swissprivacy.law
  • Décision
  • Doctrine
  • Jurisprudence
  • Réglementation
  • À propos
  • Abonnement à notre newsletter
  • Generic selectors
    Expression exacte 
    Rechercher dans le titre 
    Rechercher dans le contenu 
    Post Type Selectors
swissprivacy.law
  • Décision
  • Jurisprudence
  • Doctrine
  • Réglementation
  • À propos
  • Generic selectors
    Expression exacte 
    Rechercher dans le titre 
    Rechercher dans le contenu 
    Post Type Selectors
S'abonner
-->

Pas de transparence sur la solidarité fiscale entre époux

Nathan Philémon Matantu, le 17 mai 2024
Le Tribunal fédé­ral valide le rejet de deux demandes d’informations qui occa­sionnent une charge de travail mani­fes­te­ment dispro­por­tion­née. En parti­cu­lier, il est repro­ché aux deman­de­resses d’avoir allé­gué, sans l’avoir étayé, qu’un logi­ciel permet d’identifier les docu­ments pertinents. 

TF, arrêt 1C_​494/​2023 du 2 février 2024

Introduction

Se fondant sur la Loi vaudoise du 24 septembre 2002 sur l’information (LInfo ; BLV 170.21), deux asso­cia­tions s’adressent au Tribunal canto­nal vaudois et aux dix offices des pour­suites vaudois pour obte­nir des infor­ma­tions et des docu­ments offi­ciels rela­tifs à la soli­da­rité fiscale entre époux instau­rée par l’art. 14 de la Loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs canto­naux (LI ; BLV 642.11). Cette soli­da­rité fiscale a pour effet que les époux vivant en ménage commun répondent soli­dai­re­ment du montant global de l’impôt.

Ces deux asso­cia­tions solli­citent l’obtention d’une liste des affaires portées devant les juri­dic­tions canto­nales entre 2010 et 2020, dans lesquelles des personnes sépa­rées ou divor­cées ont été appe­lées à répondre de la dette fiscale de leur (ex-)conjoint(e) en raison de la soli­da­rité fiscale entre époux (art. 14 al. 1 LI) – avec mention d’un éven­tuel recours au Tribunal fédé­ral –, d’une liste anony­mi­sée des actes de pour­suites noti­fiés entre 2010 et 2021 – avec mention de l’année, des montants ainsi que du code postal et du sexe des personnes concer­nées –, d’une copie anony­mi­sée des déci­sions, des pronon­cés et des arrêts rendus entre 2010 et 2020 ainsi que d’une copie caviar­dée des actes de pour­suites noti­fiés entre 2017 et 2021 et de tous les actes de saisie sur salaire.

La Chargée de commu­ni­ca­tion de l’Ordre judi­ciaire vaudois rejette ces demandes aux motifs qu’elles portent sur des millions de docu­ments et que le travail néces­saire pour y répondre serait dispro­por­tionné et entra­ve­rait donc le fonc­tion­ne­ment des tribu­naux et des offices des pour­suites. Également débou­tées par le Tribunal canto­nal vaudois, les deux asso­cia­tions recourent devant le Tribunal fédé­ral. Elles invoquent une viola­tion de la liberté d’information (art. 16 al. 3 Cst. et art. 17 Cst./VD) et se plaignent d’une appli­ca­tion arbi­traire (art. 9 Cst.) des art. 16 al. 1, 16 al. 2 let. c et 17al. 2 LInfo.

Le droit à l’information selon la LInfo

En prin­cipe, les rensei­gne­ments, les infor­ma­tions et les docu­ments offi­ciels déte­nus par les auto­ri­tés listées à l’art. 2 LInfo sont acces­sibles à quiconque en fait la demande. En l’espèce, le Tribunal fédé­ral retient que les déci­sions judi­ciaires et les actes de pour­suites solli­ci­tés sont des docu­ments offi­ciels au sens de l’art. 9 LInfo et ont été établis par une auto­rité au sens de l’art. 2 al. 1 c LInfo. Il se demande néan­moins si l’accès aux actes de pour­suite est exclu­si­ve­ment régi par l’art. 8a LP, mais laisse la ques­tion ouverte.

Le droit à l’information n’est toute­fois pas absolu (art. 8 al. 2 LInfo). En effet, une auto­rité peut renon­cer à publier ou à trans­mettre des infor­ma­tions, le faire que partiel­le­ment ou refu­ser leur publi­ca­tion ou leur trans­mis­sion si des inté­rêts publics ou privés prépon­dé­rants s’y opposent (art. 16 al. 1 LInfo). Il en est ainsi lorsque le travail occa­sionné est mani­fes­te­ment dispro­por­tionné (art. 16 al. 2 let. c LInfo), ce qui signi­fie que l’autorité n’est pas en mesure, avec le person­nel et l’infrastructure dont elle dispose ordi­nai­re­ment, de satis­faire à la demande de consul­ta­tion sans pertur­ber consi­dé­ra­ble­ment l’accomplissement de ses tâches (art. 24 du Règlement d’ap­pli­ca­tion de la loi du 24 septembre 2002 sur l’in­for­ma­tion ; RLInfo ; BLV 170.21.1).

