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Rapports d’incidents et prothèses : la transparence est de mise

Frédéric Erard, le 30 novembre 2020
Par arrêt du 3 novembre 2020, le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral a jugé que certains aspects impor­tants des rapports d’incidents liés aux dispo­si­tifs médi­caux devaient être divul­gués en respect du prin­cipe de trans­pa­rence. L’argument selon lequel les profes­sion­nels de la santé pour­raient être décou­ra­gés de signa­ler les inci­dents ou celui de la protec­tion des données person­nelles de la fabri­cante ont notam­ment été écartés.

Arrêt du Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral (TAF) du 2 novembre 2020, A‑3334/​2019, A‑3382/​2019.

La légis­la­tion rela­tive aux produits théra­peu­tiques (art. 59 LPTh et 14 ODim) impose aux utili­sa­teurs (profes­sion­nels qui recourent à un dispo­si­tif médi­cal) et aux fabri­cants d’annoncer immé­dia­te­ment à Swissmedic les inci­dents graves dont ils ont connais­sance. On parle à cet égard de « maté­rio­vi­gi­lance ». Le rapport d’annonce des utili­sa­teurs (« rapport utili­sa­teur ») comprend notam­ment une brève descrip­tion de l’incident, l’indication du dispo­si­tif médi­cal concerné et certaines carac­té­ris­tiques du patient. Le rapport d’annonce du fabri­cant (« rapport fabri­cant ») contient quant à lui une rubrique rela­tive aux résul­tats d’investigation menée suite à l’annonce de l’utilisateur, ainsi que l’indication des pays dans lesquels le dispo­si­tif a été distri­bué et ceux dans lesquels des inci­dents simi­laires se sont produits.

Le 19 décembre 2018, une jour­na­liste a déposé une demande d’accès adres­sée à Swissmedic portant sur les « rapports d’incidents concer­nant la prothèse MaxiMOM (la prothèse) de Symbios Orthopédie SA (la fabri­cante) caviar­dés de leurs données person­nelles ». La demande d’accès visait essen­tiel­le­ment les rapports liés aux cas de métal­lose (phéno­mène anor­mal d’usure d’un implant). Après une procé­dure de média­tion devant le Préposé fédé­ral à la protec­tion des données et à la trans­pa­rence, Swissmedic a rendu une déci­sion dans laquelle il accor­dait l’accès à certains éléments du rapport fabri­cant, en parti­cu­lier les noms des pays où la prothèse avait été distri­buée et dans lesquels des inci­dents simi­laires avaient été signa­lés. L’accès était aussi accordé à certains rapports annexes du rapport fabri­cant qui contiennent des infor­ma­tions sur les inves­ti­ga­tions menées par le fabri­cant suite au rapport d’annonce. En revanche, Swissmedic a refusé l’accès aux rapports utili­sa­teurs. Aussi bien la deman­de­resse que la fabri­cante recourent contre cette déci­sion devant le Tribunal admi­nis­tra­tif fédéral.

Selon Swissmedic, l’accès aux rapports utili­sa­teurs entra­ve­rait l’exécution de mesures concrètes de l’au­to­rité en matière de maté­rio­vi­gi­lance et ces rapports doivent par consé­quent être exclus de la trans­pa­rence sur la base de l’art. 7 al. 1 let. b LTrans. Si la trans­pa­rence était appli­quée aux rapports utili­sa­teurs, les profes­sion­nels pour­raient en effet craindre que les infor­ma­tions figu­rant dans leurs rapports soient utili­sées à leur encontre dans des procé­dures judi­ciaires et pour­raient donc être décou­ra­gés de procé­der aux annonces en dépit de l’obligation légale qui les y oblige. Le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral ne partage pas ce point de vue. Cette solu­tion « en bloc » n’est pas compa­tible avec le système choisi par le légis­la­teur. En raison­nant ainsi, Swissmedic sous­trai­rait en effet un pan entier de la LPTh du prin­cipe de la trans­pa­rence, en contra­dic­tion avec le prin­cipe selon lequel le secret consti­tue désor­mais l’exception pour l’activité de l’administration. Le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral juge par ailleurs « haute­ment douteux » le raison­ne­ment selon lequel le trai­te­ment confi­den­tiel de certaines données par l’autorité est néces­saire pour que les utili­sa­teurs et fabri­cants conti­nuent à trans­mettre celles-ci alors que la commu­ni­ca­tion de ces données est impo­sée­par la loi (sur la base du même argu­ment, le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral écarte aussi par la suite que l’accès aux données puisse mettre en danger la santé publique, confor­mé­ment à l’exception de trans­pa­rence prévue par l’art. 7 al. 1 let. c LTrans). De surcroît, la crainte d’éventuelles actions judi­ciaires semble peu fondée puisque les docu­ments sont caviar­dés de toutes données person­nelles et que les données concer­nées sont sommaires et descriptives.

