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Sujets traités lors d’une séance d’un exécutif communal vaudois : publics ou confidentiels ?

Kastriot Lubishtani, le 3 janvier 2023
Les sujets trai­tés lors d’une séance d’un exécu­tif commu­nal vaudois sont des « infor­ma­tions » (art. 8 al. 1 LInfo) publiques. La solli­ci­ta­tion de celles-ci pour un mois déter­miné est suffi­sam­ment précise pour permettre l’identification des docu­ments concer­nés qui, au besoin, doivent être adap­tés. Il peut s’agir des ordres du jour des séances de l’exécutif qui, en prin­cipe, ne sont pas des docu­ments internes (art. 9 al. 2 LInfo) ou d’une liste ad hoc.

Arrêt CDAP GE.2022.0180 du 11 novembre 2022

Le 6 juin 2022, un admi­nis­tré adresse à la Municipalité de Leysin une demande de trans­pa­rence sur le fonde­ment de la Loi vaudoise sur l’information (LInfo ; BLV 170.21) en requé­rant d’être rensei­gné sur « l’ensemble des sujets /​ objets trai­tés lors des séances de Municipalité durant le mois de mai 2022 » ou que les docu­ments offi­ciels asso­ciés, à l’instar des ordres du jour des séances ou extraits des procès-verbaux, lui soient remis.

Par déci­sion du 16 juin suivant, la Municipalité refuse cette demande au double motif qu’elle porte sur des docu­ments internes au sens de l’art. 9 al. 2 LInfo et qu’elle est insuf­fi­sam­ment précise.

Réitérant sa demande le 8 août, l’administré précise qu’elle ne porte pas sur des docu­ments internes, mais sur les sujets trai­tés en séance par l’exécutif commu­nal, sous forme d’une liste. Se réfé­rant le 22 août à la déci­sion préci­tée, la Municipalité four­nit des tableaux des acti­vi­tés et déci­sions de l’exécutif de janvier à juin 2022 « sous une forme résu­mée », tout en reje­tant la demande pour le surplus. Dès lors que « les déci­sions » ne font que partiel­le­ment droit à sa requête, l’administré les défère le 25 août à la Cour de droit admi­nis­tra­tif et public (CDAP) du Tribunal canto­nal vaudois par la voie du recours.

Dans un premier temps, la CDAP écarte le grief d’irrecevabilité du recours soulevé par l’autorité inti­mée en raison de son carac­tère tardif, en rete­nant que le cour­rier du 22 août est une recon­si­dé­ra­tion de sa missive du 16 juin et, ainsi, d’une nouvelle déci­sion contes­tée en temps utile. Elle analyse ensuite la première des trois excep­tions soule­vées cette-fois-ci par l’autorité inti­mée pour justi­fier sa déci­sion de refus d’accès, à savoir que la demande ne porte­rait pas sur un docu­ment précis. Pour se pronon­cer, la Cour revient sur les fonde­ments du prin­cipe de la trans­pa­rence dans le canton de Vaud.

L’art. 41 Constitution du canton de Vaud (Cst.-VD ; BLV 101.01) prévoit que « l’État et les communes informent la popu­la­tion de leurs acti­vi­tés selon le prin­cipe de la trans­pa­rence » et la LInfo régle­mente ce devoir d’information préva­lant tant pour les auto­ri­tés canto­nales que commu­nales (art. 2 LInfo). L’art. 8 al. 1 LInfo dispose que « les rensei­gne­ments, infor­ma­tions et docu­ments offi­ciels […] sont acces­sibles au public », sous réserve des excep­tions des art. 15 ss LInfo. La notion de « docu­ment offi­ciel » est défi­nie à l’art. 9 LInfo et la juris­pru­dence précise qu’il s’agit de tout docu­ment ayant « un rapport avec une action admi­nis­tra­tive des auto­ri­tés ». En se réfé­rant aux travaux prépa­ra­toires, une requête peut porter sur des rensei­gne­ments ou infor­ma­tions ne figu­rant pas dans un docu­ment offi­ciel. Enfin, une demande d’information n’est soumise à aucune exigence de forme selon l’art. 10 al. 1 LInfo et doit unique­ment conte­nir les indi­ca­tions suffi­santes pour permettre l’identification du docu­ment offi­ciel recherché.

