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20 ans d’utilisation de la LIPAD par les journalistes

Anaïs Fontaine et Bastien von Wyss, le 9 octobre 2023
Comment les jour­na­listes utilisent la loi gene­voise sur la trans­pa­rence ? À l’occasion des 20 ans de la LIPAD, nous analy­sons la prise en main de cet outil d’enquête à Genève. Nous recen­sons aussi des conseils et bonnes pratiques dans l’utilisation de ces lois par les médias.

Note bene : Cet article est une version synthé­tique et adap­tée de la contri­bu­tion inti­tu­lée « 20 ans d’utilisation de la LIPAD par les jour­na­listes » tirée de l’ouvrage « 20 ans de trans­pa­rence à Genève ».

À l’occasion des 20 ans de la LIPAD, cet ouvrage retrace l’his­to­rique du texte légal et l’ap­pli­ca­tion de ce dernier par la média­trice, puis le Préposé canto­nal ainsi que son utili­sa­tion par les jour­na­listes. Il traite des notions tels que la bonne foi, la protec­tion des inté­rêts privés, l’ac­cès aux archives publiques, l’ac­cès aux examens scolaires, les prin­cipes de procé­dure. Finalement, il détaille l’exemple fribour­geois ainsi que l’ave­nir de la trans­pa­rence. Il est dispo­nible en libre accès sur le site suivant : https://​suige​ne​ris​-verlag​.ch/​b​u​e​c​h​e​r​/​033.

Les auteurs s’expriment à titre personnel. 

20 ans d’utilisation de la LIPAD par les journalistes

L’information publique concer­nant le fonc­tion­ne­ment des insti­tu­tions est un fonde­ment de la démo­cra­tie. Le but de la Loi gene­voise sur l’information du public, l’accès aux docu­ments et la protec­tion des données person­nelles (art. 1 LIPAD) le rappelle : cette infor­ma­tion est néces­saire pour « favo­ri­ser la libre forma­tion de l’opinion et la parti­ci­pa­tion à la vie publique ».

Les jour­na­listes ont un rôle crucial à jouer dans la réali­sa­tion de ce but. C’est en mettant le fonc­tion­ne­ment de l’activité des admi­nis­tra­tions en exergue dans les médias et en favo­ri­sant le débat que la démo­cra­tie peut rester vivante. Les jour­na­listes font un usage régu­lier de cet outil et sont trai­tés comme tout autre citoyen-demandeur.

C’est sur cette pratique que nous nous penchons dans cet article. Tout d’abord, nous commen­te­rons et décri­rons quelques sujets jour­na­lis­tiques réali­sés grâce à la LIPAD ces vingt dernières années, ainsi que les procé­dures d’accès menées par des médias à Genève. Puis, nous déve­lop­pe­rons quelques conseils et recom­man­da­tions pour une utili­sa­tion effi­cace et respon­sable du prin­cipe de trans­pa­rence par les profes­sion­nels des médias.

Vingt-deux demandes d’accès de jour­na­listes analysées

Pour effec­tuer un inven­taire des sujets jour­na­lis­tiques réali­sés grâce au droit d’accès aux docu­ments à Genève, nous nous sommes basés sur des articles de presse et des recom­man­da­tions des prépo­sés à la trans­pa­rence gene­vois, qui ont parfois mené à des arrêts au niveau canto­nal, voire fédé­ral, où le deman­deur est clai­re­ment iden­ti­fiable en tant que journaliste.

Nous avons iden­ti­fié au total 22 demandes d’accès de jour­na­listes durant ces vingt premières années de LIPAD. Malgré une analyse minu­tieuse des publi­ca­tions de 2002 à 2022, nous ne préten­dons pas être exhaus­tifs. Certaines publi­ca­tions jour­na­lis­tiques ont proba­ble­ment utilisé le prin­cipe de trans­pa­rence sans le mention­ner expli­ci­te­ment ou sans que nous l’ayons décelé. De même, une demande jour­na­lis­tique n’est pas toujours recon­nais­sable lors de l’analyse d’une recom­man­da­tion ou de la jurisprudence.

