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L’accès aux données d’examen

Grégoire Geissbühler, le 4 octobre 2023
L’heure de la rentrée acadé­mique sonne comme le début d’une nouvelle aven­ture, mais elle équi­vaut égale­ment à l’heure des examens. Au sein de ce périple acadé­mique, trois ques­tions cruciales émergent, dévoi­lant les enjeux juri­diques entou­rant l’accès aux données des examens.

Introduction

Pour les étudiants, les joies de l’été sont enca­drées par deux périodes de tension : les sessions d’examen de juin et de septembre. La soif de savoir de certains étudiants ne s’arrête pas au contenu des cours, mais égale­ment à la méca­nique des examens, et aux critères qui les ont conduits à réus­sir ou à échouer. Certaines infor­ma­tions sont libre­ment acces­sibles, d’autres faci­le­ment commu­ni­quées, mais pour aller au fond des choses, il est parfois néces­saire de recou­rir à des moyens juri­diques. Le droit d’accès aux données d’examen fait l’objet de la présente contri­bu­tion. Nous nous foca­li­se­rons sur les insti­tu­tions d’enseignement de droit public, les établis­se­ments privés ne rele­vant pas des mêmes règles, en parti­cu­lier en matière de transparence.

À titre limi­naire, nous devons expo­ser la diffé­rence entre les garan­ties procé­du­rales (en parti­cu­lier le droit d’être entendu) et le droit d’accès. Lorsqu’un étudiant se trouve dans un conten­tieux avec une insti­tu­tion d’enseignement, les règles de la procé­dure admi­nis­tra­tive s’appliquent. L’étudiant peut ainsi obte­nir une déci­sion moti­vée, accé­der au dossier et aux pièces, et se déter­mi­ner à leur propos.

Le droit d’accès se recoupe en partie avec ces droits de procé­dure (en parti­cu­lier devant les tribu­naux admi­nis­tra­tifs de première instance sur le plan fédé­ral, cf. art. 2 al. 3 LPD), mais ne se confond pas. En parti­cu­lier, le droit d’accès ne suppose pas un conten­tieux exis­tant, mais ne permet pas non plus d’obtenir des infor­ma­tions autres que celles qui existent déjà ou qui se rapportent au trai­te­ment – au contraire, par exemple, d’explications détaillées établies par un exami­na­teur au titre du droit à une déci­sion moti­vée. Comme nous le verrons ci-après, un lien avec l’institution d’enseignement n’est même pas néces­saire pour l’accès aux infor­ma­tions sur la base du prin­cipe de transparence.

Nous avons pu expo­ser dans d’autres contextes les règles de procé­dure s’appliquant aux recours univer­si­taires (cf. Les recours univer­si­taires) et nous nous foca­li­se­rons ici sur le droit d’accès.

Ce droit d’accès doit lui être divisé en deux caté­go­ries : celui rele­vant de la protec­tion des données et celui rele­vant de la trans­pa­rence. Pour la déter­mi­na­tion du texte appli­cable, il faut encore déter­mi­ner si l’on a affaire à une auto­rité fédé­rale (écoles poly­tech­niques fédé­rales, commis­sions fédé­rales d’examens – par exemple en méde­cine – diplômes rele­vant de la compé­tence du SEFRI, etc.) ou canto­nale (écoles publiques, univer­si­tés canto­nales, certaines hautes écoles, commis­sions canto­nales d’examens, par exemple pour l’accès au barreau ou au nota­riat, etc.).

Ainsi, une auto­rité fédé­rale est tenue par la Loi fédé­rale du 25 septembre 2020 sur la protec­tion des données (LPD) et par la Loi fédé­rale du 17 décembre 2004 sur le prin­cipe de la trans­pa­rence dans l’administration (LTrans), tandis qu’une auto­rité canto­nale applique le droit de son canton. Par exemple, on retrouve la dualité protec­tion des données/​transparence dans le canton de Vaud, avec la Loi du 11 septembre 2007 sur la protec­tion des données person­nelles (LPrD/​VD) et la Loi du 24 septembre 2002 sur l’in­for­ma­tion (LInfo/​VD), tandis que dans le canton de Genève, les deux aspects sont regrou­pés dans une unique loi, la Loi du 5 octobre 2001 sur l’information du public, l’accès aux docu­ments et la protec­tion des données person­nelles (LIPAD/​GE).