Pour s’opposer à la divul­ga­tion des docu­ments concer­nés, la fabri­cante fait aussi valoir que ceux-ci révé­le­raient des secrets liés à sa stra­té­gie de distri­bu­tion. Le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral rejette ce point de vue. La seule divul­ga­tion des pays de distri­bu­tion ne permet pas de révé­ler la stra­té­gie de distri­bu­tion ou d’entraîner une distor­sion de la concur­rence. Dans le cas d’espèce, la révé­la­tion des infor­ma­tions deman­dées ne conduit pas non plus à la divul­ga­tion de secrets de fabri­ca­tion puisque les infor­ma­tions les plus sensibles conte­nues dans les docu­ments visés concernent une prothèse qui n’est plus commer­cia­li­sée et figurent pour la plupart sur le site inter­net du fabricant.

Enfin, le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral écarte l’argument de la fabri­cante selon lequel les infor­ma­tions en cause contiennent des données person­nelles la concer­nant et que leur divul­ga­tion serait de nature à nuire à sa répu­ta­tion et d’entraîner chez les consom­ma­teurs une perte de confiance dans ses produits. Après avoir rappelé les règles de coor­di­na­tion entre la LTrans et la LPD (pesée des inté­rêts en présence selon les art. 9 LTrans et art. 19 al. 1bis LPD), le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral rappelle que « le besoin de protec­tion rela­tif aux données person­nelles est natu­rel­le­ment moins impor­tant s’agissant des personnes morales que des personnes physiques ». Dans son examen, il constate ensuite que les discus­sions et critiques portant sur les quali­tés tech­niques du dispo­si­tif médi­cal ou sur la réac­tion de la fabri­cante pour­raient certes porter une atteinte à sa répu­ta­tion, mais qu’il s’agit ici de discus­sions et critiques qui concernent direc­te­ment la santé des consom­ma­teurs et qu’elles doivent donc être assu­mées par la fabri­cante dans un régime démo­cra­tique. L’intérêt à la trans­pa­rence est à l’inverse établi ici puisqu’il touche la santé publique, un « domaine sensible qui revêt un inté­rêt public important ».

Le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral a par consé­quent jugé qu’en respect du prin­cipe de trans­pa­rence, Swissmedic était tenu de divul­guer les infor­ma­tions concer­nant les pays où la prothèse avait été distri­buée et où des inci­dents simi­laires avaient été annon­cés, ainsi que les rapports utilisateurs.

Cet arrêt, suscep­tible de recours devant le Tribunal fédé­ral, rappelle à bon escient que la trans­pa­rence de l’administration consti­tue aujourd’hui la norme et que le secret ne vaut qu’à titre d’exception. Une auto­rité ne peut donc pas exclure de facto un pan entier d’une légis­la­tion (ici la LPTh) du prin­cipe de trans­pa­rence. Par ailleurs, la solu­tion à laquelle parvient le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral à l’issue de sa pesée des inté­rêts pour déter­mi­ner si la divul­ga­tion des infor­ma­tions porte, dans le cas jugé, une atteinte trop impor­tante à la « person­na­lité » de la fabri­cante est à mon sens correcte. En insis­tant sur la protec­tion de la santé publique, le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral estime en effet avec raison qu’une entre­prise qui commer­cia­lise des produits présen­tant des risques parti­cu­liers doit être prête à assu­mer les discus­sions et les critiques rela­tives à ses produits. Cette solu­tion est aujourd’hui d’autant plus légi­time que le légis­la­teur a décidé d’exclure les personnes morales du champ d’application de la future LPD (art. 1 nLPD). Enfin, la solu­tion préco­ni­sée par le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral concerne ici les annonces obli­ga­toires en matière de « maté­rio­vi­gi­lance ». L’état de fait doit être clai­re­ment distin­gué des systèmes d’annonces d’incidents insti­tués dans certains hôpi­taux (« CIRS » pour « criti­cal inci­dent repor­ting system »). Ces outils de gestion des risques cliniques permettent aux profes­sion­nels de la santé d’enregistrer des rapports d’incidents de façon anonyme ou confi­den­tielle et visent, selon un modèle d’apprentissage, à mettre en place des mesures d’amélioration. La confi­den­tia­lité étant la base même du bon fonc­tion­ne­ment des CIRS, il existe pour ceux-ci un véri­table inté­rêt de santé publique à restreindre l’accès du public aux annonces effec­tuées par le person­nel soignant. CIRS et maté­rio­vi­gi­lance doivent donc être trai­tés différemment.



Proposition de citation : Frédéric Erard, Rapports d’incidents et prothèses : la transparence est de mise, 30 novembre 2020 in www.swissprivacy.law/36


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