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Déréférencement d’un contenu inexact et charge de la preuve

Alexandre Barbey, le 14 février 2023
La personne qui fait une demande de déré­fé­ren­ce­ment doit établir l’inexactitude mani­feste des infor­ma­tions. S’il y parvient, le moteur de recherche doit suppri­mer le contenu de la recherche. La mise en balance à effec­tuer lors de la récep­tion d’une telle demande diffère toute­fois lorsqu’il est ques­tion de suppri­mer un résul­tat d’une recherche d’image.

Arrêt CJUE C_​460/​20 du 8 décembre 2022

Google reçoit de deux personnes une demande visant à ce que les résul­tats d’une recherche de leurs noms et prénoms ne réfé­rencent plus des articles jour­na­lis­tiques publiés en ligne qui contiennent selon elles des infor­ma­tions erro­nées et diffa­ma­toires. Elles demandent aussi que les vignettes (thumb­nails) des photo­gra­phies les repré­sen­tant illus­trant les articles liti­gieux soient suppri­mées de la recherche par images, car ces vignettes renvoient en un clic vers ces articles.

Google refuse de donner suite à la demande de déré­fé­ren­ce­ment et les instances natio­nales infé­rieures déboutent les deman­deurs. Saisie, la dernière instance natio­nale sursoit à statuer afin de poser deux ques­tions préju­di­cielles à la CJUE sur l’interprétation du RGPD et de la Directive 95/​46/​CE. Il est d’abord demandé à la CJUE de déter­mi­ner sur qui, du deman­deur du déré­fé­ren­ce­ment ou de l’exploitant du moteur de recherche (Google en l’espèce), pèse le fardeau de la preuve de l’inexactitude des infor­ma­tions conte­nues dans les articles réfé­ren­cés par le moteur de recherche et respec­ti­ve­ment, qui doit prou­ver un certain degré d’évidence de l’inexactitude. Ensuite, il est demandé à propos de la recherche par images renvoyant vers les photo­gra­phies des deman­deurs s’il faut prendre en compte le contexte de la publi­ca­tion sur la page web d’où elles sont extraites dans la mise en balance de la demande de déréférencement.

S’agissant de la première ques­tion, la CJUE indique tout d’abord que deux trai­te­ments de données sont effec­tués, l’un par Google et l’autre par l’éditeur du site web. L’activité du moteur de recherche consiste à réfé­ren­cer la page publiée sur Internet, ce qui, dans le cas d’une recherche par le nom d’une personne, comporte un plus grand risque pour sa vie privée et pour la protec­tion de ses données.

L’art. 17 RGPD consacre le droit à l’oubli, permet­tant à la personne concer­née de deman­der au respon­sable du trai­te­ment d’effacer des données person­nelles si l’un des motifs listés est rempli.  Son para­graphe 3 prévoit toute­fois que ce droit ne s’applique pas lorsque le trai­te­ment est néces­saire à l’exercice du droit à la liberté d’information. Le droit à la protec­tion des données n’est ainsi pas absolu. Une mise en balance avec d’autres droits fonda­men­taux doit être opérée.

Fondant son analyse sur la juris­pru­dence de la CourEDH rela­tive à l’art. 8 par. 1 CEDH (corres­pon­dant à l’art. 7 de la Charte des droits fonda­men­taux de l’Union euro­péenne), la CJUE indique que les critères suivants sont perti­nents pour effec­tuer la mise en balance entre droit au respect de la vie privée et droit à la liberté d’information : la contri­bu­tion à un débat d’intérêt géné­ral, la noto­riété de la personne visée, l’objet du repor­tage, le compor­te­ment anté­rieur de la personne concer­née, le contenu, la forme et les réper­cus­sions de la publi­ca­tion, le mode et les circons­tances dans lesquelles les infor­ma­tions ont été obte­nues ainsi que leur véracité.

La pesée des inté­rêts diffère selon les circons­tances d’espèces. En parti­cu­lier, plus une personne a un rôle dans la vie publique et plus cette dernière devra tolé­rer l’intérêt du public à obte­nir des infor­ma­tions sur elle.

De plus, le carac­tère exact ou inexact de l’information pèse dans la balance. Si l’information réfé­ren­cée est inexacte, le droit à la protec­tion de la vie privée prend le dessus sur la liberté d’information, et ce même s’il s’agit d’une person­na­lité publique, à condi­tion toute­fois que l’information fausse n’ait pas un carac­tère mineur.