Parmi ces 22 demandes, 9 ont donné lieu à des publi­ca­tions jour­na­lis­tiques sans que nous n’ayons iden­ti­fié de média­tion ni de procé­dure judi­ciaire en lien avec les articles en ques­tion. Sept autres sont arri­vées au stade la recom­man­da­tion, 4 ont fait l’objet d’un arrêt canto­nal et 2 ont été jugées par le Tribunal fédéral.

Plusieurs constats ressortent de notre analyse de ces 22 cas.

Tout d’abord, la durée de la procé­dure est extrê­me­ment variable. Si dans certains cas le docu­ment a été rapi­de­ment obtenu, le record de notre analyse est détenu par une procé­dure ayant duré 832 jours entre la demande d’accès et l’arrêt de la Chambre admi­nis­tra­tive de la Cour de justice (ATA/​949/​2019 du 28 mai 2019).

Nous nous sommes égale­ment inté­res­sés aux excep­tions les plus souvent invo­quées par l’administration. Il s’agit en premier lieu de celle de la protec­tion de la sphère privée, puis de celle du secret d’affaires. Nous consta­tons donc que la tension entre trans­pa­rence et protec­tion des données s’exerce sur une partie impor­tante de ces procédures.

Quant aux thèmes couverts par les demandes d’accès de jour­na­listes, une partie impor­tante concerne les coûts enga­gés par l’administration pour diffé­rentes opéra­tions ou mandats. Nous sommes là au cœur de la raison d’être du prin­cipe de trans­pa­rence : faire la lumière sur les enga­ge­ments, notam­ment finan­ciers, réali­sés par les collectivités.

Des agen­das des conseillers d’Etats à un rapport d’audit sur les frais professionnels

Voici quelques cas où les jour­na­listes ont utilisé le droit d’accès.

En 2007, le maga­zine Bilan s’intéresse aux montants gagnés par les élus muni­ci­paux et publie, après avoir dû les deman­der avec insis­tance, tous les chiffres des communes de plus de 2000 habitants.

En 2014, Le Courrier obtient le coût d’un mandat externe dans le cadre d’un projet de nouvelle grille sala­riale. La même année, la Tribune de Genève demande l’accès aux coûts d’une appli­ca­tion déve­lop­pée pour le compte des Services indus­triels de Genève. Ces infor­ma­tions obte­nues permettent d’étayer la recherche jour­na­lis­tique et de nour­rir le débat démo­cra­tique avec des faits bruts. Il est inté­res­sant de noter que, dans le cas du mandat externe, le jour­na­liste estime que le montant révélé « semble raison­nable ». Un des buts de la trans­pa­rence, qui est d’améliorer la confiance dans les insti­tu­tions, semble ici bien illustré.

Parfois, les demandes ont permis l’accès à des docu­ments très précis. Par exemple, en 2018, le média 20 minutes obtient l’accès à une direc­tive spéci­fique de la police gene­voise ayant trait au trai­te­ment des données poli­cières des personnes VIP. Depuis, cette direc­tive est acti­ve­ment publiée par la police. En 2019, la chaîne de télé­vi­sion Léman Bleu a obtenu une semaine d’agenda de chaque conseiller d’Etat et la publi­ca­tion a été assor­tie d’interviews expli­ca­tifs sur leur emploi du temps. C’est un bel exemple de rappro­che­ment entre auto­ri­tés et citoyens par la trans­pa­rence : l’accès aux docu­ments permet de dévoi­ler les coulisses sans néces­sai­re­ment mettre le doigt sur des dysfonctionnements.

