Révision de la loi sur la protection des données du canton de Fribourg
Introduction
En matière de protection des données, les législations ont dû être adaptées afin d’encadrer les nouvelles pratiques et définir les garde-fous nécessaires aux traitements de données personnelles face aux développement constants des outils numériques. Après un travail de plusieurs années, la nouvelle Loi sur la protection des données du canton de Fribourg (nLPrD ; ROF 2023_087) révisée a été acceptée par le Grand Conseil le 12 octobre 2023, Cette révision s’inspire du droit supérieur (loi fédérale sur la protection des données, Convention STE 108+, Directive UE 680/2016). La nLPrD révisée entrera en vigueur le 1er janvier 2024.
Trois groupes de nouveautés ressortent de la nLPrD. Premièrement, les droits des personnes concernées sont renforcés. Deuxièmement, des obligations sont introduites pour davantage de sécurité en matière de protection pour les responsables de traitements soumis à la loi. Finalement, les compétences de l’autorité de surveillance sont accentuées. Ci-après nous exposons de manière plus détaillée ces trois axes.
Renforcement des droits des personnes concernées
La nLPrD introduit différents droits dans le but de renforcer la protection des données des particuliers :
- Le droit de blocage, aussi appelé droit d’opposition, est étendu à tous les domaines ( 31 nLPrD) et non plus seulement à celui du contrôle des habitants (art. 18 de la loi cantonale du 23 mai 1986 sur le contrôle des habitants [LCH ; RSF 114.21.1]). L’objectif de ce droit est d’offrir la possibilité à toute personne de s’opposer préventivement à la communication de ses données à des tiers. Ce nouveau droit ne souffrira d’exception que lorsqu’un intérêt public ou privé prépondérant à la communication des données visées existe ou lorsque la communication des données est expressément prévue dans la loi.
- Les personnes bénéficient d’un droit à la limitation du traitement ( 33 al. 2 let. b nLPrD). Il permet à la personne concernée de geler temporairement certaines utilisations de certaines de ses données tout en permettant au responsable du traitement de continuer à les conserver.
- Un droit à la portabilité de ses données est prévu ( 32 nLPrD). Il permet à la personne concernée de demander la remise de ses données dont le traitement est automatisé ou de requérir leur transfert à un autre responsable du traitement lorsque le responsable du traitement ou une législation spéciale le prévoit.
- Le particulier a un droit renforcé à être informé, et donc la transparence, sera plus fortement ancrée ( 12 nLPrD). En principe, le responsable de traitement doit effectivement avertir la personne concernée de manière adéquate de la collecte de données personnelles.
Davantage de sécurité des données en matière de protection
En raison de l’évolution technologique, les mesures de sécurité sont nécessaires pour assurer une protection pleine et entière des données. C’est pourquoi, dans la nouvelle loi, il est prévu que les responsables du traitement mettent en œuvre de nouvelles mesures durant les différentes phases de traitement. Parmi ces mesures, certaines découlent directement du RGPD, de la Convention 108+, de la Directive Justice-Police et de la LPD. Cela permet donc au canton de Fribourg de se mettre en conformité avec le droit supérieur.
Les notions principales qui ont été reprises sont celles de la protection des données dès la conception, ainsi que la protection des données par défaut. Ces dernières sont incluses dans les dispositions en matière de sécurité aux articles 40 ss ndlr :
- La protection des données dès la conception ( 40 nLPrD), aussi appelé « Privacy by design », implique que, dès la conception d’un nouveau traitement des données tels que des applications ou des bases de données par exemple, des mesures techniques et organisationnelles adaptées doivent être mises en place de manière à préserver le plus tôt possible les droits ainsi que les libertés des personnes concernées.
- Concernant la protection des données par défaut ( 40 nLPrD) ou « Privacy by default », elle signifie que, par défaut, les données personnelles doivent être traitées avec les moyens et selon les modalités qui assurent le niveau de protection le plus élevé, à travers des mesures par exemple en lien avec la sécurité de l’information.
- Des analyses d’impact relatives à la protection des données doivent être effectuées avant de débuter un nouveau traitement des données susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et les libertés des personnes ( 41 et 42 nLPrD). Elles obligent donc les responsables du traitement à organiser des traitements de données en respectant la vie privée au maximum.
- Les responsables du traitement doivent prendre et documenter les mesures nécessaires pour remédier aux cas dans lesquels la sécurité des données est violée ( 43 et 44 nLPrD). En fonction de la gravité de la violation, le responsable peut être tenu d’informer au sujet des cas de violation de la sécurité des données personnelles au ou à la préposé‑e, ainsi que, dans certains cas, à la ou les personne‑s concernée‑s.
- Par ailleurs, chaque direction de l’administration cantonale fribourgeoise a dorénavant l’obligation de nommer pour elle-même, ainsi que pour ses unités administratives, un correspondant ou une correspondante à la protection des données ( 45 nLPrD). Le but est de prévoir des compétences dans les directions afin de résoudre les principales questions en matière de protection des données au sein de celles-ci.
Compétences de l’autorité de surveillance renforcée
Un renforcement du rôle de l’autorité de surveillance permet à cette dernière d’avoir une plus grande marge de manœuvre et de pouvoir œuvrer plus efficacement dans le sens de la protection des données :
- Le pouvoir de recommandation est désormais attribué au ou à la préposé‑e (art. 57 al. 1 nLPrD) et non plus à la Commission cantonale de la transparence, de la protection des données et de la médiation (la Commission). En cas de violation ou de risques de violation de prescriptions de la protection des données, le ou la préposé‑e peut adresser une recommandation au responsable de traitement.
- Un pouvoir de décision est conféré à la Commission ( 57 al. 4 et 58 nLPrD) alors que, jusqu’à présent, celle-ci n’avait pas cette compétence décisionnelle. Cette décision n’est rendue que lorsque le ou la préposé‑e décide de saisir la Commission en lui transmettant le refus du responsable de traitement de donner suite à sa recommandation. La Commission prononce ensuite une décision contraignante et sujette à recours.
- Finalement, une seule et même personne exerce les fonctions de préposé‑e à la transparence et de préposé‑e à la protection des données ( 51 nLPrD).
Conclusion
Cette nouvelle loi renforce la protection des données et donc la sphère privée des personnes. Elle introduit notamment les principes de protection des données dès la conception et de protection des données par défaut. Elle s’inscrit davantage dans notre société qui tend vers une utilisation croissante des nouvelles technologies.
Proposition de citation : Martine Stoffel / Sarah Giaccari, Révision de la loi sur la protection des données du canton de Fribourg, 14 décembre 2023 in www.swissprivacy.law/273
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