Ces diffé­rentes lois forment le cane­vas d’analyse qui nous servira pour les trois ques­tions que nous avons choisi de traiter :

  1. Puis-je accé­der à ma propre copie ?
  2. Puis-je accé­der aux docu­ments d’examen et grilles d’évaluation (vides) ?
  3. Puis-je accé­der à la copie d’un autre étudiant ?

L’accès à sa propre copie

L’étudiant sera au premier chef inté­ressé par consul­ter sa copie d’examen (respec­ti­ve­ment le procès-verbal, par exemple pour un oral) et de consul­ter les éven­tuelles anno­ta­tions qui y auront été portées par les exami­na­teurs. Chaque ensei­gnant à sa propre méthode : correc­tion direc­te­ment sur la copie, feuille de correc­tion indi­vi­duelle à part, tableau regrou­pant toutes les copies avec, par exemple, une ligne par ques­tion ou élément de réponse, et une colonne par étudiant.

La LPD adopte une approche large dans la défi­ni­tion des données person­nelles : « toutes les infor­ma­tions concer­nant une personne physique iden­ti­fiée ou iden­ti­fiable » (art. 5 let. a LPD). Les lois canto­nales ont une approche simi­laire (cf. art. 4 al. 1 ch. 1 LPrD/​VD ; art. 4 let. a LIPAD/​GE).

Une copie d’examen corri­gée et les docu­ments qui s’y rattachent, par exemple, une grille de correc­tion complé­tée ou un procès-verbal, satis­font à cette défi­ni­tion, peu importe la méthode ou le support. En effet, on se trouve en présence d’une infor­ma­tion ou d’un ensemble d’informations (le fait que l’étudiant était présent et inscrit à cet examen, les réponses appor­tées qui illus­trent sa connais­sance de la matière, l’évaluation qui en a été faite, les anno­ta­tions de l’examinateur, etc.), qui se rapporte à une personne physique, l’étudiant.

Le fait qu’une copie a été anony­mi­sée avant correc­tion ne supprime pas la quali­fi­ca­tion de donnée person­nelle. L’autorité doit néces­sai­re­ment avoir un moyen de ratta­cher une copie d’examen à un étudiant en parti­cu­lier (par un numéro attri­bué à l’étudiant par exemple), faute de quoi l’évaluation et la déli­vrance du diplôme n’auraient guère de sens. Au sens de la protec­tion des données, on comprend qu’il s’agit d’une pseu­do­ny­mi­sa­tion et non d’une anonymisation.

Le trai­te­ment nous appa­raît géné­ra­le­ment licite : l’étudiant consent à ce que ses données soient trai­tées, en parti­cu­lier en vue de la pour­suite de ses études et de la déli­vrance du diplôme convoité. S’il devait révo­quer son consen­te­ment, il n’en demeure pas moins que la loi four­nit aux insti­tu­tions d’enseignement une base légale pour le trai­te­ment de ces données, parfois impli­ci­te­ment – car le trai­te­ment est insé­pa­rable de la fonc­tion de l’institution – et parfois expli­ci­te­ment, par exemple à l’art. 36b de la Loi fédé­rale du 4 octobre 1991 sur les écoles poly­tech­niques fédé­rales (Loi sur les EPF).

Il s’ensuit que l’étudiant a le droit d’accéder à sa copie, comme il a le droit d’accéder à toute donnée le concer­nant (art. 25 al. 2 let. b LPD ; art. 25 al. 1 LPrD/​VD ; art. 44 al. 2 LIPAD/​GE). Cet accès sera en prin­cipe octroyé dans les 30 jours (art. 25 al. 7 LPD ; art. 26a LPrD/​VD).

L’étudiant n’aurait en revanche pas accès à plus que ses données person­nelles et celles rela­tives à leur trai­te­ment. Si les garan­ties de procé­dure permettent d’obtenir une déci­sion d’évaluation moti­vée (avec un seuil mini­mum d’annotations, une expli­ca­tion détaillée par écrit ou une séance de correc­tion indi­vi­duelle ou collec­tive), le droit d’accès ne contraint pas l’institution à s’expliquer ou à créer des docu­ments justi­fi­ca­tifs. Seul l’existant est remis, que cela satis­fasse ou non l’étudiant.

