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Interprétation d’une recommandation du PFPDT et suite de la procédure

Kastriot Lubishtani, le 29 janvier 2021
Les prin­cipes inter­pré­ta­tifs d’une déci­sion admi­nis­tra­tive sont appli­cables par analo­gie à une recom­man­da­tion du PFPDT. Celle-ci s’interprète en partant de son libellé pour ensuite exami­ner l’ensemble de son contenu. Lorsque la recom­man­da­tion est favo­rable à la personne requé­rante, celle-ci peut partir du prin­cipe que l’autorité y donnera suite ou, si elle entend y déro­ger, rendra une déci­sion que la requé­rante pourra contester.

Arrêt du Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral A‑3215/​2020 du 7 décembre 2020

Par commu­ni­qué de presse du 13 juin 2016, la Commission de la concur­rence (COMCO) annonce auto­ri­ser le projet Gateway Basel Nord. Le 18 septembre 2019, une entre­prise adresse à la COMCO une demande d’accès au sens de l’art. 10 de la Loi sur la trans­pa­rence (LTrans) qui porte sur les docu­ments rela­tifs à la procé­dure d’examen que cette auto­rité a menée sur la base de la Loi sur les cartels.

Si la COMCO trans­met à la requé­rante un certain nombre de docu­ments, elle restreint néan­moins son droit d’accès en procé­dant à un caviar­dage pour tenir compte de la protec­tion des données person­nelles de tiers (cf. art. 9 et 11 LTrans) et du secret d’affaires (cf. art. 7 al. 1 let. g). Contestant l’étendue du caviar­dage par rapport à ce dernier élément, la requé­rante dépose une demande en média­tion devant le PFPDT. Le 4 mars 2020, ce dernier rend une recom­man­da­tion aux termes de laquelle l’accès aux docu­ments offi­ciels requis est accordé, étant donné que la COMCO n’a pas justi­fié sa restric­tion jusqu’à présent.

Par cour­rier du 19 mai 2020, la COMCO ne trans­met pas les docu­ments sans caviar­dage, mais motive sa restric­tion rela­ti­ve­ment au secret d’affaires et consi­dère ce faisant se confor­mer à la recom­man­da­tion. Elle ajoute ne plus être tenue de rendre une déci­sion et que la procé­dure est donc close. Le 8 juin, la requé­rante exige que la COMCO rende une déci­sion suscep­tible de recours. Estimant avoir plei­ne­ment satis­fait à la recom­man­da­tion, la COMCO ne fait pas droit à cette requête le 11 juin et consi­dère, faute pour la requé­rante d’avoir agi dans le délai légal de 10 jours prévu par l’art. 15 al. 1 LTrans, qu’elle n’est plus fondée à exiger une déci­sion. La requé­rante dépose alors un recours devant le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral en allé­guant divers griefs pour obte­nir les docu­ments requis.

Les parties divergent quant à la ques­tion de savoir si la COMCO devait rendre une déci­sion dans le cas présent.

Pour la COMCO, tel n’est pas le cas. Premièrement, elle n’aurait pas dérogé à la recom­man­da­tion du PFPDT, mais, au contraire, elle a motivé la restric­tion au droit d’accès comme l’aurait exigé ladite recom­man­da­tion. Compte tenu du fait que la recou­rante n’a pas demandé une déci­sion dans un délai de 10 jours, la procé­dure serait donc close. Qui plus est, elle note que l’accès accordé par la recom­man­da­tion n’est pas formulé de manière abso­lue et sans restric­tion, car il est indi­qué qu’il doit être octroyé « confor­mé­ment à la LTrans » (« nach Massgabe des Öffentlichkeitsgesetzes »).

Aux yeux de la recou­rante en revanche, elle n’avait pas à deman­der une déci­sion à la COMCO, puisque la recom­man­da­tion du PFPDT faisait droit à sa demande d’accès sans restric­tion. Cela contrai­gnait la COMCO à lui remettre les docu­ments ou à rendre une déci­sion si elle enten­dait s’écarter de la recom­man­da­tion. Ce n’est que le 19 mai 2020 qu’elle a appris que l’autorité souhai­tait déro­ger à la recommandation.

