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Divulgation d’un contrat de précommande de vaccins contre le coronavirus

Kastriot Lubishtani, le 17 novembre 2020
La divul­ga­tion d’un contrat de précom­mande de vaccins contre le coro­na­vi­rus et de toute corres­pon­dance y rela­tive nuirait en l’état aux inté­rêts écono­miques de la Suisse (art. 7 al. 1 let. f LTrans), car la Confédération négo­cie actuel­le­ment avec divers acteurs phar­ma­ceu­tiques pour obte­nir un vaccin en doses suffi­santes pour la population.

Recommandation PFPDT du 29 octobre 2020, X c. Office fédé­ral de la santé publique OFSP

Partout dans le monde, la commu­nauté scien­ti­fique travaille à l’élaboration d’un vaccin pour lutter contre la pandé­mie de coro­na­vi­rus. Pour l’heure néan­moins, nul ne sait lequel parmi les vaccins en cours de déve­lop­pe­ment sera effi­cace. Les États optent ainsi pour une stra­té­gie diver­si­fiée, en concluant des contrats de précom­mande ou de réser­va­tion auprès de divers fabri­cants dont les avan­cées sont promet­teuses. Le 7 août 2020, respec­ti­ve­ment le 16 octobre 2020, la Suisse a annoncé la conclu­sion d’un tel contrat avec l’entreprise améri­caine de biotech­no­lo­gie Moderna Therapeutics portant sur l’achat de 4,5 millions de doses et avec l’entreprise britan­nique AstraZeneca portant sur une livrai­son de 5,3 millions de doses au plus.

C’est dans ce contexte de course mondiale au vaccin qu’un jour­na­liste a demandé, le 14 août 2020, à l’Office fédé­ral de la santé publique (OFSP) l’accès à un contrat de précom­mande sur la base de la Loi fédé­rale sur la trans­pa­rence (LTrans) ainsi que toute corres­pon­dance y rela­tive. L’OFSP a refusé l’accès à ces docu­ments le 24 septembre 2020 en se fondant l’art. 8 al. 4 LTrans et en indi­quant, pour le surplus, que l’art. 7 al. 1 let. g LTrans demeu­rait réservé après l’issue de toutes les négo­cia­tions contractuelles.

La procé­dure de média­tion (art. 13 LTrans) ouverte le 1er octobre 2020 par le requé­rant s’est soldée par un échec, condui­sant le Préposé fédé­ral à la protec­tion des données et à la trans­pa­rence (PFPDT) à rendre le 29 octobre 2020 une recom­man­da­tion au sens de l’art. 14 LTrans.

En vertu de l’art. 8 al. 4 LTrans, « l’accès à des docu­ments offi­ciels expri­mant une prise de posi­tion dans le cadre de négo­cia­tions en cours ou futures est exclu dans tous les cas ». Selon la juris­pru­dence et contrai­re­ment à l’opinion soute­nue par l’OFSP dans le cadre de cette procé­dure, cette dispo­si­tion ne trouve pas à s’appliquer à des docu­ments concer­nant des négo­cia­tions d’ores et déjà conclues (TAF, A‑306/​2015, c. 6. 4).

Cela étant, l’objet du contrat conclu requis, ainsi que la posi­tion de la Suisse qu’il reflète dans de telles négo­cia­tions, sont les mêmes que pour les contrats étant en train d’être négo­ciés avec d’autres parties. Ce docu­ment et la corres­pon­dance y rela­tives pour­raient donc être étroi­te­ment liés dans le temps à des négo­cia­tions en cours ou futures qui pour­raient être comprises comme un proces­sus global.

Toutefois, la PFPDT laisse ouverte la ques­tion de savoir si la situa­tion extra­or­di­naire engen­drée par la pandé­mie de coro­na­vi­rus doit conduire à rete­nir en l’espèce un cas parti­cu­lier au sens de l’art. 8 LTrans, pour exami­ner l’exception prévue par l’art. 7 al. 1 let. f LTrans. Cette dispo­si­tion prévoit que le « le droit d’accès est limité, différé ou refusé, lorsque l’accès à un docu­ment offi­ciel risque de compro­mettre les inté­rêts de la poli­tique écono­mique ou moné­taire de la Suisse ». Il en va ainsi lorsque la divul­ga­tion d’un docu­ment offi­ciel mettrait la Confédération dans une situa­tion de désa­van­tage concurrentiel.

