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Qualification juridique et force exécutoire d’un accord de médiation en matière de transparence

Alexandre Bussy, le 14 novembre 2023
La Chambre admi­nis­tra­tive de la Cour de justice du Canton de Genève retient que l’accord de média­tion en matière de trans­pa­rence selon la LIPAD doit être quali­fié de contrat de droit admi­nis­tra­tif et est de ce fait exécutoire.

Arrêt de la Chambre admi­nis­tra­tive de la Cour de justice du Canton de Genève du 15 novembre 2022 (ATA/​1145/​2022)

Faits

Une asso­cia­tion, ayant pour but statu­taire « la promo­tion et la défense des inté­rêts, de la qualité de vie et la protec­tion envi­ron­ne­men­tale du secteur B », demande à la commune de Chêne-Bougeries, sur la base de l’art. 28 al. 1 LIPAD, l’accès à divers docu­ments portant sur la stra­té­gie de mise en œuvre des secteurs C et B défi­nis par le plan direc­teur commu­nal (PDCom). Les docu­ments comprennent les procès-verbaux des séances de la commis­sion terri­toire, urba­nisme et mobi­lité, les ordres du jour rela­tifs à ces séances, les compo­si­tions de la commis­sion et les rapports et études de la Société D manda­tée pour la réali­sa­tion du PDCom.

Par cour­rier du 5 mai 2021, la commune refuse de donner suite à la demande pour deux motifs. Premièrement la commu­ni­ca­tion des procès-verbaux d’une commis­sion revien­drait à les rendre publics, ce qui serait contraire à l’art. 10 al. 6 de la Loi gene­voise sur l’administration des communes et l’art. 85 du Règlement du conseil muni­ci­pal. Secondement, que la commu­ni­ca­tion de l’ensemble des docu­ments deman­dés serait propre à entra­ver un proces­sus déci­sion­nel en cours et à révé­ler des infor­ma­tions couvertes par le secret des affaires et troi­siè­me­ment, que la demande était insuf­fi­sam­ment précise.

Par cour­rier du 17 mai 2021, l’association requiert la mise en œuvre d’une média­tion auprès du Préposé gene­vois à la protec­tion des données et à la trans­pa­rence. Lors de la séance de la rencontre de conci­lia­tion du 8 juin 2021, l’association était repré­sen­tée par son avocat et la commune par son secré­taire géné­ral (égale­ment respon­sable LIPAD de la commune). Il a été convenu que la demande d’accès se limite aux docu­ments rela­tifs à la période anté­rieure à la consul­ta­tion publique, consi­dé­rant en l’état que les docu­ments ulté­rieurs à la consul­ta­tion publique préci­tée portaient sur un proces­sus en cours. En outre, il a été convenu que les docu­ments, non caviar­dés, seront remis dans un délai de quinze jours (première série) respec­ti­ve­ment un mois (deuxième série).

Le 30 juin 2021, la commune trans­met à l’association les docu­ments de la première série. Toutefois, les procès-verbaux de commis­sion ainsi que deux points de l’ordre du jour d’une séance de commis­sion sont caviar­dés, contrai­re­ment à l’engagement pris par la commune. Par ailleurs, les docu­ments de la deuxième série ne sont pas transmis.

Après des échanges infruc­tueux entre les parties, l’association forme une « action en exécu­tion formée par le droit public » devant la chambre admi­nis­tra­tive de la Cour de justice en concluant, prin­ci­pa­le­ment, à la commu­ni­ca­tion de l’ensemble des docu­ments visés par l’accord de média­tion dans un délai de dix jours suivant la noti­fi­ca­tion de l’arrêt. La commune a conclu à l’irrecevabilité de l’action au motif que l’accord de média­tion ne consti­tuait, selon elle, pas un acte attaquable.

Appelé en cause, le Préposé gene­vois a consi­déré, dans ses obser­va­tions, que « l’accord de média­tion devait pouvoir être exécuté sans qu’une déci­sion subsé­quente soit néces­saire, faute de quoi il serait dénué de toute portée ». En ce sens, le Préposé gene­vois a souli­gné que l’accord de média­tion pouvait être quali­fié soit de déci­sion admi­nis­tra­tive, soit de contrat de droit public, en préci­sant que la seconde solu­tion appa­rais­sait préférable.

Procédure de média­tion selon la LIPAD

La personne dont la demande d’accès n’a pas été satis­faite peut saisir le Préposé gene­vois d’une requête écrite de média­tion, sommai­re­ment moti­vée (art. 30 al. 1 let. a LIPAD). La requête doit être intro­duite dans un délai de 10 jours à comp­ter de la confir­ma­tion écrite de la prise de posi­tion de l’institution auprès de laquelle la demande d’accès a été adres­sée (art. 30 al. 2 LIPAD). La procé­dure est gratuite et doit être simple et rapide (art. 30 al. 6 LIPAD et art. 10 al. 2 RIPAD).

Le Préposé gene­vois informe le respon­sable LIPAD de l’institution concer­née. Il incombe à ce dernier de rensei­gner le Préposé gene­vois et de repré­sen­ter l’institution dans le cadre de la procé­dure de média­tion (art. 10 al. 7 RIPADv). Par ailleurs, le Préposé gene­vois recueille de manière infor­melle l’avis des insti­tu­tions concer­nées sur le docu­ment demandé par la personne requé­rante et sur l’accès à celui-ci (art. 30 al. 3 LIPAD et art. 10 al. 8 RIPAD).