Le cœur du litige concerne l’interprétation à donner au dispo­si­tif de la recom­man­da­tion du 4 mars 2020 du PFPDT et en parti­cu­lier le chiffre 23 qui est formulé ainsi :

« Die WEKO gewährt den voll­stän­di­gen Zugang zu den betrof­fe­nen Dokumenten nach Massgabe des Öffentlichkeitsgesetzes, da sie bisher die geltend gemach­ten Geschäftsgeheimnisse nicht mit der von der Rechtsprechung erfor­der­li­chen Begründung aufzeigte. Vorbehalten bleibt die bereits von der Antragstellerin akzep­tierte Anonymisierung der Personendaten ».

Le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral commence par déter­mi­ner la méthode d’interprétation d’une recom­man­da­tion du PFPDT. Le point de départ est son libellé et il se justi­fie de faire usage des prin­cipes inter­pré­ta­tifs concer­nant les déci­sions au sens de l’art. 5 PA. Une recom­man­da­tion n’est certes pas une déci­sion fixant souve­rai­ne­ment des droits et des obli­ga­tions, mais elle consti­tue une décla­ra­tion offi­cielle et unila­té­rale rela­tive aux droits et obli­ga­tions de personnes déter­mi­nées, si bien qu’une appli­ca­tion analo­gique est appro­priée. De ce fait, l’interprétation d’une recom­man­da­tion néces­site un examen de son libellé, mais aussi de l’ensemble de son contenu. En outre, le prin­cipe de la confiance exige qu’une recom­man­da­tion soit inter­pré­tée selon le sens que le desti­na­taire était en droit ou aurait dû de bonne foi y atta­cher en fonc­tion des circonstances.

Le chiffre 23 ne permet pas de déter­mi­ner clai­re­ment si le PFPDT a recom­mandé l’accès aux docu­ments requis de façon abso­lue ou s’il l’a condi­tionné à l’impossibilité pour la COMCO de justi­fier une restric­tion qui a trait au secret d’affaires.

Selon l’interprétation litté­rale, le droit d’accès accordé est « complet » (« voll­stän­ding ») dans la première partie de la première phrase, ce qui met exergue le fait qu’il est absolu et ne souffre pas d’exception. Sa deuxième partie démontre que, pour le PFPDT, la restric­tion au droit d’accès n’était pas suffi­sam­ment moti­vée, car elle est formu­lée comme une justi­fi­ca­tion à la première avec le mot « da » (« étant donné que »). Elle n’a de sens que si la première partie porte sur un accès complet. Quant à la deuxième phrase, elle plaide égale­ment pour cette inter­pré­ta­tion, car la restric­tion à l’accès complet qu’elle contient ne concerne pas le secret d’affaires, mais la protec­tion des données person­nelles de tiers que la recou­rante ne conteste pas.

Par rapport au contenu même de la recom­man­da­tion, le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral observe que le PFPDT se montre critique vis-à-vis d’une restric­tion repo­sant sur le secret d’affaires. En parti­cu­lier, il emploie le subjonc­tif (« ersicht­lich sein soll­ten », « hätten sie ») dans sa recom­man­da­tion pour indi­quer qu’une justi­fi­ca­tion à une telle restric­tion demeure possible, mais qu’elle n’a pas été appor­tée pour l’heure, ce qui plaide pour inter­pré­ta­tion en faveur de l’accès complet.

Quant à l’argument de la COMCO tiré de l’expression « confor­mé­ment à la LTrans », il est battu en brèche, car s’il fallait l’interpréter comme une restric­tion, alors cela vide­rait la recom­man­da­tion du PFPDT de tout contenu et ne consti­tue­rait qu’une décla­ra­tion à l’intention de l’autorité lui indi­quant qu’elle doit se confor­mer à la LTrans. Cette mention doit plutôt être comprise comme indi­quant de façon géné­rale que l’accès accordé repose sur la Loi sur la trans­pa­rence.

