Rapport d’activités du PFPDT – Un survol (Partie 2 : Transparence), 20 décembre 2024 in www.swissprivacy.law/329
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