En l’espèce, la demande porte sur une période précise – mai 2022 – et concerne, en consé­quence, un nombre limité de docu­ments et restreint de rensei­gne­ments, d’autant plus que la Municipalité de Leysin se réunit une fois par semaine. Il y a tout lieu de penser que les ordres du jour ou extraits des procès-verbaux couvrant les sujets trai­tés au cours des séances de l’exécutif existent dès lors qu’il s’agit d’éléments stan­dards du fonc­tion­ne­ment insti­tu­tion­nel d’une Municipalité et que leur exis­tence n’a pas été remise en cause par l’autorité inti­mée. Les docu­ments ne sont donc pas compli­qués à iden­ti­fier et il est diffi­cile de déter­mi­ner en quoi les infor­ma­tions solli­ci­tées ne pour­raient l’être.

Deuxièmement, la Municipalité allègue que la demande ne peut être satis­faite en raison de la charge de travail qu’elle serait suscep­tible d’occasionner. Selon l’art. 16 al. 2 let. c LInfo, le travail « mani­fes­te­ment dispro­por­tionné » occa­sionné par une demande est un inté­rêt public prépon­dé­rant permet­tant de refu­ser l’accès. L’art. 24 Règlement d’application de la LInfo (RLInfo ; BLV 170.21.1), appli­cable par analo­gie aux auto­ri­tés commu­nales (art. 2 al. 2 RLinfo), défi­nit le carac­tère « mani­fes­te­ment dispro­por­tionné » par le fait que l’autorité « n’est pas en mesure, avec le person­nel et l’infrastructure dont elle dispose ordi­nai­re­ment, de satis­faire à la demande de consul­ta­tion sans pertur­ber consi­dé­ra­ble­ment l’accomplissement de ses tâches ». Procéduralement enfin, l’autorité supporte le fardeau de la preuve en faveur du droit d’accès aux docu­ments officiels.

En l’occurrence, l’autorité inti­mée consi­dère à tort que le recou­rant exige­rait l’ensemble des docu­ments offi­ciels trai­tés par elle en mai 2022. Au contraire, la demande porte sur un nombre limité d’informations. Rien n’indique que celles-ci figurent dans des docu­ments ne pouvant être retrou­vés, cas échéant adap­tés, triés, puis mis à dispo­si­tion dans un laps de temps raison­nable n’impliquant pas de détour­ner pour une période rela­ti­ve­ment longue les colla­bo­ra­teurs de l’administration commu­nale de leurs tâches usuelles. L’exception tirée de l’art. 16 al. 2 let. c LInfo ne peut donc être retenue.

Enfin, la Municipalité consi­dère que la demande devrait être refu­sée dès lors que la liste des sujets trai­tés en séance de muni­ci­pa­lité serait un docu­ment interne. Cette notion est défi­nie par l’art. 9 al. 2 LInfo, aux termes duquel il s’agit de « notes et cour­rier échan­gés entre les membres d’une auto­rité collé­giale, entre ces derniers et leurs colla­bo­ra­teurs ou entre leurs colla­bo­ra­teurs person­nels, ainsi que les docu­ments devant permettre la forma­tion de l’opinion et de la déci­sion d’une auto­rité collé­giale ». En font partie selon la juris­pru­dence les docu­ments dévoi­lant le proces­sus de forma­tion de la volonté de l’autorité ou compor­tant une appré­cia­tion poli­tique néces­si­tant une prise de décision.

En l’espèce, la CDAP distingue selon qu’il est ques­tion de l’ordre du jour d’une séance ou d’extraits d’un procès-verbal.

S’agissant d’un ordre du jour d’une séance de muni­ci­pa­lité, il s’agit d’un docu­ment compor­tant une liste de sujets soumis à la discus­sion et au vote qui, en prin­cipe, ne comprend aucun élément d’appréciation poli­tique, sans que son contenu ne permette d’inférer le proces­sus de forma­tion de la volonté de l’autorité. S’il n’est pas exclu qu’un tel docu­ment soit sous­trait au prin­cipe de la trans­pa­rence selon son libellé exact, il appar­te­nait à l’autorité inti­mée de le démon­trer, dès lors que repose sur elle le fardeau de la preuve. S’étant conten­tée d’une appré­cia­tion géné­rale selon laquelle un ordre du jour est par défi­ni­tion un docu­ment interne, elle ne peut être suivie.