Les restric­tions au droit d’accès peuvent être ratta­chées à trois motifs prin­ci­paux : la loi, l’intérêt prépon­dé­rant contraire (de droit public ou privé) et les efforts dispro­por­tion­nés (art. 26 LPD ; art. 27 LPrD/​VD ; art. 46 LIPAD/​GE).

Concernant tout d’abord la loi, la LPD prévoit direc­te­ment une restric­tion pour les données rele­vant d’une autre procé­dure, comme l’accès au dossier d’un procès civil ou d’une instruc­tion pénale (art. 2 al. 3 LPD) ou lorsque « la demande d’accès est mani­fes­te­ment infon­dée notam­ment parce qu’elle pour­suit un but contraire à la protec­tion des données ou est mani­fes­te­ment procé­du­rière. » (art. 26 al. 1 let. c LPD).

Nous n’avons pas connais­sance de restric­tions géné­rales s’appliquant, par exemple, à toute une univer­sité ou école. L’art. 36b Loi sur les EPF précité ne prévoit typi­que­ment pas une telle restric­tion d’accès. On trouve toute­fois certaines restric­tions dans des lois spéciales. Ainsi, l’art. 56 de la Loi fédé­rale du 23 juin 2006 sur les profes­sions médi­cales univer­si­taires (LPMéd) prévoit ainsi que : « Afin de garan­tir la confi­den­tia­lité des épreuves d’examen dans les profes­sions médi­cales, la remise des dossiers d’examen peut être refu­sée, la produc­tion de copies ou de doubles inter­dite et la durée de la consul­ta­tion des dossiers restreinte. ».

Nous compre­nons que cette dispo­si­tion vise à éviter que les ques­tions d’examen soient copiées, reprises ou diffu­sées. Le risque étant alors que les étudiants se foca­lisent sur celles-ci, au détri­ment d’une approche plus holis­tique de la matière (ou de la profes­sion visée, s’agissant d’examens profes­sion­nels). Elle ne nous convainc toute­fois pas complè­te­ment, ce qui nous conduit au deuxième critère : celui de l’intérêt prépondérant.

Sans comp­ter le risque de viola­tions des garan­ties fonda­men­tales de procé­dure, une restric­tion d’accès ne nous semble pas soute­nable sur le plan péda­go­gique. En effet, un examen se doit de reflé­ter la matière trai­tée et les objec­tifs d’apprentissage de l’enseignant.

Si l’enseignant « pioche » chaque année dans une base de données de ques­tions, ces ques­tions doivent couvrir l’entier du champ qu’il souhaite tester. Si les ques­tions ne reflètent que partiel­le­ment la matière, elles doivent soit être éten­dues, soit le mode d’évaluation doit chan­ger : les objec­tifs d’un QCM, d’un cas pratique et d’une disser­ta­tion sont très différents.

Nous propo­sons une expé­rience de pensée pour l’illustrer : suppo­sons un cours et un examen portant unique­ment sur l’art. 1er de la Constitution fédé­rale. Il existe une infi­nité d’objectifs péda­go­giques possibles : vision histo­rique et évolu­tion de la Constitution, poli­tique interne de la Suisse, simple liste des cantons qui consti­tuent notre pays, etc.

Si l’enseignant établit vingt ques­tions vrai/​faux sur le modèle « cette entité appar­tient-elle à la Suisse ? » et liste dix cantons et dix régions limi­trophes (« leurres »), il ne peut alors tester que le fait de se rappe­ler de ces éléments (premier niveau de la taxo­no­mie péda­go­gique de Bloom), mais ne peut espé­rer que ses étudiants prennent la peine d’étudier l’histoire des premières alliances, des bailliages communs ou de l’indépendance juras­sienne, ni la répar­ti­tion des sièges à l’Assemblée fédé­rale ou le système de la double majo­rité. Il y a plus : si par tropisme latin les ques­tions de la base de données ne portent jamais sur les cantons suisses alle­mands, il n’est pas néces­saire pour l’étudiant de les apprendre, car leur connais­sance sera sans impact sur la réus­site ou l’échec de l’examen.

