Le Préposé, une autorité de recours compétente dans la LInfo vaudoise ?

En fait
Début 2023, B., journaliste s’est adressé à A. SA, active dans le domaine de l’électricité, afin obtenir des informations et documents en lui indiquant entreprendre une enquête portant sur les raisons des hausses de tarifs d’électricité annoncées, notamment par elle. A. SA a refusé de répondre à certaines questions au motif que celles-ci portaient sur des informations confidentielles.
Le 2 mai 2023, B. recourt contre cette « décision » auprès du Préposé au droit à l’information vaudois, afin que les informations et documents requis lui soient remis. Pour sa part, A. SA conclut le 9 juin 2023 à l’irrecevabilité de ce recours et subsidiairement à son rejet. Par décision incidente du 17 octobre 2023, le Préposé ordonne à A. SA de lui communiquer les informations fournies à l’Elcom justifiant les augmentations du tarif de base pour l’exercice 2023.
Le 17 novembre 2023, A. recourt contre cette décision incidente auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (CDAP) et conclut à l’annulation de la décision attaquée, rendue le 17 octobre 2023.
Compétence de recours du Préposé
La recourante conteste d’abord la compétence du Préposé pour rendre la décision sujette à recours. A ce sujet, la CDAP rappelle que la jurisprudence vaudoise a confirmé l’application de la LInfo aux organismes (publics ou) privés délégataires de tâches publiques, dans l’exécution de ces tâches, sans exclure pour autant les organismes délégataires dépourvus du pouvoir d’adopter des règles de droit ou des décisions.
Dans ce contexte, la CDAP considère que la société recourante peut certes vraisemblablement se prévaloir de secrets commerciaux liés à ses activités privées, mais cela ne fait pas obstacle à son assujettissement de principe à la LInfo en lien avec les tâches publiques qu’elle exerce. En d’autres termes, il appartient au Préposé d’apprécier, sur la base de l’art. 16 LInfo, les données en cause et de faire la part entre les données qui sont accessibles et celles dont la consultation doit être refusée.
Puisque le Préposé est chargé de la procédure de recours prévue à l’art. 21 LInfo (art. 27a al. 1 let. a LInfo), il dispose donc des pouvoirs d’instruction conférés aux autorités chargées de trancher les recours administratifs par la LPA-VD. Partant, le Préposé dispose de la compétence pour rendre la décision. De plus, l’art. 27b LInfo prévoit expressément l’obligation de transmettre des informations au Préposé, même si celles-ci comportent des éléments secrets. Par conséquent, il a un droit d’accès aux documents officiels, même s’ils sont tenus secrets (art. 27b LInfo).
Droit d’accès du Préposé aux documents officiels au-delà de la phase de conciliation
L’art. 27b LInfo prévoit que dans le cadre de la procédure de recours prévue à l’art. 21 LInfo, le Préposé dispose d’un droit d’accès aux documents officiels, même s’ils sont tenus secrets. A cet égard, la recourante soutient que l’obligation légale de l’art. 27b LInfo ne vaut que pour la phase de conciliation. La CDAP estime cependant que cette obligation légale de l’art. 27b LInfo vaut pour l’ensemble de la procédure devant le Préposé et pas uniquement à la phase de conciliation.
En somme, cette solution rejoint celle du droit fédéral dans le cadre de l’application de la LTrans, en particulier l’art. 16 al. 2 LTrans qui octroie aux autorités de recours un droit d’accéder aux documents officiels protégés par le secret.
En bref, les art. 16 al. 2 LTrans et 27b LInfo mettent en jeu une tension entre la constitution du dossier, conformément à l’obligation qui s’impose à l’autorité de recours d’un côté, et le droit d’être entendu de l’autre côté. A cet égard, la Cour de droit administratif et public constate que jurisprudence et pratique retiennent que l’autorité de recours a la faculté de prendre connaissance des informations confidentielles figurant au dossier, alors même que la partie qui souhaite faire valoir son droit d’être entendue à ce propos s’en trouve empêchée en raison du caractère confidentiel de ces données.
En somme, l’autorité de recours a pour tâche d’examiner si l’autorité intimée, lorsqu’elle se prévaut d’un secret, le fait à juste titre. Dans le cadre des voies de droit liées à l’application des dispositions régissant l’accès aux informations des autorités, un tel contrôle n’est possible que si l’autorité intimée peut examiner les données en cause et vérifier leur caractère confidentiel ou non.
Conclusion
Cet arrêt de la CDAP permet de clarifier les compétences du Préposé lorsqu’une société est soumise à la LInfo sous deux aspects. Premièrement, le Préposé constitue une autorité de recours compétente pour juger du caractère confidentiel des informations litigieuses. Deuxièmement, le Préposé bénéficie à ce titre d’un droit d’accès aux documents officiels (art. 27b LInfo) au-delà de la phase de conciliation.
Proposition de citation : Lisa Dubath, Le Préposé, une autorité de recours compétente dans la LInfo vaudoise ?, 2 octobre 2025 in www.swissprivacy.law/375