En revanche, les extraits de procès-verbaux des séances d’une muni­ci­pa­lité sont exclus du champ d’application de la LInfo en raison de l’art. 64 al. 2 Loi vaudoise sur les communes (LC ; BLV 175.11) inter­di­sant leur commu­ni­ca­tion à des tiers et qui, à ce titre, est une lex specia­lis au sens de l’art. 15 LInfo. La ques­tion de savoir si l’accès à une version caviar­dée à de tels docu­ments, se limi­tant à la seule mention des sujets discu­tés, peut rester ouverte, dès lors que la produc­tion des ordres du jour des séances de la muni­ci­pa­lité ou d’une liste exhaus­tive ad hoc des sujets trai­tés en mai 2022 suffit dans le cas présent.

Au vu de ce qui précède, le recours est admis.

Cet arrêt soulève les quatre remarques suivantes.

Tout d’abord, le présent arrêt a des impli­ca­tions pour tous les exécu­tifs vaudois, commu­naux comme le Conseil d’État : les sujets qu’ils traitent lors de leurs séances sont des « infor­ma­tions » au sens de l’art. 8 al. 1 LInfo qui sont publiques et doivent être commu­ni­qués aux admi­nis­trés. Il illustre en outre l’étendue du prin­cipe de la trans­pa­rence dans le Canton. En effet, si commu­ni­quer un ordre du jour exis­tant peut suffire, il n’est pas exclu qu’il s’agisse d’un docu­ment interne selon les circons­tances. Or puisque la LInfo ne porte pas seule­ment sur les docu­ments offi­ciels, mais aussi les « rensei­gne­ments » ou « infor­ma­tions », cela ne dispense pas l’autorité en cause d’identifier les docu­ments perti­nents pour, cas échéant, établir une liste ad hoc compor­tant les infor­ma­tions sollicitées.

Ensuite, force est d’admettre que la situa­tion serait appré­ciée diffé­rem­ment au niveau fédé­ral. En effet, le Conseil fédé­ral est sous­trait au champ d’application de la LTrans (swiss​pri​vacy​.law/​1​41/), si bien que les sujets trai­tés par lui lors de ses tradi­tion­nelles séances hebdo­ma­daires du mercredi ne peuvent être obte­nus au travers d’une demande de transparence.

Troisièmement, l’affirmation de la CDAP selon laquelle l’art. 64 LC inter­dit la commu­ni­ca­tion à des tiers des séances d’une muni­ci­pa­lité semble quelque peu péremp­toire. Une contri­bu­tion à paraître prochai­ne­ment revien­dra sur la distinc­tion à opérer dans ce contexte selon qu’il s’agit ou non d’un procès-verbal décisionnel.

Signalons enfin que cet arrêt précède une déci­sion de la Chambre admi­nis­tra­tive de la Cour de justice gene­voise du 15 novembre 2022 portant cette fois-ci sur les procès-verbaux de séances d’une commis­sion du Conseil muni­ci­pal de la Commune de Chêne-Bougeries. Si la commune s’est d’abord oppo­sée à leur divul­ga­tion, un accord de média­tion entre l’autorité et le requé­rant a permis l’accès à ces docu­ments. Le litige a toute­fois éclaté du fait du caviar­dage des docu­ments par la commune qui s’était pour­tant enga­gée à ne pas les caviar­der. La Chambre admi­nis­tra­tive est parve­nue à la conclu­sion que l’accord de média­tion est un contrat de droit admi­nis­tra­tif mettant fin à la procé­dure enga­gée par la demande de trans­pa­rence, de sorte qu’il est immé­dia­te­ment exécu­toire. Conformément au prin­cipe géné­ral pacta sunt servanda, un tel accord doit être respecté par l’autorité qui, en caviar­dant les docu­ments, adopte un compor­te­ment contra­dic­toire et contre­ve­nant aux règles de la bonne foi.



Proposition de citation : Kastriot Lubishtani, Sujets traités lors d’une séance d’un exécutif communal vaudois : publics ou confidentiels ?, 3 janvier 2023 in www.swissprivacy.law/194


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