On nous oppo­sera sans doute que c’est une vision étri­quée de l’enseignement, que le contrat péda­go­gique n’est pas basse­ment tran­sac­tion­nel et que le diplôme ne signi­fie pas unique­ment que l’on a coché les bonnes cases au bon moment. Nous sous­cri­vons à ces inten­tions sur le prin­cipe, mais sommes conscient que les études sont rare­ment une fin en soi et que l’étudiant cherche parfois autant l’efficacité que l’épanouissement.

Ainsi, il nous semble que restreindre l’accès d’un étudiant à ses données d’examen en l’absence d’une base légale expresse n’est admis­sible que dans des cas très parti­cu­liers. Nous y revien­drons dans notre deuxième partie, les lois rela­tives à la trans­pa­rence four­nis­sant des pistes inté­res­santes d’analyse à ce sujet.

Enfin, reste le cas des efforts dispro­por­tion­nés. À nouveau, ce cas de figure nous semble d’application rare : les données d’examen sont géné­ra­le­ment bien iden­ti­fiées, car ratta­chées au parcours de forma­tion de l’étudiant. Leur format est géné­ra­le­ment assez compact (quelques pages d’examen, un procès-verbal). Les retrou­ver et les trans­mettre ne néces­site donc, en prin­cipe, pas d’effort particulier.

Si les données ont été effa­cées après un certain temps et n’ont pas été archi­vées selon les lois appli­cables, l’institution ne conser­vant, par exemple, que les notes elles-mêmes, mais non les copies d’examen, l’accès aux données devient impos­sible, et elles ne sont en tout état plus trai­tées en tant que telles (sous réserve de l’indication qu’elles ont bien été effa­cées ou détruites).

L’accès à la donnée et à la grille de correction

L’énoncé de l’examen et la grille de correc­tion qui s’y rattache, cas échéant, est le deuxième cas de figure que nous voulons examiner.

Le droit d’accès sur la base de la trans­pa­rence est à certains égards plus large que celui de la protec­tion des données. Avec la protec­tion des données, l’étudiant ne peut accé­der qu’à sa propre copie, pour une matière et une session d’examens données. En revanche, au titre de la trans­pa­rence, l’étudiant peut, en prin­cipe, deman­der tous les examens, dans toutes les branches. À vrai dire, la qualité d’étudiant est sans perti­nence ici : « toute personne » est en droit d’accéder aux docu­ments, qu’elle se trouve ou non dans un rapport parti­cu­lier avec l’administration. Ainsi, un jour­na­liste, un cher­cheur ou même un simple citoyen inté­ressé pour­rait obte­nir ces informations.

Les deux approches sont complé­men­taires, car l’étudiant ne pour­rait pas deman­der des infor­ma­tions le concer­nant direc­te­ment au titre de la trans­pa­rence, car ce domaine est réservé à la protec­tion des données (art. 3 al. 2 LTrans).

À nouveau, l’étudiant ne peut deman­der plus que ce qui existe : l’accès à d’anciennes données d’examen ou grilles de correc­tion n’entraîne pas d’obligation pour l’institution ou l’enseignant de four­nir des expli­ca­tions à leur sujet – il ne l’in­ter­dit pas non plus. Il est toute­fois possible que ces infor­ma­tions soient conte­nues dans un autre docu­ment (sylla­bus, fiche de cours, objec­tifs d’apprentissage, etc.). L’étudiant qui obtient ces données doit égale­ment être conscient d’un risque : l’enseignant n’est pas lié par un mode d’évaluation et peut chan­ger ses critères d’une année à l’autre (par exemple en passant du QCM au cas pratique, ou inver­se­ment), indé­pen­dam­ment d’une demande d’accès.

Il existe une série d’exceptions géné­rales au prin­cipe de la trans­pa­rence. Certaines ne trou­ve­ront que peu ou pas d’application en matière d’évaluation, comme l’atteinte à la sûreté ou aux inté­rêts de l’État (art. 7 al. 1 let c‑f LTrans ; art. 16 al. 2 let. a, b et d LInfo/​VD ; art. 26 al. 2 let. a, b et l LIPAD/​GE). On peut toute­fois conce­voir que cette excep­tion soit invo­quée pour des examens d’accès à des fonc­tions diplo­ma­tiques, mili­taires (forma­tions de l’École d’état-major géné­ral, forces spéciales, etc.), de sécu­rité ou pour des postes élevés de l’administration.