Concernant la charge de la preuve de l’exactitude ou du carac­tère erroné des infor­ma­tions figu­rant dans le contenu réfé­rencé, la CJUE dit qu’il appar­tient au deman­deur du déré­fé­ren­ce­ment d’établir leur inexac­ti­tude mani­feste. Il doit le faire à tout le moins pour une partie de ces infor­ma­tions, ces dernières ne devant pas avoir de carac­tère mineur. Cependant, le deman­deur doit unique­ment amener des éléments de preuve qui peuvent être raison­na­ble­ment exigés de lui. Il est ainsi dérai­son­nable qu’on exige qu’il produise une déci­sion juri­dic­tion­nelle rendue contre l’éditeur du site web. L’exploitant du moteur de recherche, quant à lui, n’a pas à enquê­ter sur les faits et orga­ni­ser un échange contra­dic­toire avec le four­nis­seur de contenu. Lui impo­ser une telle obli­ga­tion nuirait à l’exercice de la liberté d’expression et d’information, car il risque­rait de donner suite à toute demande de déré­fé­ren­ce­ment pour éviter d’établir les faits.

Deux situa­tions sont alors possibles. Lorsque la demande de déré­fé­ren­ce­ment présente des éléments de preuve perti­nents et suffi­sants, aptes à étayer la demande et en établis­sant le carac­tère mani­fes­te­ment inexact des infor­ma­tions, l’exploitant du moteur de recherche doit procé­der à ce déré­fé­ren­ce­ment. Lorsque la demande ne démontre pas d’inexactitude mani­feste, il n’a pas d’obligation. Dans les deux cas, un recours contre la déci­sion de l’exploitant du moteur de recherche devant une auto­rité judi­ciaire doit être ouvert. S’il est intenté, l’exploitant doit infor­mer de l’existence de la procé­dure dans les résul­tats de la recherche.

Nous rele­vons que Google appose aujourd’hui la mention « Certains résul­tats peuvent avoir été suppri­més confor­mé­ment à la loi euro­péenne sur la protec­tion des données » en bas de chaque page de résul­tats lors d’une recherche de pages web ou d’images à partir du nom d’une personne (lorsque celle-ci a exercé son droit au déré­fé­ren­ce­ment). Pour se confor­mer à la présente déci­sion de la CJUE, les moteurs de recherche pour­raient utili­ser un procédé simi­laire lorsqu’un recours contre leur déci­sion est intenté visant à suppri­mer le réfé­ren­ce­ment. Cette mention devrait toute­fois être liée direc­te­ment et unique­ment aux résul­tats faisant l’objet d’une procé­dure de recours ; une mention géné­rale en bas de page ne serait pas suffisante.

S’agissant de la seconde ques­tion, la CJUE indique que les prin­cipes appli­cables à la recherche de pages web valent égale­ment pour la recherche d’images. Ainsi, la juris­pru­dence sur les demandes de déré­fé­ren­ce­ment est appli­cable par analogie.

La CJUE rappelle que l’image d’un indi­vidu est l’un de ses prin­ci­paux attri­buts de la person­na­lité. Celui-ci doit pouvoir s’opposer à la diffu­sion de son image. Dans la mise en balance avec la liberté d’expression et d’information, l’intérêt de la personne figu­rant sur la photo­gra­phie a un poids impor­tant face à l’intérêt de tiers à la publi­ca­tion de cette image, car des infor­ma­tions parti­cu­liè­re­ment person­nelles, voire intimes, de la personne ou de sa famille peuvent apparaître.

Lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche reçoit une demande de déré­fé­ren­ce­ment, il doit véri­fier si l’affichage des photo­gra­phies résul­tant d’une recherche par image est néces­saire à la liberté d’information des inter­nautes. Un critère impor­tant est celui de la « contri­bu­tion à un débat d’intérêt géné­ral » qui donne du poids à la liberté d’expression et d’information.

La réponse de la CJUE est que le résul­tat de la mise en balance doit être diffé­rent selon que la photo­gra­phie est affi­chée dans l’article d’un site web ou sous forme de vignette dans la liste des résul­tats donnés par le moteur de recherche, en dehors du contexte initial de l’article. De même, le résul­tat doit diffé­rer selon que l’on analyse le trai­te­ment effec­tué par le moteur de recherche ou par l’éditeur du site web. En effet, chaque trai­te­ment a des consé­quences propres sur la vie privée des personnes concernées.

En cas de rejet de la demande de déré­fé­ren­ce­ment de la page web, la demande de suppres­sion d’une vignette peut néan­moins abou­tir, car dans ce cas, l’issue des demandes est indé­pen­dante. Cependant, lorsque la demande de déré­fé­ren­ce­ment de la page web est admise, la vignette doit égale­ment être reti­rée des résul­tats de la recherche par image. Si tel n’était pas le cas, le déré­fé­ren­ce­ment serait sans effet, car la vignette contient le lien de la page web.

 



Proposition de citation : Alexandre Barbey, Déréférencement d’un contenu inexact et charge de la preuve, 14 février 2023 in www.swissprivacy.law/200


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