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La primauté du droit à la preuve face à la protection des données

Nathanaël Pascal, le 27 octobre 2023

La Cour de cassa­tion fran­çaise déploie une métho­do­lo­gie permet­tant de mettre en balance le droit à la protec­tion des données de tiers et le droit à la preuve d’une employée consi­dé­rant avoir subi une inéga­lité salariale.
  

Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassa­tion du 8 mars 2023, n° 21−12.492 

Après avoir été licen­ciée, une employée consi­dère avoir été victime d’une inéga­lité sala­riale en compa­rai­son de certains de ses collègues mascu­lins, occu­pant actuel­le­ment ou ayant occupé des postes compa­rables aux siens. L’employée a saisi la juri­dic­tion prud’homale afin d’être mise en posses­sion d’éléments de compa­rai­son déte­nus par ses deux anciens employeurs succes­sifs au sein d’un même groupe.  

Pour ce faire, la deman­de­resse conclut notam­ment à ce que lui soit commu­ni­quée la tota­lité des bulle­tins de paie de huit de ses anciens collègues pour des périodes s’étalant sur plusieurs années. Sa demande fait état du caviar­dage de données person­nelles qui figurent sur les bulle­tins de paie à l’exception des noms et prénoms, de la clas­si­fi­ca­tion conven­tion­nelle, de la rému­né­ra­tion brute mensuelle détaillée (fixe et variable) ainsi que de la rému­né­ra­tion brute totale cumu­lée par année civile. 

La juri­dic­tion d’appel retient qu’il appar­tient au juge de peser les droits et liber­tés en présence et s’il s’avère néces­saire de prendre une mesure, que celle-ci respecte le prin­cipe de propor­tion­na­lité en se limi­tant à ce qui est stric­te­ment néces­saire à la défense des inté­rêts en cause. Partant, la produc­tion d’éléments portant atteinte à la vie privée se doit d’être indis­pen­sable à l’exercice du droit à la preuve et que l’atteinte soit propor­tion­née au but pour­suivi. La juri­dic­tion d’appel fait droit à la demande de l’employée en rele­vant qu’elle est fondée à obte­nir la commu­ni­ca­tion des bulle­tins de salaire partiel­le­ment caviar­dés de 8 autres employés qui occupent des postes de niveau simi­laire au sien, avec des fonc­tions compa­rables, afin de pouvoir présen­ter des éléments lais­sant présu­mer l’existence de l’inégalité sala­riale allé­guée.  

Dans son arrêt, la Cour de cassa­tion se fonde sur le consi­dé­rant 4 du RGPD. Il prévoit ce qui suit.

« Le droit à la protec­tion des données à carac­tère person­nel n’est pas un droit absolu ; il doit être consi­déré par rapport à sa fonc­tion dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fonda­men­taux, confor­mé­ment au prin­cipe de propor­tion­na­lité ». 

Partant, la Cour de cassa­tion procède en deux étapes afin de déter­mi­ner si l’employé qui s’estime victime d’une viola­tion du prin­cipe d’égalité de trai­te­ment peut se voir commu­ni­quer des données person­nelles de tiers afin de lui permettre de prou­ver ulté­rieu­re­ment une telle viola­tion. 

Tout d’abord, ladite commu­ni­ca­tion doit s’avérer néces­saire à l’exercice du droit en cause, propor­tion­née au but pour­suivi et être en présence d’un motif légi­time.  

Ensuite, il convient de déter­mi­ner si les éléments de la commu­ni­ca­tion solli­ci­tée, à raison de leur nature, sont en mesure de porter atteinte aux droits de tiers afin de circons­tan­cier, si besoin est, le péri­mètre de la commu­ni­ca­tion de sorte qu’elle consti­tue une mesure indis­pen­sable à l’exercice du droit en ques­tion et propor­tion­née au but recher­ché. 

Conséquemment, la Cour de cassa­tion valide la déci­sion de la Cour d’appel de Paris en rete­nant que la commu­ni­ca­tion de données person­nelles de tiers est, d’une part, indis­pen­sable à l’exercice du droit à la preuve et, d’autre part, propor­tion­née à l’intérêt légi­time de l’employée à l’égalité de trai­te­ment entre hommes et femmes dans les rapports de travail. 

À titre d’observation conclu­sive, nous obser­vons que la Cour de cassa­tion offre une métho­do­lo­gie se fondant sur la juris­pru­dence de la CourEDH (López Ribalda et autres c. Espagne, 17 octobre 2019, n° 1874/​13 et 8567/​13) en opérant une utili­sa­tion néga­tive du droit à la protec­tion des données afin de restreindre les droits de tiers, fait qui mérite d’être salué. Bien que cette clarté métho­do­lo­gique soit accueillie favo­ra­ble­ment, il n’en demeure pas moins que les employeurs auront en sus pour obli­ga­tion d’informer les personnes concer­nées de ladite commu­ni­ca­tion du simple fait que celle-ci a une fina­lité autre que celle pour laquelle leurs données ont été collec­tées (art. 4 al. 2 et art. 13 al. 3 RGPD). De plus, dans de nombreux cas de figure envi­sa­geables, un tel trans­fert de données person­nelles devra faire l’objet d’un enca­dre­ment qui peut s’avérer, à raison du pays de desti­na­tion, fluc­tuant. 



Proposition de citation : Nathanaël Pascal, La primauté du droit à la preuve face à la protection des données, 27 octobre 2023 in www.swissprivacy.law/261


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
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