S’agissant du prin­cipe de la confiance dans le cas d’espèce, l’interprétation de la recou­rante est compré­hen­sible et il ne pouvait être attendu d’elle qu’elle inter­prète la recom­man­da­tion à la lumière de recom­man­da­tions anté­rieures comme le prétend la COMCO. De surcroît, rien n’indique que la recou­rante agit de manière abusive. Il y a en outre lieu de prendre en compte les étapes procé­du­rales qui suivent la recom­man­da­tion du PFPDT et telles que régle­men­tées par l’art. 15 LTrans. Celui-ci prévoit que le requé­rant a un délai de 10 jours pour deman­der une déci­sion à l’autorité (al. 1) et que cette dernière a 20 jours si elle entend déro­ger à la recom­man­da­tion (al. 2). Ainsi, un requé­rant doit deman­der une déci­sion à l’autorité lorsqu’il n’est pas d’accord avec la recom­man­da­tion, mais lorsque celle-ci fait droit à sa demande d’accès, il peut suppo­ser que l’autorité y donnera la suite qu’elle requiert ou rendra une déci­sion qu’il pourra ensuite contes­ter. Compte tenu de ces délais, il y a un risque que le requé­rant ne prenne connais­sance qu’après l’expiration du délai de 10 jours que l’autorité entend s’écarter de la recommandation.

En raison du dérou­le­ment de cette procé­dure, il se peut, comme dans le cas présent, que l’autorité mette fin à la procé­dure d’accès aux docu­ments offi­ciels sans noti­fier de déci­sion et sans que le requé­rant n’accepte la recom­man­da­tion ni qu’il ne puisse la contes­ter en justice. Un tel résul­tat n’est toute­fois pas conforme à l’objectif pour­suivi par la LTrans. Même si l’autorité est partie à la procé­dure de média­tion (art. 13 LTrans), elle est notam­ment liée par le prin­cipe de bonne foi en sa qualité d’autorité. Ainsi, elle porte la respon­sa­bi­lité du dérou­le­ment conforme à l’État de droit de la procé­dure d’accès aux docu­ments offi­ciels. Elle doit comprendre une recom­man­da­tion du PFPDT de bonne foi et donc de manière à ce que les droits (procé­du­raux) des requé­rants soient sauve­gar­dés dans la mesure du possible.

Dans le cas présent, le contenu de la recom­man­da­tion du PFPDT n’est pas très clair. En outre, il était clair pour la COMCO, ou il devait l’être en tout cas, que la requé­rante ne renon­ce­rait pas tout à coup à l’accès complet que lui a octroyé la recom­man­da­tion. C’est la raison pour laquelle il lui était recon­nais­sable que la requé­rant avait une lecture diffé­rente de la recommandation.

De ce fait, la COMCO aurait soit dû accor­der au requé­rant le droit d’être entendu par rapport à sa compré­hen­sion de la recom­man­da­tion soit lui noti­fier direc­te­ment une déci­sion. En défi­ni­tive, la recom­man­da­tion devait être comprise comme recom­man­dant à la COMCO d’octroyer un droit d’accès complet à la requé­rante et ne contient pas de restric­tion. Dès lors qu’une restric­tion au droit d’accès complet accordé en l’espèce déroge à la recom­man­da­tion, la COMCO était donc tenue de rendre une déci­sion au sens de l’art. 15 al. 2 LTrans si elle souhai­tait main­te­nir cette restric­tion. Or la COMCO n’en a noti­fié aucune. Partant, elle a commis un déni de justice et le recours doit être admis.

Le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral ne se substi­tue pas à l’autorité infé­rieure et renvoie la cause à l’instance infé­rieure pour nouvelle déci­sion avec des instruc­tions impé­ra­tives (art. 61 al. 1 PA). La COMCO devra accor­der à la requé­rante un accès complet aux docu­ments requis ou rendre une déci­sion limi­tant ce droit d’accès qui sera suscep­tible de recours.

Même s’il n’émane pas du Tribunal fédé­ral, cet arrêt doit être quali­fié de prin­cipe selon nous, car il déter­mine pour la première fois les prin­cipes inter­pré­ta­tifs d’une recom­man­da­tion du PFPDT. L’analogie avec la déci­sion admi­nis­tra­tive avec l’art. 5 PA est adéquate, car la recom­man­da­tion partage avec cette dernière les mêmes carac­té­ris­tiques, à l’exception de la nature contrai­gnante dont elle est dépourvue.

