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Transparence confirmée pour les rapports d’incidents d’une prothèse

Kastriot Lubishtani, le 24 janvier 2022
La divul­ga­tion de rapports d’incidents selon la Loi sur les produits théra­peu­tiques n’est pas de nature à dissua­der les utili­sa­teurs et les fabri­cants de cesser de rappor­ter des inci­dents par crainte d’actions en justice (« chil­ling effect »). L’exception de l’art. 7 al. 1 let. b LTrans n’est donc pas appli­cable. L’intérêt public à la divul­ga­tion de tels rapports est « mani­feste » et prévaut sur les inté­rêts privés des fabri­cants des produits médi­caux (art. 7 al. 2 LTrans).

Arrêt du Tribunal fédé­ral 1C_​692/​2020 du 9 décembre 2021

Après le Préposé fédé­ral à la protec­tion des données et à la trans­pa­rence, le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral a donné accès (art. 6 LTrans) à une jour­na­liste à des docu­ments offi­ciels en posses­sion de Swissmedic concer­nant la prothèse à la hanche MaxiMOM de la fabri­cante Symbios Orthopédie SA. Il s’agissait plus parti­cu­liè­re­ment des rapports d’incidents de fabri­cants (rapport fabri­cant) et d’utilisateurs profes­sion­nels (rapport utili­sa­teur), ainsi que des rapports annexes, en rela­tion aux cas de métal­lose, c’est-à-dire l’usure anor­male d’un implant (arrêt TAF A‑3334 du 2.11.2020, cf. : www​.swiss​pri​vacy​.law/36).

Symbios Orthopédie SA recourt au Tribunal fédé­ral contre l’octroi de l’accès aux rapports utili­sa­teur et conteste en outre la divul­ga­tion des pays d’incidents et de distri­bu­tion, ainsi que des rapports annexes.

En matière de dispo­si­tifs médi­caux, l’obligation légale de décla­rer les inci­dents prévue dans la Loi sur les produits théra­peu­tiques (LPTh) (art. 59) est selon la recou­rante la pierre angu­laire du système de maté­rio­vi­gi­lance. Toutefois, les indi­ca­tions figu­rant dans les rapports d’incidents pour­raient être utili­sées dans le cadre de procé­dures civiles et pénales contre les utili­sa­teurs. En cas d’accès à ceux-ci, l’institution serait  alors détour­née de son but pour recher­cher des coupables et la divul­ga­tion des rapports condui­rait à une dimi­nu­tion dras­tique des annonces des utili­sa­teurs. La recou­rante fait donc valoir que l’art. 7 al. 1 let. b LTrans trou­ve­rait appli­ca­tion en l’espèce, préci­sé­ment car l’ac­cès « entrave l’exécution de mesures concrètes prises par une auto­rité confor­mé­ment à ses objec­tifs » comme le prévoit cette dispo­si­tion. À défaut, il exis­te­rait un « chil­ling effect » ainsi que l’a retenu Swissmedic pouvant dissua­der utili­sa­teurs et fabri­cants de rappor­ter des inci­dents par crainte d’actions en justice et sans que le caviar­dage ne puisse préve­nir ce risque.

Le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral a consi­déré que l’application de l’art. 7 al. 1 let. b LTrans dans le cas d’espèce pour­rait avoir l’incompatible et indé­si­rable effet de sous­traire un pan entier de la LPTh à la trans­pa­rence en l’absence de déro­ga­tion expresse à la Loi sur la trans­pa­rence. À cet égard, le Tribunal fédé­ral explique (c. 2.3) :

« s’interroger sur la perti­nence de cette objec­tion de prin­cipe, dès lors que l’application de l’art. 7 LTrans peut préci­sé­ment avoir pour consé­quence de sous­traire le cas échéant diffé­rents secteurs de l’activité étatique au prin­cipe de trans­pa­rence sans que le légis­la­teur ne l’ait expres­sé­ment prévu au sens de l’art. 4 LTrans ».

Cela étant, le Tribunal fédé­ral laisse la ques­tion ouverte, car il rejette le premier grief de la recou­rante tiré de l’art. 7 al. 1 let. b LTrans en concluant que ses craintes que les utili­sa­teurs puissent être dissua­dés d’effectuer les annonces d’incidents en raison de l’accès aux rapports ne sont pas objec­ti­ve­ment justi­fiées sur la base de quatre éléments. En premier lieu, les données person­nelles rela­tives aux patients, à l’établissement médi­cal, aux prati­ciens et à toute autre personne seront caviar­dées dans les rapports puisque la jour­na­liste requé­rante y a renoncé. En outre, les rapports ne contiennent qu’une descrip­tion de l’incident (dates d’implantation et d’explantation de la prothèse) et de l’état du patient. Or ces indi­ca­tions, au demeu­rant déjà connues du patient lui-même, ne sont pas de nature à fonder des préten­tions en justice. Troisièmement, l’anonymisation impar­faite allé­guée au sujet du nom d’un méde­cin est infon­dée, hormis l’indication « Prof » qui devra être suppri­mée, mais elle n’est pas propre à restreindre l’accès aux rapports. Enfin, la possi­bi­lité d’identifier l’établissement ou le méde­cin par recou­pe­ment n’apparaît pas suffi­sam­ment vrai­sem­blable compte tenu du peu d’informations à disposition.