Dans les études de droit, de méde­cine, de maïeu­tique (ou dans certains cas de théo­lo­gie vu le secret de la confes­sion), un examen qui incor­po­re­rait des éléments tirés de cas réels tombe­rait sous le coup de l’exclusion de la protec­tion des secrets profes­sion­nels, respec­ti­ve­ment de la garan­tie du secret si un tiers a consenti à ce que son cas soit étudié et utilisé comme examen (art. 7 al. 1 let. g et h LTrans ; art. 16 al. 3 let. a et c LInfo/​VD ; art. 26 al. 2 let. h‑k LIPAD/​GE). On peut égale­ment envi­sa­ger que, dans d’autres forma­tions, des secrets de fabri­ca­tion ou d’affaires soient révé­lés aux étudiants et utili­sés. Le cas nous paraît à nouveau peu fréquent.

Enfin, il est possible de refu­ser l’accès aux docu­ments en cas d’atteinte notable à la « libre forma­tion de l’opinion et de la volonté d’une auto­rité » (art. 7 al. 1 let. a LTrans ; art. 16 al. 2 let. a LInfo/​VD ; art. 26 al. 2 let. c LIPAD/​GE) et si cela risque d’entraver l’autorité dans son action (art. 7 al. 1 let. b LTrans ; art. 16 al. 2 let. a LInfo/​VD ; art. 26 al. 2 let. c‑f LIPAD/​GE). Ces motifs nous semblent les plus fréquents.

Un étudiant ne pour­rait typi­que­ment pas obte­nir l’accès à la donnée de l’examen avant de le passer, car cela influen­ce­rait nota­ble­ment les résul­tats de l’examen et mettrait en péril les objec­tifs de l’institution, en parti­cu­lier quant à la valeur des diplômes déli­vrés (quoiqu’il soit possible d’avoir des examens dont la donnée est connue à l’avance, mais les critères d’évaluation sont alors différents).

L’accès à l’énoncé nous semble égale­ment pouvoir être repoussé jusqu’à ce que les notes soient rendues, pour éviter toute inter­fé­rence dans le proces­sus d’évaluation. L’art. 8 al. 2 LTrans prévoit d’ailleurs une restric­tion d’accès tant que la déci­sion admi­nis­tra­tive (dans notre cas, la note) n’est pas rendue. On devrait égale­ment exclure les échanges internes, par exemple, entre ensei­gnants (cf. art. 9 al. 2 LInfo/​VD ; art. 26 al. 3 LIPAD/​GE). Le délai de prise de posi­tion et de commu­ni­ca­tion sera en tout état géné­ra­le­ment plus long que le temps à dispo­si­tion des ensei­gnants pour corri­ger les examens et rendre les notes.

Ces dispo­si­tions ne nous semblent toute­fois pas être un blanc-seing pour que l’autorité puisse refu­ser de mettre à dispo­si­tion d’anciennes données d’examen ou les grilles de correc­tion. Au contraire, l’autorité devrait démon­trer en quoi garder le secret sur les anciens examens est néces­saire à son bon fonc­tion­ne­ment. Comme nous l’exposions dans notre première partie, nous ne voyons guère de vertu péda­go­gique à dissi­mu­ler les moda­li­tés et anciennes ques­tions d’examen. Au contraire, si l’étudiant sait à quoi s’attendre lors de l’évaluation, il ne pourra que mieux se prépa­rer et expo­ser les connais­sances acquises, sans que des critères impli­cites ne viennent interférer.

Il nous semble qu’une excep­tion pour­rait se conce­voir si l’accès aux ques­tions vidait de son sens la passa­tion de l’examen, par exemple, car les ques­tions sont trop peu nombreuses par rapport au champ de la matière et que l’examen doit néces­sai­re­ment être stan­dar­disé, par exemple, car il est passé par de nombreuses personnes et/​ou car il s’agit du seul moyen de garan­tir l’égalité de trai­te­ment entre les candi­dats. En revanche, si la base de ques­tions est suffi­sam­ment éten­due ou qu’il est possible de l’étendre sans effort dispro­por­tionné, il n’y a, à notre sens, pas lieu de conser­ver les infor­ma­tions secrètes.

