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Les modèles de prix confidentiels soumis au principe de la transparence ?

Nathan Philémon Matantu, le 28 mai 2025
Sous réserve d’exceptions au prin­cipe de la trans­pa­rence, la LTrans a pour consé­quence que des clauses contrac­tuelles que les parties déclarent confi­den­tielles, en parti­cu­lier celles rela­tives aux modèles de prix, pour­raient ne pas le rester en raison de leur commu­ni­ca­tion à l’Office fédé­ral de la santé publique. 

TF, arrêt 1C_​475/​2023 du 18 février 2025

Introduction

Deux socié­tés sont titu­laires d’une auto­ri­sa­tion de Swissmedic pour propo­ser la théra­pie par lympho­cytes CAR‑T, un trai­te­ment inno­vant utilisé pour lutter contre le cancer. En substance, ce trai­te­ment consiste à modi­fier géné­ti­que­ment les globules blancs des patients afin qu’ils attaquent les cellules cancé­reuses. Ce trai­te­ment a le statut de « médi­ca­ment orphe­lin », c’est-à-dire qu’il s’agit d’un médi­ca­ment impor­tant contre des mala­dies rares (art. 4 al. 1 let. adecies cum art. 14 al. 1 let. f de la Loi fédé­rale du 15 décembre 2000 sur les produits théra­peu­tiques, « LPTh »).

La prise en charge de ce trai­te­ment par l’assurance obli­ga­toire des soins (« AOS ») suppose qu’il soit effi­cace, appro­prié et écono­mique (art. 32 de la Loi fédé­rale du 18 mars 1994 sur l’assurance-maladie, « LAMal »). Lorsqu’une pres­ta­tion dont l’efficacité, l’adéquation ou le carac­tère écono­mique sont en cours d’évaluation, le Département fédé­ral de l’intérieur (« DFI »), après avoir obtenu conseil auprès de la Commission des pres­ta­tions et des prin­cipes (cf. art. 33 al. 4 LAMal cum art. 37a let. a de l’Ordonnance fédé­rale du 27 juin 1995 sur l’assurance-maladie, « OAMal »), déter­mine dans quelle mesure l’AOS prend en charge les coûts y rela­tifs (art. 33 al. 3 et 5 LAMal, art. 33 let. c OAMal cum art. 1 de l’Ordonnance sur les pres­ta­tions de l’assurance des soins, « OPAS »).

En l’occurrence, selon le chapitre 2.5 (« Oncologie ») de l’Annexe 1 de l’OPAS dans sa teneur au 1er juillet 2020, l’AOS prend provi­soi­re­ment en charge la théra­pie par lympho­cytes CAR‑T à certaines condi­tions (cf. art. 1 let. b OPAS). Par consé­quent, elle couvre les coûts confor­mé­ment à la conven­tion tari­faire conclue entre les assu­reurs et plusieurs hôpi­taux (art. 43 al. 4 LAMal) et approu­vée par le Conseil fédé­ral (art. 46 al.  4 LAMal). Les coûts ne sont toute­fois pas couverts à hauteur des prix maxi­maux, mais unique­ment à hauteur des prix réels (infé­rieurs) tels que préa­la­ble­ment négo­ciés entre les titu­laires d’autorisation et les hôpi­taux. Ces prix infé­rieurs ne sont toute­fois valables que s’ils demeurent confidentiels.

Le 28 août 2020, un jour­na­liste requiert de l’Office fédé­ral de la santé publique (« OFSP ») entre autres l’accès aux docu­ments rela­tifs aux modèles de prix confi­den­tiels (prix réel­le­ment payés par l’AOS, les resti­tu­tions à l’AOS et les coûts esti­més de la théra­pie). Il mentionne notam­ment une conven­tion tari­faire du 26 août 2020. À la suite de l’échec de la procé­dure de conci­lia­tion devant le PFPDT (art. 13 s. LTrans) – lequel recom­man­dait à l’OFSP d’octroyer un accès complet aux docu­ments en caviar­dant tout au plus les noms des personnes physiques – et du rejet de son recours inter­jeté contre la déci­sion de l’OFSP (art. 15 LTrans), le jour­na­liste recourt auprès du Tribunal fédé­ral pour obte­nir accès aux docu­ments précités.

Cadre de l’analyse du Tribunal fédéral

Sous réserve de dispo­si­tions spéciales au sens de l’art. 4 LTrans, toute personne a le droit de consul­ter des docu­ments offi­ciels et d’obtenir des rensei­gne­ments sur leur contenu de la part des auto­ri­tés (art. 6 al. 1 LTrans). Le prin­cipe de la trans­pa­rence n’est toute­fois pas absolu. En effet, le droit d’accès peut être limité, différé ou refusé en présence d’une excep­tion énumé­rée à l’art. 7 LTrans ou de certains cas parti­cu­liers prévus à l’art. 8 LTrans.