Parmi les cas qui ont dû être tran­chés par les tribu­naux, l’accès à un rapport d’audit sur les frais profes­sion­nels de la Ville de Genève est emblé­ma­tique. L’obtention de ce rapport a en effet permis d’apprendre que la moitié des dépenses de frais des fonc­tion­naires est « non conforme ». La Chambre admi­nis­tra­tive de la Cour de justice canto­nale souligne, en ordon­nant la remise du rapport, qu’une large diffu­sion de ce docu­ment permet­trait d’améliorer la pratique contrai­re­ment à ce qu’avait soutenu la ville (ATA/​427/​2020 du 30 avril 2020). Ce cas permet de montrer que les rapports d’audit font partie des docu­ments accessibles.

Nous renvoyons le lecteur à la publi­ca­tion origi­nale (p. 19 ss) pour prendre connais­sance de l’intégralité des 22 demandes analysées.

Conseils et bonnes pratiques pour l’utilisation de la LIPAD par les jour­na­listes au fil des étapes jalon­nant la procé­dure d’accès

Avant la demande en trans­pa­rence, lors des recherches préli­mi­naires, il convient tout d’abord de véri­fier si le docu­ment demandé est déjà acces­sible sur Internet ou si les infor­ma­tions conte­nues dans le docu­ment ont déjà été divul­guées dans un autre cadre (commu­ni­qué de presse, inter­pel­la­tion parle­men­taire), (cf. par exemple : PPDT/​GE, Recommandation du 28 juin 2017 en l’affaire X jour­na­liste c. Police canto­nale gene­voise). Ensuite, il est judi­cieux d’examiner si un docu­ment simi­laire a déjà fait l’objet d’une recom­man­da­tion ou d’une juris­pru­dence dans le canton faisant l’objet de la demande, mais égale­ment dans d’autres cantons, au niveau fédé­ral, voire dans d’autres pays.

Lors de la formu­la­tion de l’objet de la demande, il est essen­tiel d’être aussi précis et méti­cu­leux que possible.

En exami­nant les premières demandes, dès 2002, on constate que les jour­na­listes requièrent parfois de simples infor­ma­tions plutôt que l’accès à des docu­ments précis. Les réponses qu’ils obtiennent sont alors des infor­ma­tions d’ordre géné­ral ou un simple chiffre, mais pas forcé­ment de « docu­ment » au sens de la LIPAD.

Concrètement, il n’est pas toujours aisé pour les deman­deurs d’identifier le docu­ment souhaité. Dans la pratique, il est utile d’enquêter et de se rensei­gner au préa­lable pour savoir quels sont les docu­ments exis­tants et, si possible, connaître leur titre ou, du moins, les décrire le plus préci­sé­ment. Si ce n’est pas réali­sable, il est parfois néces­saire de formu­ler la demande de manière large, par exemple en requé­rant « les docu­ments qui contiennent [l’information souhai­tée] ». Pour cibler une demande, il peut être utile de deman­der à l’administration une table des matières, un index ou alors la liste des divers docu­ments à disposition.

Il est à noter que, parfois, l’information ou le docu­ment peuvent être obte­nus par un simple appel télé­pho­nique sans lancer de procé­dure d’accès par écrit.

Enfin, lors de la demande, il est capi­tal de bien sépa­rer la procé­dure d’accès à un docu­ment du reste de l’enquête journalistique.

Au fil de la procé­dure, il peut être oppor­tun de reca­li­brer la demande, si cela est perti­nent et stra­té­gique par rapport à l’enquête menée ainsi qu’aux excep­tions invo­quées par l’administration (CACJ ATA/​949/​2019 du 28 mai 2019).

Les prépo­sés gene­vois à la trans­pa­rence (Joséphine Boillat/​Stéphane Werly, Le prin­cipe de trans­pa­rence dans les cantons romands, Annuaire ADSPO 2020, p. 31–58, p. 55) relèvent « la liste plétho­rique » d’exceptions des régle­men­ta­tions qui, dans la pratique, a comme réper­cus­sion qu’il est facile pour une insti­tu­tion publique « d’invoquer un motif de refus de trans­mis­sion ». Ces excep­tions doivent être lues en gardant à l’esprit que c’est à l’administration de prou­ver qu’elles trouvent à s’appliquer dans le cas concret. (TAF, A‑4500/​2013, 27 février 2014, consid. 3.1 ; TAF, A‑6377/​2013, 12 janvier 2015, consid. 3.2).

