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Principe de transparence et relations internationales

Samia Moura, le 4 juin 2025
Le système de peer review du Forum mondial fait de la rela­tion aux Etats parte­naires un enjeu crucial en matière d’entraide fiscale, en vertu duquel le prin­cipe de trans­pa­rence peut être limité.

TF 1C_​346/​2023 du 16 décembre 2024

Un parti­cu­lier s’est adressé à l’Administration fédé­rale des contri­bu­tions (AFC) dans le but d’obtenir l’accès à une note interne en matière d’entraide admi­nis­tra­tive fiscale entre la Suisse et l’Inde. Cette note, datant du 19 août 2016, compor­tait des éléments de conso­li­da­tion des travaux des auto­ri­tés compé­tentes, dont le contenu d’une première réunion avait été consi­gné et rendu public dans une décla­ra­tion conjointe. L’AFC a refusé l’accès à la note au motif que la trans­mis­sion de cette dernière repré­sen­te­rait un risque pour les inté­rêts de la Suisse en matière de poli­tique exté­rieure et affec­te­rait ses rela­tions internationales.

Suite à l’échec de la procé­dure de média­tion auprès du PFPDT, le recou­rant ouvre action auprès du Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral, qui rejette la demande. Le Tribunal fédé­ral s’est alors prononcé sur la ques­tion dans une déci­sion du 16 décembre 2024.

Le deman­deur concluait, subsi­diai­re­ment à l’accès plein et entier au docu­ment, à une possi­bi­lité de le consul­ter sur place, sous menace de sanc­tions pénales au sens de l’art. 292 CP. Cette approche doit être vive­ment criti­quée, dans la mesure où elle s’oppose au prin­cipe access to one access to all. En effet, face à l’insistance de certaines demandes, les auto­ri­tés octroient parfois l’accès à un docu­ment à consul­ter sur place, étant entendu qu’elles enta­me­ront des démarches pénales à l’égard du parti­cu­lier s’il venait à divul­guer les infor­ma­tions dont il a pris connais­sance. Il convient d’écarter d’office cette pratique car elle contre­vient à l’essence même du prin­cipe de trans­pa­rence des auto­ri­tés, qui prévoit un accès égali­taire aux docu­ments officiels.

L’analyse du TF se fonde dans un premier temps sur la ques­tion de la base légale appli­cable. L’instance précé­dente avait déduit l’existence d’un devoir de confi­den­tia­lité de la Convention entre la Confédération suisse et la République de l’Inde en vue d’évi­ter les doubles impo­si­tions en matière d’im­pôts sur le revenu du 2 novembre 1994, en arguant que cette dernière s’inspirait de l’art. 26 al. 2 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE, servant alors de base à l’interprétation.

Le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral avait cepen­dant laissé ouverte la ques­tion de savoir si, en l’espèce, cette dispo­si­tion était suffi­sante pour admettre que le cas était régi par une lex specia­lis, entraî­nant alors un refus d’accès au sens de l’art. 4 let. a de la LTrans. Celui-ci esti­mait en effet qu’à défaut d’être couvert par l’art. 4 let. a LTrans, le refus d’accès était quoi qu’il en soit couvert par l’exception au prin­cipe de trans­pa­rence étatique de l’art. 7 al. 1 let. d LTrans. Cette vision a été suivie par le Tribunal fédé­ral, qui n’a pas tran­ché la ques­tion de la confi­den­tia­lité de l’accès aux notes internes en vertu du modèle de conven­tion fiscale de l’OCDE.

Notre Haute Cour rappelle alors que le régime de trans­pa­rence étatique a été modi­fié par l’entrée en vigueur de la LTrans le 1er juillet 2006 et que le prin­cipe du secret de l’administration étatique a été renversé au profit du prin­cipe de trans­pa­rence, dans les limites posées par la loi. La LTrans établit dès lors une présomp­tion de libre accès aux docu­ments offi­ciels, dont il incombe à l’autorité de démon­trer l’inapplicabilité en vertu des excep­tions légales justi­fiant un refus d’accès.

Une auto­rité peut donc refu­ser, limi­ter ou diffé­rer l’accès à un docu­ment offi­ciel notam­ment lorsque sa publi­ca­tion est suscep­tible de nuire aux inté­rêts de la Suisse en matière de poli­tique exté­rieure et rela­tions inter­na­tio­nales, au sens de l’art. 7 al. 1 let. d LTrans. La menace de préju­dice en cas de divul­ga­tion doit toute­fois être substan­tielle et le risque de surve­nance de ce préju­dice doit être élevé, ce qui suppose, selon la juris­pru­dence du Tribunal fédé­ral, qu’il ne soit pas simple­ment hypo­thé­tique et qu’il n’entraîne pas que des consé­quences mineures ou incom­mo­dantes (Urteil 1C_​222/​2018  vom 21. März 2019 E. 3.4).

L’AFC a clari­fié la nature de la note dans sa prise de posi­tion, spéci­fiant qu’elle était le fruit de la colla­bo­ra­tion des auto­ri­tés fiscales compé­tentes des deux États et qu’elle ne reflé­tait ainsi pas exclu­si­ve­ment le point de vue de l’AFC. Celle-ci s’ap­puie au surplus sur le Joint OECD/​Global Forum Guide on the Protection of Confidentiality of Information Exchanged for Tax Purposes de 2012 pour affir­mer que la confi­den­tia­lité est capi­tale à l’élaboration d’une coopé­ra­tion effi­cace en matière d’entraide administrative.

Se basant sur de précé­dentes expé­riences avec des États parte­naires, l’AFC a démon­tré que l’Inde consi­dère la confi­den­tia­lité de la note comme un acquis et s’opposerait dès lors à sa publi­ca­tion. L’AFC relève égale­ment que les viola­tions de normes inter­na­tio­nales, y compris les règles de confi­den­tia­lité, sont suscep­tibles d’avoir un impact sur l’éva­lua­tion par les pairs (peer review) prati­qué par Le Forum mondial sur la trans­pa­rence et l’échange de rensei­gne­ments à des fins fiscales (Forum mondial) et d’ainsi affec­ter néga­ti­ve­ment les rela­tions inter­na­tio­nales de la Suisse.

Le recou­rant allègue alors que l’Inde est égale­ment dépen­dante d’une bonne colla­bo­ra­tion avec la Suisse, eu regard à l’évaluation par les pairs du Forum mondial, mais cet argu­ment est rejeté par le Tribunal fédé­ral, n’étant pas propre à contre­dire les faits avan­cés par l’AFC.

Il ressort de cet arrêt que le droit d’accès aux docu­ments offi­ciels est suscep­tible d’être limité dès lors qu’une compo­sante trans­na­tio­nale inter­vient. En effet, en matière de poli­tique exté­rieure, la Suisse doit compo­ser avec ses propres inté­rêts mais égale­ment avec ceux des États parte­naires, sous peine de sacri­fier sa note au Forum mondial.



Proposition de citation : Samia Moura, Principe de transparence et relations internationales, 4 juin 2025 in www.swissprivacy.law/356


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