En l’occurrence, l’interprétation que la recou­rante fait de la recom­man­da­tion du PFPDT est correcte et le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral la confirme à raison. En revanche, celle de la COMCO, consi­dé­rant impli­ci­te­ment que le PFPDT a rendu une recom­man­da­tion condi­tion­nelle, est pour le moins surpre­nante. En effet, c’est dans le cadre de la procé­dure de média­tion (art. 13 LTrans) que l’autorité peut faire valoir ses argu­ments pour restreindre un droit d’accès. Une recom­man­da­tion accor­dant un droit d’accès à une personne requé­rante, mais sous réserve d’une justi­fi­ca­tion ulté­rieure à une restric­tion pour l’heure pas admise par le PFPDT, n’aurait aucun sens. Le légis­la­teur a d’ores et déjà régle­menté à l’art. 15 al. 2 LTrans l’hypothèse dans laquelle l’autorité ne partage pas l’avis du PFPDT rela­ti­ve­ment à la justi­fi­ca­tion de la restriction.

Cela étant et étant donné que le PFPDT termine ses recom­man­da­tions par un dispo­si­tif, il serait avisé de le rédi­ger de manière aussi concise que possible pour ne pas permettre de telles diver­gences d’interprétation. Le dispo­si­tif n’est pas le lieu de la discus­sion, mais de ses consé­quences, raison pour laquelle le PFPDT devrait éviter d’y répé­ter les motifs qui l’ont amené à sa conclusion.

Ainsi que le démontre cet arrêt, la clarté des recom­man­da­tions du PFPDT est un élément d’autant plus impor­tant que les auto­ri­tés peuvent parfois ruser et agir de mauvaise foi pour décou­ra­ger les personnes requé­rantes d’agir en faisant valoir leurs droits. La procé­dure ici commen­tée a néces­sité une avance de frais de CHF 2’000.- et la stra­té­gie en somme « dila­toire » de la COMCO aurait pu être payante si la recou­rante n’avait pas été déci­dée à faire recon­naître son bon droit.

De ce point de vue, le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral souligne de façon bien­ve­nue qu’une auto­rité partie à une procé­dure de média­tion et abou­tis­sant à une recom­man­da­tion du PFPDT n’en reste pas moins soumise au prin­cipe consti­tu­tion­nel de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) dans ses agis­se­ments vis-à-vis de tout admi­nis­tré. C’est préci­sé­ment à la lumière de ce prin­cipe que l’autorité judi­ciaire « sanc­tionne » l’attitude de la COMCO qui confine à la témé­rité. En annon­çant dans son cour­rier du 19 mai 2020 vouloir déro­ger à la recom­man­da­tion, l’autorité a en même temps jugé que la recou­rante, alors requé­rante, était forclose, faute pour elle d’avoir agi dans le délai légal de 10 jours de l’art. 15 al. 1 LTrans. À rete­nir pareille solu­tion, cela mettrait les personnes requé­rantes dans une situa­tion désa­van­ta­geuse même lorsque le PFPDT leur donne gain de cause, car elles devraient toujours deman­der à l’autorité qu’elle rende une déci­sion, par crainte de voir une voie de droit dispa­raître. Ce n’est pas satis­fai­sant et ce sont deux hypo­thèses qu’il y a lieu de distin­guer à l’art. 15 LTrans. Premièrement, lorsque la recom­man­da­tion du PFPDT est favo­rable à la personne requé­rante, alors elle peut de bonne foi attendre de l’autorité qu’elle agisse dans le sens de la recom­man­da­tion ou qu’elle rende, dans un délai de 20 jours à comp­ter de la date de récep­tion de la recom­man­da­tion, une déci­sion pour s’en écar­ter (al. 2 et 3). Si l’autorité ne se mani­feste pas dans ce délai, elle doit accor­der l’accès requis. Deuxièmement, lorsque la recom­man­da­tion du PFPDT s’oppose à l’accès de la personne requé­rante, alors celle-ci doit agir dans un délai de 10 jours pour deman­der une déci­sion à l’autorité qu’elle pourra ensuite contes­ter (al. 1).



Proposition de citation : Kastriot Lubishtani, Interprétation d’une recommandation du PFPDT et suite de la procédure, 29 janvier 2021 in www.swissprivacy.law/52


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