Ce régime est conforme à la juris­pru­dence constante du Tribunal fédé­ral, selon laquelle une demande d’informations peut être refu­sée si elle requiert un effort suscep­tible de para­ly­ser le fonc­tion­ne­ment d’une auto­rité (ATF 147 I 407 consid. 6.4.2, résumé in lawin​side​.ch/​1​082 ; 144 I 170 consid. 8.2 et 142 II 324 consid. 3.5 , résumé in lawin​side​.ch/​300 ; cf. ég. art. 30 al. 3 Cst.). Dans son arrêt 1C_​584/​2022 du 20 juin 2023, notre Haute Cour a jugé que le travail occa­sionné par une demande portant sur 243 docu­ments et néces­si­tant envi­ron 148 heures de caviar­dage est bien disproportionné.

En l’espèce, compte tenu du nombre impor­tant de docu­ments visés par les demandes d’informations, l’enjeu du recours est de déter­mi­ner si le travail qu’elles occa­sionnent est disproportionné.

Une charge de travail dispro­por­tion­née malgré les logi­ciels disponibles ?

Dans l’arrêt canto­nal GE.2023.0115 du 16 août 2023, le Tribunal canto­nal retient qu’une recherche auto­ma­tique dans les systèmes infor­ma­tiques des auto­ri­tés n’est d’aucune utilité, dans la mesure où il n’est pas certain que la soli­da­rité soit systé­ma­ti­que­ment mention­née de manière iden­tique dans tous les docu­ments – pour autant qu’elle le soit. Or, cette absence de systé­ma­tique rend le résul­tat de recherche à tout le moins approxi­ma­tif. Le site permet­tant de consul­ter la juris­pru­dence canto­nale n’est d’aucun secours, puisque toutes les déci­sions de première instance n’y sont pas publiées. En tout état, les auto­ri­tés devraient consa­crer passa­ble­ment de temps pour iden­ti­fier les docu­ments perti­nents, puis pour les anony­mi­ser ou les caviarder.

Le Tribunal fédé­ral consi­dère que ce raison­ne­ment n’est pas arbi­traire. En outre, alors que les asso­cia­tions avancent qu’un logi­ciel permet de faci­li­ter la tâche des auto­ri­tés, le Tribunal fédé­ral est d’avis que

« [l]es recou­rantes ne font qu’al­lé­guer, sans l’étayer, qu’il exis­te­rait un logi­ciel permet­tant d’iso­ler faci­le­ment les docu­ments visés par leur demande. Il n’est pas davan­tage établi que les cas d’ap­pli­ca­tion de l’art. 14 LI puissent être isolés sans une recherche dans le texte de l’arrêt ».

Finalement, l’argumentaire que les recou­rantes déduisent de l’art. 10 CEDH ne convainc pas non plus le Tribunal fédé­ral. En effet, l’art. 10 CEDH ne s’oppose pas au refus d’une demande d’informations qui entraîne une charge de travail consi­dé­rable et dispro­por­tion­née. Partant, le Tribunal fédé­ral rejette leur recours.

Une appré­cia­tion

Bien que le Tribunal fédé­ral n’ait analysé l’application de la LInfo que sous l’angle des droits fonda­men­taux (art. 95 et 106 al. 2 LTF), il n’en demeure pas moins que cet arrêt four­nit des ensei­gne­ments précieux au justi­ciable dont la demande d’informations engendre une charge de travail que l’autorité pour­rait quali­fier de disproportionnée.

En premier lieu, cet arrêt met en évidence que les demandes peuvent occa­sion­ner une charge de travail consi­dé­rable car les auto­ri­tés ne sont pas toujours systé­ma­tiques dans la manière de mention­ner les notions juri­diques sur lesquels portent lesdites demandes (ici, la soli­da­rité fiscale de l’art. 14 LI). En effet, l’orthographe d’un mot, l’usage de signes de ponc­tua­tion ou la (non-)mention de la base légale topique impactent les résul­tats de recherche. Face à ce constat, il n’est pas inutile pour le deman­deur de faci­li­ter le travail de l’autorité en lui trans­met­tant des exemples de prompts pertinents.

En deuxième lieu, le présent arrêt met en évidence que le deman­deur ne peut se conten­ter d’alléguer l’existence de logi­ciels permet­tant d’identifier les docu­ments visés par la demande.

Enfin, si une auto­rité consi­dère que le travail induit par une demande est dispro­por­tionné, le deman­deur peut égale­ment formu­ler une nouvelle demande qui engendre moins de travail. En l’espèce, dans leur recours devant le Tribunal fédé­ral, les asso­cia­tions se plaignent pour la première fois de ne pas avoir pu refor­mu­ler leur demande (art. 25 al. 2 RLInfo). Par consé­quent, le Tribunal fédé­ral déclare ce grief irrecevable.



Proposition de citation : Nathan Philémon Matantu, Pas de transparence sur la solidarité fiscale entre époux, 17 mai 2024 in www.swissprivacy.law/300


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
Sur ce thème
  • Sujets traités lors d’une séance d’un exécutif communal vaudois : publics ou confidentiels ?
  • Le Ministère public central du canton de Vaud soumis au principe de la transparence
  • Automatisation et systèmes de gestion des risques au sein des administrations fiscales cantonales
  • L’accès aux données d’examen
Derniers articles
  • Les modèles de prix confidentiels soumis au principe de la transparence ?
  • Transparence à géométrie variable : le malaise vaudois
  • Votre carte d’identité comme carte de fidélité RGPD
  • Les limites du secret d’affaires : Analyse des recommandations du PFPDT par le TAF
Abonnement à notre newsletter
swissprivacy.law