Effacement du profil d’un employé après son départ
Le site Internet d’une entreprise fait souvent figure de carte de visite. En fonction de son domaine d’activités, ce sont surtout ses collaborateurs qui en font sa force.
Dans l’affaire soumise à l’Autorité belge de protection des données, la plaignante a travaillé pour la défenderesse jusqu’en février 2022, date à laquelle elle a été licenciée. Le 1er septembre 2022, elle indique par courriel à son ancien employeur qu’elle ne souhaite plus apparaître comme un membre du personnel sur son site Internet. L’ancienne employée dépose une plainte à ce sujet auprès de l’Autorité.
Sous la rubrique « équipe » du site, sa photo personnelle ainsi que son nom, l’intitulé de la fonction qu’elle exerçait et une photo de groupe des membres y figurent toujours au moment de la plainte, soit le 28 septembre 2022. Toujours à la date du dépôt de la plainte, la plaignante indique qu’aucune suite favorable à sa demande n’a été donnée.
Principe de finalité et conséquence
Tout d’abord, l’Autorité belge rappelle que les coordonnées d’une personne physique telles que son nom, sa fonction et sa photographie constituent des données personnelles au sens de l’art. 4 par. 1 RGPD. De plus, la publication de ces données sur un site Internet est constitutive d’un traitement selon l’art. 4 par. 2 RGPD.
L’Autorité rappelle qu’en application de l’art. 5 par. 1 let. b RGPD :
« tout traitement doit poursuivre une finalité déterminée, explicite et légitime (principe de finalité) ».
Selon le principe d’accountability (art. 5 par. 2 et art. 24 RGPD), c’est au responsable du traitement qu’incombe la mise en œuvre des mesures techniques et organisationnelles appropriées pour s’assurer et démontrer que le traitement est effectué conformément au RGPD.
En l’espèce, la plaignante ne travaillait plus pour la défenderesse. Dès lors, la finalité du traitement de données visant à informer les internautes de l’identité et de la fonction des personnes travaillant au sein de l’entreprise s’est éteinte avec son départ. L’Autorité belge estime que l’extinction de la finalité a pour conséquence automatique un effacement de ces données du fait qu’elles ne sont plus nécessaires, comme le prévoit l’art. 5 par. 1 let b et e RGPD. Il n’est pas requis que la personne concernée en fasse la demande.
Délai pour l’effacement
En combinaison des principes de finalité et de limitation de la conservation des données, respectivement les art. 5 par. 1 let. b et 5 par. 1 let. e RGPD, le responsable de traitement n’est en droit de conserver les données que pour autant que cette conservation se justifie au regard de la finalité du traitement. Le responsable du traitement doit effacer les données ou, à tout le moins, les anonymiser, dès l’instant où elles ne sont plus nécessaires à la poursuite de la finalité, à défaut d’en avoir d’autres légitimes.
L’Autorité belge rappelle qu’aux termes de l’art. 17 par. 1 let. a RGPD, la personne concernée a le droit de vérifier que le responsable du traitement a bien respecté cette obligation ainsi que d’en obtenir l’effacement « dans les meilleurs délais ». De surcroît, l’art. 12 par. 3 RGPD exige du responsable du traitement qu’il fournisse des informations sur les mesures prises à la suite d’une demande formulée en application des art. 15 à 22 RGPD. Ces informations doivent être fournies « dans les meilleurs délais et en tout état de cause dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande ». Selon la complexité du cas et du nombre de demandes, ce délai peut être prolongé de deux mois.
L’Autorité belge fait ici une distinction entre le délai de réponse à la demande d’effacement et l’effacement per se des données personnelles. D’une part, le délai de réaction de l’art. 12 par. 3 RGPD est d’un mois durant lequel le responsable du traitement doit informer la personne concernée de la suite qu’il entend donner (ou non) à sa demande. D’autre part, l’effacement en tant que tel des données pourrait nécessiter un délai plus long en fonction des implications techniques et opérationnelles complexes liées à cette tâche.
En cas de départ d’un employé, le responsable du traitement doit tout mettre en œuvre pour supprimer le plus rapidement possible et de sa propre initiative l’identité, la fonction et les photographies de celui-ci de son site Internet ou de tout autre page Internet le présentant comme un employé. Pour l’Autorité belge, « quelques semaines, un mois tout au plus semble adéquat ». S’il n’intervient pas de son propre chef, le responsable du traitement saisi d’une demande doit agir dans les meilleurs délais.
L’Autorité explique que le délai dans lequel l’effacement doit intervenir peut varier en fonction du responsable du traitement concerné. Qu’il s’agisse d’une PME ou d’une entreprise de plus grande taille qui dispose de son propre gestionnaire de site Internet, les exigences ne seront pas les mêmes. De plus, la nature de la fonction et le contexte du départ de l’employé sont aussi à prendre en compte.
Le délai d’un mois visé à l’art. 12 par. 3 RGPD doit dans tous les cas être respecté. Pour cela, il suffit que le responsable du traitement explique avoir donné les instructions visant à l’effacement ou indique que l’opération aura lieu à une date rapprochée.
En l’espèce, l’Autorité belge constate que l’employeur, à la date de la décision, n’a ni réagi à la demande formulée près de 7 mois après le licenciement ni effacé les données de son site Internet. Elle juge ce retard excessif.
Par conséquent, elle adresse un ordre de se conformer à la demande d’effacement de la plaignante en application du droit belge. En outre, elle donne un avertissement au responsable du traitement concernant l’absence de procédure pour l’effacement de données et en exige sa mise en place.
Il ressort de cette décision que le départ d’un employé doit s’accompagner de l’effacement de son profil sur le site de l’entreprise si tel est le cas. Cette opération doit en principe être réalisée dans les meilleurs délais par une procédure d’effacement préalablement mise en place à cet effet. En fonction du cas et du nombre de demandes à traiter, l’effacement devrait se produire quelques semaines, voire un mois, après la fin des rapports de travail.
Proposition de citation : David Dias Matos, Effacement du profil d’un employé après son départ, 8 décembre 2022 in www.swissprivacy.law/188
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