La ques­tion des délais est une ques­tion récur­rente et impor­tante dans l’utilisation jour­na­lis­tique des lois sur la trans­pa­rence : dans sa pratique quoti­dienne, un jour­na­liste travaille souvent à flux tendu, en lien avec l’actualité. En cours de procé­dure, le deman­deur se retrouve face à diffé­rents délais pour accé­der à un docu­ment. Il est indis­pen­sable d’être irré­pro­chable dans le suivi des délais, d’anticiper, de garder le lien et de relan­cer les auto­ri­tés si besoin ainsi que de prendre des mesures d’organisation afin d’anticiper les poten­tielles absences.

Enfin, au moment de la publi­ca­tion, deux ques­tions doivent se poser : faut-il mettre à dispo­si­tion le docu­ment obtenu et faut-il mention­ner le prin­cipe de trans­pa­rence dans l’article ?

Il peut être inté­res­sant de publier le docu­ment ou un extrait, d’autant qu’il est acces­sible à chacun selon l’adage access to one access to all (cf. www​.swiss​pri​vacy​.law/89). Toutefois, la publi­ca­tion doit s’inscrire dans le cadre de la déon­to­lo­gie jour­na­lis­tique d’usage : il ne fait pas toujours sens de publier l’intégralité des docu­ments. Par ailleurs, une atten­tion parti­cu­lière doit être portée au respect du droit d’auteur (Office fédé­ral de la Justice, Mise en œuvre du prin­cipe de trans­pa­rence dans l’administration fédé­rale : ques­tions fréquem­ment posées, 3.2.3. Transparence et droit d’auteur, p. 15).

Concernant la mention, dans la publi­ca­tion, de l’utilisation de cet outil, l’association Loitransparence​.ch préco­nise que les jour­na­listes ayant accédé à un docu­ment en invo­quant une loi sur la trans­pa­rence l’indiquent expres­sé­ment. Nous parta­geons cet avis, car la mention des sources est en adéqua­tion avec la déon­to­lo­gie jour­na­lis­tique (Conseil suisse de la Presse, Directive 3.1 rela­tive à la « Déclaration des devoirs et des droits du/​de la jour­na­liste » du 18 février 2000) et permet égale­ment de sensi­bi­li­ser le public/​citoyen aux possi­bi­li­tés qu’offrent les lois sur la transparence.

Nous sommes pour la trans­pa­rence dans la transparence.

Pour conclure

Après ce tour d’horizon, nous consta­tons une évolu­tion encou­ra­geante à la fois du côté des deman­deurs et des admi­nis­tra­tions qui, de part et d’autre, ont mis en œuvre cette loi. Les enquêtes jour­na­lis­tiques réali­sées à Genève en utili­sant la loi sur la trans­pa­rence en sont les témoins. En revanche, nous regret­tons de sentir encore une résis­tance dans certains cas. La longueur de certaines procé­dures consti­tue un véri­table obstacle pour les jour­na­listes devant suivre le rythme de l’actualité. Nous rele­vons égale­ment qu’une simple demande allant jusqu’au TF peut avoir des coûts qui consti­tuent tout simple­ment un frein au prin­cipe même de transparence.

Pour amélio­rer encore le prin­cipe de trans­pa­rence et son utili­sa­tion jour­na­lis­tique, la LIPAD pour­rait évoluer sur quelques points, tels que l’introduction d’un délai de réponse clair, ainsi que le devoir pour l’administration d’assister le deman­deur dans sa démarche.



Proposition de citation : Anaïs Fontaine / Bastien von Wyss, 20 ans d’utilisation de la LIPAD par les journalistes, 9 octobre 2023 in www.swissprivacy.law/256


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