Au cours de la procé­dure, le Préposé gene­vois entend les parties et peut les réunir. Il s’efforce de les amener à un accord et peut leur soumettre des propo­si­tions (art. 10 al. 9 RIPAD).

Si la média­tion permet d’aboutir à un accord entre les parties, l’affaire est clas­sée et le résul­tat de l’accord est forma­lisé dans un docu­ment écrit, avec le concours du Préposé gene­vois (art. 30 al. 4 LIPAD et art. 10 al. 10 RIPAD). En revanche, si la média­tion échoue, le Préposé gene­vois formule une recom­man­da­tion écrite et l’institution concer­née doit rendre une déci­sion dans les 10 jours (art 30 al. 5 LIPAD).

Nature juri­dique de l’accord de médiation 

La ques­tion centrale que soulève le cas d’espèce est la quali­fi­ca­tion de la nature juri­dique de l’accord de média­tion. D’une part, cette quali­fi­ca­tion est néces­saire pour appré­cier de la rece­va­bi­lité de l’acte de procé­dure, que ce soit sous la forme d’une action (forme utili­sée par l’association) ou d’un recours. D’autre part, la nature juri­dique de l’accord de média­tion et en parti­cu­lier sa force contrai­gnante ou non est déter­mi­nante pour tran­cher le litige.

Sous l’angle de la rece­va­bi­lité, la chambre admi­nis­tra­tive rappelle que, confor­mé­ment à l’art. 132 al. 3 LOJ, la chambre admi­nis­tra­tive connaît en instance unique des actions fondées sur le droit public qui ne peuvent pas faire l’objet d’une déci­sion au sens de l’art. 132 al. 2 LOJ et qui découlent d’un contrat de droit public. Le fait que l’action se fonde sur le droit public étant incon­testé, la chambre admi­nis­tra­tive se concentre sur les deux autres condi­tions, qu’elle examine conjoin­te­ment, à savoir si l’action découle d’un contrat de droit public et si elle ne peut pas faire l’objet d’une décision.

Tout d’abord, la chambre admi­nis­tra­tive souligne que la légis­la­tion gene­voise, contrai­re­ment au droit fribour­geois, ne prévoit pas expres­sé­ment que l’accord de média­tion devient immé­dia­te­ment exécu­toire, mais se contente d’indiquer que la procé­dure est clas­sée. En outre, elle relève que la légis­la­tion ne prévoit pas de déci­sion subsé­quente de l’institution concer­née en cas de réus­site de la médiation.

Par ailleurs, la Chambre admi­nis­tra­tive consi­dère que « l’accord de média­tion en matière d’accès aux docu­ments est par défi­ni­tion un acte bila­té­ral résul­tant d’une mani­fes­ta­tion concor­dante de volon­tés, ce qui corres­pond à la défi­ni­tion du contrat », tout en préci­sant que dans le cadre d’une demande d’accès des docu­ments offi­ciels, c’est géné­ra­le­ment l’entité publique visée qui devra four­nir la part essen­tielle des pres­ta­tions prévues de sorte que le contrat sera, en règle géné­rale, unila­té­ral, même si une contre-pres­ta­tion est possible, notam­ment sous forme d’un émolu­ment. Sur la base de ces consi­dé­ra­tions et en s’appuyant sur l’opinion doctri­nale majo­ri­taire, la Chambre admi­nis­tra­tive retient que l’accord de média­tion est un contrat de droit admi­nis­tra­tif. Il en résulte que l’action fondée sur le droit public, dépo­sée par l’association, est recevable.

Sur le fond, la Chambre admi­nis­tra­tive retient que l’accord de média­tion a été forma­lisé par écrit de manière claire et que rien ne permet de rete­nir que l’accord de la commune n’a pas été libre­ment donné ou que le contrat n’est pas parfait. Partant, l’accord de média­tion doit être respecté confor­mé­ment au prin­cipe pacta sunt servanda, dans la mesure où il est exécu­toire. De ce fait, la Chambre admi­nis­tra­tive donne raison à l’association et ordonne à la commune de donner accès aux docu­ments qu’elle s’est enga­gée à transmettre.

Conclusion

Cet arrêt apporte des éclair­cis­se­ments inté­res­sants rela­tifs à la procé­dure de média­tion en matière de trans­pa­rence. Bien que l’arrêt porte sur la légis­la­tion gene­voise, il reste perti­nent pour les procé­dures fédé­rales et canto­nales simi­laires. Dans cet arrêt, la chambre admi­nis­tra­tive adopte, judi­cieu­se­ment, la solu­tion privi­lé­giée par la majo­rité de la doctrine consis­tant à quali­fier l’accord de média­tion de contrat de droit public. Une quali­fi­ca­tion de l’accord de média­tion en tant que déci­sion, comme le soutien la doctrine mino­ri­taire, n’aurait pas eu de consé­quence sur la force exécu­toire dudit accord, cepen­dant une telle quali­fi­ca­tion aurait fait abstrac­tion de la nature bila­té­rale de l’accord de média­tion qui résulte d’une négo­cia­tion entre l’autorité admi­nis­tra­tive et la personne qui fait une demande de transparence.



Proposition de citation : Alexandre Bussy, Qualification juridique et force exécutoire d’un accord de médiation en matière de transparence, 14 novembre 2023 in www.swissprivacy.law/265


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