Le PFPDT souligne que la pandé­mie de coro­na­vi­rus persiste aujourd’­hui et qu’aucun vaccin n’est encore dispo­nible. Aussi bien l’industrie phar­ma­ceu­tique que les États sont de fait dans une course mondiale pour, d’un côté, déve­lop­per un vaccin et, de l’autre, en acqué­rir en doses suffisantes.

En l’occurrence, la Suisse négo­cie avec divers fabri­cants, car le contrat requis et la corres­pon­dance y rela­tive portent sur des doses qui ne seront de toute manière pas suffi­santes pour couvrir la demande de la popu­la­tion suisse. La stra­té­gie diver­si­fiée de la Confédération est aussi la consé­quence du fait qu’il n’existe aucune certi­tude quant au fait de savoir quel vaccin sera effi­cace et quand il le sera. Ainsi, l’accessibilité des docu­ments requis affai­bli­rait la posi­tion de négo­cia­tion de la Suisse vis-à-vis de ses parte­naires contrac­tuels et permet­trait à d’autres États d’adapter en consé­quence leur stra­té­gie de négo­cia­tion avec ces mêmes parte­naires. Le risque d’une situa­tion de désa­van­tage concur­ren­tiel est signi­fi­ca­tif et sérieux. Par consé­quent, l’accès aux docu­ments requis risque de compro­mettre les inté­rêts écono­miques de la Suisse.

Enfin, il peut être relevé comme l’a fait l’OFSP que l’acquisition d’un vaccin est d’un inté­rêt public impé­rieux et s’inscrit dans le but de proté­ger la vie et la santé de la popu­la­tion, l’art. 44 de la Loi sur les épidé­mies enjoi­gnant qui plus est au Conseil fédé­ral d’assurer « l’approvisionnement de la popu­la­tion en produits théra­peu­tiques les plus impor­tants en matière de lutte contre les mala­dies transmissibles ».

Partant, le refus de l’OFSP de divul­guer le contrat de précom­mande des vaccins contre le coro­na­vi­rus, ainsi que toute la corres­pon­dance y rela­tive, est justi­fié sur la base de l’art. 7 al. 1 let. f LTrans.

Nous igno­rons si le conten­tieux rela­tif à cette recom­man­da­tion a connu une évolu­tion avec une éven­tuelle déci­sion de l’OFSP (art. 15 LTrans) et un recours contre celle-ci (art. 16 LTrans). Nonobstant l’in­té­rêt public à connaître les détails de tels contrats en raison de la manne finan­cière inves­tie par les auto­ri­tés et l’im­por­tance de la crise sani­taire, il est fort peu probable que les auto­ri­tés accèdent en l’état à ce type de demande en raison de la course au vaccin qui existe aujourd’­hui. La recom­man­da­tion du PFPDT est donc justi­fiée et logique selon nous. Toutefois, le PFPDT relève pour termi­ner que l’existence de l’exception de l’art. 7 al. 1 let. f LTrans n’est que tempo­raire, ce qui signi­fie deux choses : d’une part, il se pour­rait que les docu­ments requis puissent être acces­sibles au terme de la crise sani­taire et après la conclu­sion de toutes les négo­cia­tions rela­tives à l’acquisition de vaccins contre le coro­na­vi­rus ; d’autre part, d’autres excep­tions, dont notam­ment l’art. 7 al. 1 let. g LTrans, pour­raient encore entrer en jeu pour refu­ser l’accès.

En défi­ni­tive, le requé­rant devra se conten­ter des bribes de révé­la­tion four­nies par négli­gence par le Conseiller fédé­ral Alain Berset lors de la confé­rence de presse du 11 novembre 2020 (de 39:50 à 40:41), à condi­tion, comme le dit Alain Berset, de les oublier néanmoins…



Proposition de citation : Kastriot Lubishtani, Divulgation d’un contrat de précommande de vaccins contre le coronavirus, 17 novembre 2020 in www.swissprivacy.law/30


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
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