C’est en outre en vain que Symbios Orthopédie SA fait valoir que les fabri­cants pour­raient renon­cer à décla­rer un inci­dent qui, par hypo­thèse, ne serait pas annoncé par un utili­sa­teur, alors même que la majo­rité des rapports reçus par Swissmedic seraient des rapports fabri­cant. Même si l’accès aux rapports d’incidents est accordé, il y a lieu de présu­mer que les fabri­cants respec­te­ront leur obli­ga­tion légale d’annoncer tout inci­dent comme le leur impose la loi qui prévoit égale­ment des sanc­tions en cas de manque­ment. La solu­tion est ici la même que celle rete­nue s’agis­sant des rapports d’in­ci­dents des entre­prises de trans­port (ATF 144 II 77).

En défi­ni­tive, la divul­ga­tion des rapports d’incidents n’a pas d’effet dissua­sif selon le Tribunal fédé­ral qui rejette les excep­tions de l’art. 7 al. 1 let. b et c LTrans.

Examinant ensuite l’exception de l’art. 7 al. 2 LTrans invo­quée par la recou­rante et néces­si­tant une pesée des inté­rêts, le Tribunal fédé­ral souligne que la recou­rante n’a pas à redou­ter que le public tire des conclu­sions erro­nées au sujet de sa répu­ta­tion sur la base des rapports d’incidents. L’intérêt public à la divul­ga­tion des rapports est « mani­feste » aussi bien pour les consom­ma­teurs desdits produits médi­caux que le public (c. 3.3) :

« il s’agit d’une part de l’intérêt des consom­ma­teurs à prendre connais­sance des éven­tuels problèmes liés à l’utilisation d’un produit parti­cu­lier dans le domaine de la santé, en l’occurrence une prothèse de hanche. Mais surtout, il s’agit de l’intérêt, à la base de la LTrans, à pouvoir véri­fier la manière dont Swissmedic s’acquitte de sa mission de contrôle, et de manière plus géné­rale à pouvoir évaluer l’efficience du système de maté­rio­vi­gi­lance. Il s’agit là d’un inté­rêt public impor­tant et évident ».

Ainsi, l’intérêt public prévaut et ce deuxième grief est donc écarté.

Enfin, le Tribunal fédé­ral rejette l’exception du secret commer­cial (art. 7 al. 1 let. g LTrans) s’agissant de la « tolé­rance de fabri­ca­tion », soit les défor­ma­tions après une certaine période d’implantation, puisque la prothèse en cause n’est plus produite depuis 2008 et l’existence d’un secret, non démon­tré, est lais­sée ouverte.

Le recours est donc rejeté.

Cet arrêt confirme presque inté­gra­le­ment le raison­ne­ment du Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral, en parti­cu­lier quant à la pesée des inté­rêts en présence, mais aussi et surtout sur l’absence de « chil­ling effect » que cause­rait la divul­ga­tion des rapports d’incidents.

Néanmoins, le Tribunal fédé­ral se distan­cie de l’autorité infé­rieure sur un élément fonda­men­tal rele­vant de la portée pratique de l’art. 7 LTrans et du méca­nisme même de la trans­pa­rence. Sans aller jusqu’à contre­dire l’appréciation du Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral en faisant souf­frir la ques­tion de rester ouverte, notre Haute Cour souligne que l’absence d’exception au sens de l’art. 4 LTrans n’est pas déci­sive, mais que, en fonc­tion des circons­tances de l’espèce, l’entrée en jeu d’une excep­tion au prin­cipe de la trans­pa­rence n’a pas d’autre effet que de main­te­nir le voile sur l’activité étatique. Selon nous, le fait que la trans­pa­rence soit la règle et le secret l’exception ne saurait avoir pour effet d’annihiler le rôle dévolu à l’art. 7 LTrans. La préci­sion du Tribunal fédé­ral est donc la bien­ve­nue en ce qu’elle rend justice à la portée de la dispo­si­tion indé­pen­dam­ment de son appli­ca­tion dans le cas d’espèce.



Proposition de citation : Kastriot Lubishtani, Transparence confirmée pour les rapports d’incidents d’une prothèse, 24 janvier 2022 in www.swissprivacy.law/116


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