Un dernier cas d’exclusion reste possible : une dispo­si­tion d’une loi spéciale pour­rait suppri­mer ou restreindre l’accès à certains docu­ments ou caté­go­ries de docu­ments de façon plus large que les motifs ci-dessus. Cette possi­bi­lité est toute­fois l’apanage du légis­la­teur plus que de l’institution.

L’accès à la copie d’un tiers

Dernier aspect que nous voulons trai­ter, l’étudiant pour­rait avoir le souhait d’accéder à la copie d’un de ses cama­rades de classe. Les raisons sont multiples : compa­rai­son avec sa propre copie pour comprendre ses erreurs ou pour cher­cher des argu­ments pour un éven­tuel recours, envie de comprendre ce qui consti­tue une « bonne copie » (respec­ti­ve­ment une « mauvaise copie ») aux yeux de l’examinateur ou simple curiosité.

Ce troi­sième cas de figure met en lumière la rela­tion entre les deux pôles du droit d’accès et la tension entre les données person­nelles et la trans­pa­rence dans l’administration.

On peut d’emblée exclure l’accès sur la base de la protec­tion des données : l’étudiant ne demande pas ici l’accès à ses propres données, mais à celles d’un tiers. Reste donc unique­ment la voie de la transparence.

La protec­tion des données vien­drait toute­fois s’opposer au droit d’accès sous l’angle de la trans­pa­rence. L’autre étudiant pour­rait certes consen­tir à la trans­mis­sion, mais il pour­rait ne pas souhai­ter que sa copie soit accessible.

La pesée des inté­rêts qui s’ensuit devrait en géné­ral favo­ri­ser le secret. L’étudiant a un inté­rêt propre rela­ti­ve­ment limité à l’obtention de la copie d’un tiers. Il ne peut, en parti­cu­lier, pas se préva­loir d’une viola­tion de l’égalité de trai­te­ment pour remettre en cause la note qu’il aurait obte­nue (ce grief n’a pas de portée propre par rapport à l’interdiction de l’arbitraire dans la copie : soit une copie est corri­gée correc­te­ment, soit elle ne l’est pas).

De façon géné­rale, il est diffi­cile pour un indi­vidu de démon­trer un inté­rêt prépon­dé­rant à consul­ter une copie donnée : la plupart des infor­ma­tions utiles à la forma­tion de l’opinion et au contrôle de l’administration se trouvent dans les données et grilles de correc­tion. On peut envi­sa­ger certaines hypo­thèses où un étudiant ou un groupe d’étudiants serait favo­risé ou défa­vo­risé dans le cadre de certains examens, mais cela néces­si­tera de la part du deman­deur un effort d’argumentation.

Le refus n’est toute­fois pas la seule option : une trans­mis­sion des copies dont les infor­ma­tions person­nelles auront été caviar­dées nous semble possible sans effort déme­suré – il serait toute­fois diffi­cile de cibler la copie d’un étudiant déterminé.

Conclusion

Les écoles, hautes écoles, univer­si­tés, commis­sions d’examens ou autres lieux de savoir ne doivent pas être des lieux de secret. Comme démon­tré ci-dessus, les étudiants – et les tiers – peuvent avoir accès à une série d’informations concer­nant l’évaluation des examens. Des garde-fous existent toute­fois en présence d’intérêts légi­times de l’institution ou de tiers, mais ne devraient pas empê­cher un accès large aux données visées.

Cette vision n’est pas seule­ment juri­dique, la protec­tion des données et la trans­pa­rence n’étant pas des fins en elles-mêmes. À notre sens, l’enseignement gagne toujours à être clair sur les moda­li­tés d’évaluation. Les étudiants infor­més peuvent se foca­li­ser sur les objec­tifs d’apprentissage et la matière qu’ils doivent maîtri­ser, et savent comment retrans­crire au mieux leurs connais­sances, sans que des biais impli­cites d’évaluation viennent brouiller le résul­tat. La trans­pa­rence est ainsi un gage de bonne pédagogie.



Proposition de citation : Grégoire Geissbühler, L’accès aux données d’examen, 4 octobre 2023 in www.swissprivacy.law/255


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