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Les appels à la Centrale d’appels de la police genevoise : répondez, vous êtes enregistrés !

Mallorie Ashton-Lomax, le 23 octobre 2025
Il n’existe pas d’obligation pour les auto­ri­tés canto­nales gene­voises de limi­ter à trois mois la durée de conser­va­tion des enre­gis­tre­ments de la Centrale d’engagement et de commu­ni­ca­tion de la police gene­voise.

Arrêt du Tribunal fédé­ral 1C_​270/​2024 du 29 août 2025

En fait 

Une asso­cia­tion de membres des forces de police gene­voise ainsi que des poli­ciers solli­citent de la Commandante de la police canto­nale des rensei­gne­ments sur les enre­gis­tre­ments de la Centrale d’engagement et de commu­ni­ca­tion de la police gene­voise (CECAL) et sur les commu­ni­ca­tions tran­si­tant par Polycom, notam­ment leur base légale, leur durée de conser­va­tion et les moda­li­tés d’accès. La CECAL est une centrale d’appels par laquelle tran­sitent les commu­ni­ca­tions avec les agents de police et qui gère notam­ment le réseau radio Polycom. Elle a pour mission prin­ci­pale d’assurer le trafic perma­nent des réseaux radio et de trans­mettre aux forces de police les demandes ou réqui­si­tions reçues, notam­ment via les numé­ros d’urgence 117 et 112. Les données de la CECAL sont conser­vées 36 mois contre 12 mois pour celles du Polycom. 

L’association et les poli­ciers demandent à la respon­sable LIPAD du Département des insti­tu­tions et du numé­rique de mettre fin à la conser­va­tion et au trai­te­ment illi­cite de données person­nelles et concluent à une conser­va­tion limi­tée au strict néces­saire. Ils solli­citent la trans­mis­sion de leur requête au Préposé canto­nal à la protec­tion des données. Celui-ci recom­mande une conser­va­tion de trois mois, sauf pour les procé­dures pénales exigeant un délai plus long. 

Le Département refuse d’appliquer cette limite. La Cour de justice rejette le recours inter­jetté par l’asso­cia­tion et les poli­ciers contre la déci­sion du Département. 

Les recou­rants saisissent le Tribunal fédé­ral et solli­citent la limi­ta­tion de la conser­va­tion des données à trois mois. 

En droit 

Les recou­rants soutiennent que la conser­va­tion des enre­gis­tre­ments liti­gieux pendant plus trois mois viole­rait leur droit à la protec­tion de la sphère privée (art. 13 Cst., art. 21 Cst./GE et art. 8 CEDH). Ils invoquent prin­ci­pa­le­ment à ce titre une viola­tion du prin­cipe de propor­tion­na­lité. 

En premier lieu, l’enregistrement des commu­ni­ca­tions sert à docu­men­ter les inter­ven­tions et à four­nir des preuves pour les enquêtes des auto­ri­tés de pour­suite pénale. Leur conser­va­tion permet ainsi de favo­ri­ser l’élucidation des infrac­tions. Partant, la mesure est apte à atteindre les buts d’intérêt public. 

Ensuite, l’efficacité de la pour­suite pénale dépend de la durée de conser­va­tion des enre­gis­tre­ments. Une certaine durée est donc néces­saire pour garan­tir cette effi­ca­cité. La Cour de justice a retenu qu’un délai trop court crée un risque de perte de preuves si l’infraction ou la plainte appa­raît plus tard, en parti­cu­lier pour les infrac­tions liées aux violences conju­gales. Les enre­gis­tre­ments offrent d’autres indices (notam­ment en rapport aux bruits de fond) plus précis qu’une main-courante. La Cour de justice relève égale­ment que, selon des constats empi­riques, la destruc­tion des données après une année compro­met l’efficacité de l’action policière. 

Les recou­rants, quant à eux, soutiennent qu’un délai de conser­va­tion de trois mois suffit pour les infrac­tions pour­sui­vies sur plainte. Pour les infrac­tions pour­sui­vies d’office, ils estiment qu’en raison de la gravité des faits, une procé­dure est ouverte rapi­de­ment ou que d’autres moyens de preuve permettent de reflé­ter les conver­sa­tions enre­gis­trées par la CECAL. Les recou­rants relèvent enfin qu’aucun exemple concret ne démontre qu’un délai de trois mois serait insuf­fi­sant. Ils ne démontrent toute­fois pas qu’un délai de trois mois permet­trait d’éviter la perte de preuves utiles si une infrac­tion venait à être décou­verte ou une plainte dépo­sée ulté­rieu­re­ment. Le Tribunal fédé­ral conclut à ce titre que la condi­tion de néces­sité est respec­tée. 

Finalement, le rapport entre le but visé et les inté­rêts compro­mis doit être raison­nable (propor­tion­na­lité au sens étroit). Notre Haute Cour retient que les recou­rants sont infor­més de l’enregistrement des appels. Ils sont enre­gis­trés dans le cadre de leur fonc­tion et les données trai­tées ne se rapportent pas direc­te­ment aux recou­rants. Le trai­te­ment de l’information n’a en outre aucune inci­dence sur leur sphère privée. De plus, les fonc­tion­naires visés disposent de garan­ties procé­du­rales desti­nées à leur protec­tion contre tout trai­te­ment de données inap­pro­priés (art. 44–49 LIPAD). L’atteinte à la protec­tion de la sphère privée est donc faible. Le Tribunal fédé­ral consi­dère égale­ment qu’une durée d’enregistrement moins longue dans d’autres cantons n’est pas non plus perti­nente et relève que plusieurs cantons prévoient une durée de conser­va­tion supé­rieure à trois mois.  

Partant, la conser­va­tion des enre­gis­tre­ments au-delà de trois mois ne viole pas le prin­cipe de propor­tion­na­lité. 

Appréciation 

Le Tribunal fédé­ral a récem­ment confirmé qu’une durée de conser­va­tion de six mois des données de géolo­ca­li­sa­tion des VTC respectait le prin­cipe de propor­tion­na­lité (swiss​pri​vacy​.law/​324). Il a égale­ment jugé qu’il n’y avait pas de viola­tion de ce prin­cipe dans l’enregistrement systé­ma­tique, pour la même durée, des données secon­daires de commu­ni­ca­tion (lawinside.ch/​600). Le présent arrêt s’inscrit donc dans une pratique géné­reuse qui permet de garan­tir l’efficacité des procé­dures pénales et de préser­ver les droits des victimes.  

Cet arrêt nous permet de reve­nir sur l’arrêt ATA/​422/​2024 de la Cour de justice du canton de Genève, rendu le 25 mars 2024 avec un œil critique (swiss​pri​vacy​.law/​307). Dans cette affaire, la Cour avait estimé que, bien que l’utilisation d’un logi­ciel de géolo­ca­li­sa­tion ne portait qu’une atteinte limi­tée à la person­na­lité des agents, la conser­va­tion des données au-delà de 24 heures violait le prin­cipe de néces­sité. Pourtant, les parties à la procé­dure ne faisaient réfé­rence à aucune alter­na­tive permet­tant d’atteindre l’objectif visé par les auto­ri­tés, reproche que le Tribunal fédé­ral adresse juste­ment, à notre avis, aux recou­rants dans son arrêt. Il nous appa­raît ainsi peu probable que les juges du Tribunal fédé­ral fassent leur le raison­ne­ment de leurs homo­logues genevois. 



Proposition de citation : Mallorie Ashton-Lomax, Les appels à la Centrale d’appels de la police genevoise : répondez, vous êtes enregistrés !, 23 octobre 2025 in www.swissprivacy.law/378


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