En l’espèce, l’OFSP a motivé sa déci­sion de refus partiel en se fondant sur l’art. 7 al. 1 let. b (entrave à l’exécution de mesures concrètes prises par une auto­rité) et g (risque de révé­la­tion de secrets profes­sion­nels, d’affaires ou de fabri­ca­tion) ainsi que sur l’art. 8 al. 4 LTrans (révé­la­tion d’une prise de posi­tion dans le cadre de négo­cia­tions en cours ou futures).

Dans son arrêt A‑2459/​2021 du 27 juillet 2023, le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral a confirmé le rejet partiel de la demande d’accès en se fondant unique­ment sur l’art. 7 al. 1 let. b LTrans. Le Tribunal fédé­ral est donc amené à se pronon­cer sur la bonne appli­ca­tion de cette disposition.

Exception rela­tive à l’entrave à l’exécution de mesures concrètes d’une autorité

Les auto­ri­tés disposent d’une certaine flexi­bi­lité dans la mise en œuvre des excep­tions énumé­rées à l’art. 7 LTrans (Message rela­tif à la LTrans, FF 2003 1807, p. 1850). Cela étant, les auto­ri­tés ne peuvent pas se limi­ter à invo­quer une expli­ca­tion hypo­thé­tique. D’une part, la menace d’une atteinte aux inté­rêts publics ou privés, qui justi­fie le recours à une excep­tion, doit être suffi­sam­ment carac­té­ri­sée. D’autre part, la menace doit être sérieuse (ATF 144 II 77, consid. 3).

L’une de ces excep­tions concerne le risque d’entrave à l’exécution d’une mesure concrète. En effet, aux termes de l’art. 7 al. 1 let. b LTrans,

« [l]e droit d’accès est limité, différé ou refusé, lorsque l’accès à un docu­ment offi­ciel entrave l’exécution de mesures concrètes prises par une auto­rité confor­mé­ment à ses objectifs ».

Dans la concep­tion du légis­la­teur, cette excep­tion a voca­tion à s’appliquer « lorsque, avec une grande proba­bi­lité, une mesure n’atteindrait plus ou pas entiè­re­ment son but si certaines infor­ma­tions qui préparent cette mesure étaient rendues acces­sibles ». Il en est notam­ment ainsi des mesures de surveillance ou des inspec­tions des auto­ri­tés fiscales (Message rela­tif à la LTrans, FF 2003 1807, p. 1850).

En l’espèce, comme indi­qué en intro­duc­tion, tant la prise en charge de la théra­pie par l’AOS que l’approbation de la conven­tion tari­faire présup­posent un examen de son carac­tère écono­mique. Dans ce contexte, l’OFSP four­nit son exper­tise. En outre, il coor­donne et parti­cipe égale­ment aux travaux de la Commission des pres­ta­tions et des prin­cipes. L’OFSP estime que ces actes consti­tuent des mesures concrètes. Or, dans l’hypothèse où les prix réels sont révé­lés, les titu­laires d’autorisation pour­raient soit factu­rer la théra­pie au prix maxi­mal – ce qui compro­met­trait sa prise en charge par l’AOS (cpr. art. 32 et 46 al. 4 LAMal) –, soit complè­te­ment renon­cer à la propo­ser sur le marché suisse. Pour cause, s’il s’avère que le prix réel dans l’îlot de cherté suisse est en fait bien infé­rieur au prix de cata­logue, les auto­ri­tés étran­gères pour­raient tenter de négo­cier les prix à la baisse.

Cette argu­men­ta­tion ne convainc pas le Tribunal fédé­ral. Il se réfère d’abord à l’art. 43 al. 6 LAMal. Bien que cette dispo­si­tion oblige les auto­ri­tés à « veille[r] à ce que les soins soient appro­priés et leur qualité de haut niveau, tout en étant le plus avan­ta­geux possible », il s’agit d’un prin­cipe, et non d’une mesure concrète. Quant à l’approbation de la conven­tion tari­faire, elle consti­tue certes une mesure concrète, mais elle n’est aucu­ne­ment entra­vée par l’octroi d’un accès aux docu­ments sollicités.

Par consé­quent, le Tribunal fédé­ral admet le recours du jour­na­liste et renvoie l’affaire au Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral. Ce dernier devra déter­mi­ner si d’autres excep­tions au prin­cipe de la trans­pa­rence justi­fient ici un refus d’accès.

