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L’intérêt à mener des recherches sur un aïeul prime le secret médical

Frédéric Erard, le 26 septembre 2020
Dans un arrêt du 30 janvier 2020, la Cour de droit admi­nis­tra­tif et public du canton de Vaud (CDAP) a estimé que l’intérêt privé à mener des recherches sur un aïeul décédé surpas­sait dans le cas d’espèce celui de la protec­tion du secret médi­cal et a auto­risé l’accès à des docu­ments versés aux archives canto­nales. Dans sa pesée des inté­rêts, elle a notam­ment pris en compte le carac­tère essen­tiel­le­ment descrip­tif des docu­ments ainsi que leur ancien­neté (plus de 80 ans).

Arrêt de la Cour de droit admi­nis­tra­tif et public (CDAP) du Tribunal canto­nal du Canton de Vaud, 30 janvier 2020, GE.2018.0229

Dans le cadre d’un travail de mémoire sur ses ancêtres, la recou­rante a demandé aux Archives canto­nales vaudoises l’accès aux pièces encore exis­tantes en lien avec l’internement subi par son arrière-grand-père dans des établis­se­ments hospi­ta­liers entre 1892 et 1936, année de son décès. Le Conseil de santé – auto­rité compé­tente de levée du secret profes­sion­nel dans le canton de Vaud – a refusé l’accès aux docu­ments. Il a estimé qu’un travail de mémoire ne consti­tuait pas un motif suffi­sant pour justi­fier la levée du secret médical.

Selon la légis­la­tion vaudoise, les docu­ments versés aux archives canto­nales qui contiennent des données person­nelles sont soumis à un délai de protec­tion spécial. Ce délai est en prin­cipe de 10 ans après la date du décès de la personne concer­née (art. 12 al. 2 LArch, RS-VD 432.11). Après l’écoulement du délai de protec­tion, la consul­ta­tion peut encore être restreinte en présence d’un inté­rêt public ou privé prépon­dé­rant, ou si les dispo­si­tions d’autres lois prévoient des délais de protec­tion spéci­fiques pour certains types de docu­ments (art. 12 al. 4 et 4 LArch, RS-VD 432.11).

En l’occurrence, le secret médi­cal, prin­ci­pa­le­ment protégé par l’infraction pénale de viola­tion du secret profes­sion­nel (art. 321 CP), a pour objet des infor­ma­tions parti­cu­liè­re­ment sensibles et conti­nue de déployer ses effets après la mort du patient. Les patients doivent en effet pouvoir commu­ni­quer libre­ment avec leur méde­cin sans craindre que les infor­ma­tions confiées ne seront révé­lées à des tiers après leur mort. Il n’est donc pas possible de fixer un délai légal de protec­tion et il faut toujours procé­der à une pesée des inté­rêts en présence. Lorsqu’elles ont été versées aux archives canto­nales, de telles données ne peuvent être consul­tées qu’avec l’accord de l’autorité qui a versé les docu­ments aux archives (art. 10 al. 1 LArch, RS-VD 432.11), soit le Conseil de santé.

L’autorité compé­tente doit statuer confor­mé­ment à la légis­la­tion sur l’information (LInfo, RS-VD 170.21) et sur la protec­tion des données (LPrD, RS-VD 172.65). Ces deux légis­la­tions impliquent de procé­der à une pesée des inté­rêts en présence. Seul un inté­rêt clai­re­ment prépon­dé­rant permet de justi­fier la levée du secret.

La CDAP souligne qu’il ne faut pas mini­mi­ser l’intérêt de la personne décé­dée à la protec­tion du secret médi­cal, bien que la néces­sité de proté­ger de telles données s’amenuise avec le temps. Dans le cas d’espèce, les docu­ments concer­nés se limitent aux dates d’entrées et sorties dans un établis­se­ment, aux raisons des inter­ne­ments, à diverses indi­ca­tions géné­rales sur le compor­te­ment du patient durant son hospi­ta­li­sa­tion ainsi qu’à deux certi­fi­cats médi­caux mention­nant la cause géné­rale de l’internement. Il s’agit essen­tiel­le­ment d’observations factuelles qui ne méritent pas d’être tout parti­cu­liè­re­ment proté­gées, d’autant plus qu’il s’est écoulé un long laps de temps depuis le décès de la personne concer­née (plus de 80 ans). Aucun inté­rêt privé ou public prépon­dé­rant n’empêche donc la recou­rante d’avoir accès aux docu­ments concernés.

Cet arrêt canto­nal apporte des ensei­gne­ments utiles sur une ques­tion jusque-là peu abor­dée par la juris­pru­dence et la doctrine, celle des tensions entre la protec­tion du secret médi­cal et l’accès à des archives publiques. Alors que le secret médi­cal garan­tit par prin­cipe une protec­tion sans limite de temps, il paraît toute­fois raison­nable d’y appor­ter des tempé­ra­ments, faute de quoi la fonc­tion même de l’archivage public serait entra­vée. S’il ne fait pas de doute qu’une marge de manœuvre impor­tante doit être lais­sée à l’autorité pour déci­der si une archive peut ou non être consul­tée, les bases légales canto­nales sont  souvent insuf­fi­santes aujourd’hui. Ce constat vaut aussi en amont pour déter­mi­ner à quelles condi­tions un docu­ment couvert par le secret médi­cal peut être versé aux archives canto­nales (néces­sité du consen­te­ment de la personne concernée ?).

Enfin, la ques­tion plus large de l’accès aux données couvertes par le secret profes­sion­nel en lien avec des personnes décé­dées fait elle aussi l’objet de lacunes légis­la­tives, y compris lorsque les données sont trai­tées par des personnes privées. Alors que le projet de révi­sion totale de la LPD prévoyait une dispo­si­tion spéci­fique sur l’accès à des données de personnes décé­dées, notam­ment celles couvertes par le secret profes­sion­nel (art. 16 P‑LPD), celle-ci a été biffée au cours des débats parle­men­taires sur propo­si­tion de la commis­sion compé­tente qui a estimé, de manière surpre­nante selon nous, que les règles du Code civil rela­tives au droit des succes­sions étaient suffi­santes (BO 2019 N 1805).



Proposition de citation : Frédéric Erard, L’intérêt à mener des recherches sur un aïeul prime le secret médical, 26 septembre 2020 in www.swissprivacy.law/10


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
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