4,75 millions d’euros d’amende pour Netflix, entre transparence et simplicité il faut choisir

Faits
Le 26 novembre 2024, l’Autorité néerlandaise de protection des données (Autoriteit Persoonsgegevens, AP) a infligé une amende de 4,75 millions d’euros à Netflix pour manquement au devoir d’information et au droit d’accès prévus dans le RGPD. L’enquête a été initiée suite à des plaintes déposées par l’organisation autrichienne None Of Your Business (NOYB). Ces plaintes ont été instruites aux Pays-Bas, où est situé le siège européen de Netflix.
Selon la décision de l’AP, appuyée par un rapport d’enquête, entre 2018 et 2020 Netflix n’a pas fourni à ses utilisateurs des informations claires et complètes sur le traitement de leurs données personnelles, notamment au sein de sa déclaration de confidentialité. L’AP a également relevé des insuffisances dans les réponses apportées aux demandes d’accès des utilisateurs.
Position de Netflix
Selon Netflix, dans son rapport d’enquête, l’autorité néerlandaise applique une interprétation stricte des obligations de transparence contenues dans le RGPD. L’entreprise estime qu’elle dispose d’une marge de manœuvre pour satisfaire à ses obligations de transparence, conformément aux lignes directrices du Groupe de travail de l’Article 29 (Guidelines on Transparency du 29 novembre 2017, wp. 260rev.01). Ainsi un responsable de traitement dispose, selon Netflix, d’une certaine marge de manœuvre pour communiquer sur le traitement des données personnelles et les informations à fournir à cet effet, à un niveau de transparence approprié.
Pour étayer sa position, Netflix avance les arguments suivants :
- Selon Netflix, son modèle économique est simple : il s’agit d’un service d’abonnement qui donne accès à des recommandations personnalisées, entre autres. Ainsi, l’utilisation des données personnelles à des fins de recommandations est simple et cohérente et il n’y aurait donc aucune obligation de décrire les principales conséquences du traitement des données personnelles. Netflix affirme également que, depuis mai 2018, elle fournit, via son « centre d’aide », une explication complète et compréhensible, notamment sur le fonctionnement de son système de recommandations.
- En ce qui concerne sa déclaration de confidentialité, Netflix explique l’avoir adaptée à l’interface utilisateur télévisée, car la plupart de leurs clients utilisent leur télévision pour regarder des films et des séries. Pour des raisons d’uniformité et de transparence, Netflix utilise les mêmes informations sur TV que sur d’autres plateformes (mobile, tablette, navigateur Internet). Netflix estime que sa déclaration de confidentialité est rédigée de manière détaillée sans être trop longue ou trop compliquée afin de répondre aux problématiques d’accessibilité. De plus, Netflix indique que le texte de la déclaration de confidentialité contient des renvois vers des paragraphes fournissant des informations plus spécifiques sur certains sujets. Grâce à cette approche en couches (comme recommandé par les lignes directrices du G29), Netflix considère avoir fourni suffisamment d’informations dans sa déclaration de confidentialité et, ainsi, avoir respecté ses obligations d’information.
- Netflix considère également que l’obligation de mentionner les destinataires des données personnelles par leur nom dans la déclaration de confidentialité ne découle pas de l’art. 13, par. 1 RGPD, estimant que la simple indication des catégories de destinataires est suffisante.
- Enfin, Netflix renvoie à sa déclaration de confidentialité, dans laquelle il est conseillé aux clients de contacter l’équipe de protection de la vie privée de Netflix s’ils ont des questions sur l’utilisation de leurs données personnelles. Selon Netflix, l’option permettant d’obtenir des informations est peu utilisée, mais dans les cas où cette information a été demandée, elle a respecté son obligation de transparence.
Netflix estime avoir aligné sa manière de travailler sur ces obligations et, par conséquent, se conformer aux obligations d’information susmentionnées. Elle conclut en affirmant que l’approche stricte de l’AP néerlandaise entraîne une insécurité juridique pour Netflix, qui ne comprend pas exactement comment elle doit agir.
Manquements au devoir d’information et au droit d’accès
L’Autorité néerlandaise a retenu dans sa décision que Netflix n’a pas respecté ses obligations d’information et d’accès aux données personnelles conformément aux art. 12 par. 1, 13 par. 1 et 3 et 15 RGPD. Son analyse se concentre sur quatre aspects principaux : bases légales et finalités du traitement, destinataires des données personnelles, durées de conservation des données et transferts internationaux de données.
Concernant les bases légales et finalités du traitement, l’AP reproche à Netflix de ne pas avoir clairement relié les bases légales aux finalités du traitement des données personnelles. L’information était présentée d’une manière empêchant une compréhension claire et transparente des raisons et des bases légales du traitement.
Pour les destinataires des données personnelles, l’autorité critique Netflix pour ne pas avoir explicitement nommé les entités recevant des données personnelles, notamment les fournisseurs de services publicitaires. Netflix s’est contenté d’indiquer des catégories de destinataires, ce qui, selon l’AP, ne respecte pas les exigences du RGPD en matière de transparence. Cette position rappelle un arrêt de la CJUE (Arrêt CJUE C‑154/21 du 12 janvier 2023, RW c. Österreichische Post AG) dans lequel la cour a avancé que, lorsque des données personnelles sont communiquées, le responsable du traitement doit fournir à la personne concernée, à sa demande, l’identité des destinataires (cf. www.swissprivacy.law/216/).
En matière de durées de conservation des données, Netflix ne précisait pas dans sa déclaration de confidentialité, les périodes de conservation des données personnelles. Bien que l’entreprise ait fourni ces informations à l’AP sur demande, l’absence d’indication accessible aux utilisateurs constituait une violation des obligations de transparence du RGPD selon l’autorité néerlandaise.
Enfin, concernant les transferts internationaux de données, l’AP reproche à Netflix de ne pas avoir indiqué précisément vers quels pays en dehors de l’Espace économique européen (EEE) les données personnelles étaient transférées, ni quelles garanties étaient mises en place pour assurer leur protection.
L’AP conclut que ces manquements ont porté atteinte au droit des utilisateurs à une information claire, transparente et facilement accessible, conduisant à la sanction de Netflix à hauteur de 4,75 millions d’euros.
Cette décision de l’AP soulève la question de l’harmonisation des exigences entre les différentes juridictions européennes. Le niveau d’exigence de l’autorité néerlandaise contraste avec les lignes directrices du Groupe de travail de l’Article 29, qui mettaient en avant une information concise, transparente, intelligible et facilement accessible et questionne sur la faisabilité d’une information à la fois concise et détaillée.
Du côté Suisse, le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence indique qu’au moment de la communication de l’information, le degré de détails de l’information fournie par le responsable de traitement dépendra du type de données personnelles traitées ainsi que de la nature et de l’ampleur du traitement. Il indique qu’il est par exemple possible que l’on doive informer sur la durée du traitement ou l’anonymisation de données (alors même que cette information n’est pas mentionnée dans les informations à communiquer au titre de l’art. 19 LPD). Une interprétation extensive du devoir d’information qui semble aller dans le sens de l’interprétation néerlandaise.
Proposition de citation : Anna Ploix, 4,75 millions d’euros d’amende pour Netflix, entre transparence et simplicité il faut choisir, 24 février 2025 in www.swissprivacy.law/339