Une appré­cia­tion

En l’état actuel du droit, la solu­tion rete­nue par le Tribunal fédé­ral est convain­cante. Cela étant, la présente contri­bu­tion a démon­tré que cet arrêt est suscep­tible d’avoir des inci­dences sur le prix du trai­te­ment, voire sur sa dispo­ni­bi­lité en Suisse. L’OFSP et les titu­laires d’autorisation peuvent encore éviter cette issue s’ils convainquent le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral de l’applicabilité de l’art. 7 al. 1 let. g (risque de révé­la­tion de secrets profes­sion­nels, d’affaires ou de fabri­ca­tion) et/​ou l’art. 8 al. 4 LTrans (révé­la­tion d’une prise de posi­tion dans le cadre de négo­cia­tions en cours ou futures).

S’agissant de cette dernière dispo­si­tion, elle ne paraît pas appli­cable. En effet, ce cas parti­cu­lier concerne unique­ment les négo­cia­tions en cours ou futures, l’idée étant qu’« une négo­cia­tion ne peut pas être menée de manière effi­cace si une partie devait être contrainte d’abattre ses cartes avant même qu’elle ne commence » (Message rela­tif à la LTrans, FF 2003 1807, p. 1856). Lorsque les négo­cia­tions sont closes, les excep­tions de l’art. 7 LTrans sont plus indi­quées. En l’espèce, il y a deux écueils à l’application de l’art. 8 al. 4 LTrans. D’une part, les négo­cia­tions sont menées par les parte­naires tari­faires, sans impli­ca­tion d’une quel­conque auto­rité. D’autre part, l’approbation de la conven­tion tari­faire n’intervient que posté­rieu­re­ment à sa conclusion.

En revanche, l’application de l’art. 7 al. 1 let. g LTrans à la présente affaire ne peut être exclue. En effet, la juris­pru­dence rela­tive à cette dispo­si­tion défi­nit les secrets d’affaires comme toutes les infor­ma­tions qu’un entre­pre­neur souhaite légi­ti­me­ment garder secrètes respec­ti­ve­ment qui pour­raient nuire au succès commer­cial de l’en­tre­prise ou faus­ser la concur­rence si elles étaient connues des entre­prises concur­rentes (ATF 144 II 91, consid. 3.1). Le Tribunal fédé­ral inter­pré­tant cette notion large­ment (ATF 142 II 340, consid. 3.2.), le prix réel­le­ment prati­qué en Suisse, lequel influe sur le chiffre d’affaires réalisé par les titu­laires d’autorisation sur leurs diffé­rents marchés, est suscep­tible de consti­tuer un secret d’affaires.

Si tel n’est pas le cas, les docu­ments solli­ci­tés par le jour­na­liste seront rendus publics. Or, dans les circons­tances du cas d’espèce, ce scéna­rio n’est para­doxa­le­ment pas le plus favo­rable pour les patients souf­frant d’un cancer et pour les autres payeurs de prime. Comme exposé précé­dem­ment, les titu­laires d’autorisation pour­raient reve­nir aux prix maxi­maux, à moins qu’ils décident carré­ment de quit­ter le marché suisse.

Modification légis­la­tive adoptée

Le Conseil fédé­ral, conscient de cette problé­ma­tique (Message concer­nant la modi­fi­ca­tion de la LAMal (Mesures visant à frei­ner la hausse des coûts, 2e volet), FF 2022 2427, p. 35 ss et 60 s.), a proposé l’ajout d’un art. 52 c nLAMal (Confidentialité des infor­ma­tions rela­tives aux resti­tu­tions). Adopté par le Parlement le 21 mars 2025, ce texte a la teneur suivante :

1 Le Conseil fédé­ral peut prévoir que les infor­ma­tions rela­tives au montant, au calcul ou aux moda­li­tés de resti­tu­tions versées aux assu­reurs ou au fonds visé à l’art. 18, al. 2septies, let. b sur la base de conven­tions tari­faires, d’accords ou de déci­sions de l’OFSP ne sont pas acces­sibles aux tiers. Il peut égale­ment le prévoir pour les accords de resti­tu­tion commu­ni­qués aux auto­ri­tés canto­nales compé­tentes dans le cadre de la procé­dure d’approbation visée à l’art. 46, al. 4.

2 Lorsque les infor­ma­tions visées à l’al. 1 ne sont pas acces­sibles aux tiers, l’autorité compé­tente refuse les demandes d’accès qui se fondent sur la loi du 17 décembre 2004 sur la trans­pa­rence (LTrans) ou les dispo­si­tions canto­nales correspondantes.

3 L’OFSP publie régu­liè­re­ment un rapport, réalisé par un orga­nisme indé­pen­dant, sur la mise en œuvre des modèles de prix selon l’art. 52b.

Le délai réfé­ren­daire court jusqu’au 10 juillet 2025. Si cette dispo­si­tion entre en vigueur, le recours à l’art. 7 al. 1 let. g LTrans devien­dra super­flu (cf. art. 4 LTrans).



Proposition de citation : Nathan Philémon Matantu, Les modèles de prix confidentiels soumis au principe de la transparence ?, 28 mai 2025 in www.swissprivacy.law/355


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