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Le droit d’accès abusif

Célian Hirsch, le 29 décembre 2020
Une demande de droit d’ac­cès qui ne vise qu’à se procu­rer des preuves en vue d’une procé­dure civile est contraire au but de l’art. 8 LPD et consti­tue ainsi un abus de droit (art. 2 al. 2 CC).

Arrêt du Tribunal fédé­ral 4A_​277/​2020 du 18 novembre 2020

Afin de trou­ver de poten­tiels inves­tis­seurs, une société et son action­naire unique rencontrent quatre personnes en Inde et en Suisse. Ces dernières effec­tuent diverses petites tran­sac­tions en faveur de la société. Ils envi­sagent ensuite d’in­ten­ter un procès civil contre la société et son action­naire. Afin d’éva­luer leurs chances de succès, elles demandent à la société et son action­naire de les infor­mer des données qu’ils possèdent à leur sujet. La société et son action­naire ne donnent pas suite à cette requête.

Les inves­tis­seurs déposent alors une demande devant le Regionalgericht Oberland du canton de Berne afin que la société et son action­naire soient condam­nés à leur donner une copie de toutes leurs données person­nelles, en parti­cu­lier toute la corres­pon­dance, tous les docu­ments en lien avec le trans­fert des actions, tous les rele­vés de paie­ments et toutes les notes et docu­ments préparatoires.

Le tribu­nal consi­dère que cette demande s’ap­pa­rente à une « fishing expe­di­tion » qui vise unique­ment à recueillir des preuves en vue d’une éven­tuelle action civile. Il consi­dère ainsi que ce droit d’ac­cès est in casu utilisé de façon contraire à son but et qu’il consti­tue ainsi un abus de droit (art. 2 al. 2 CC).

Saisi par les inves­tis­seurs, l’Obergericht du canton de Berne admet l’ap­pel. En effet, le droit d’ac­cès ne requiert pas en soi un inté­rêt au sens de la protec­tion des données. Le seul inté­rêt de clari­fier les pers­pec­tives de litige relève égale­ment de la LPD. Il admet ainsi la demande des investisseurs.

La société et son action­naire recourent auprès du Tribunal fédéral.

Notre Haute Cour examine d’abord si la LPD trouve appli­ca­tion. L’art. 2 al. 2 let. b LPD prévoit que la LPD ne s’ap­plique pas aux procé­dures civiles pendantes. Le Tribunal fédé­ral a néan­moins expres­sé­ment déjà consi­déré que la prépa­ra­tion d’une procé­dure civile, c’est-à-dire lorsque des infor­ma­tions et des moyens de preuves sont recueillis en vue d’une éven­tuelle action civile, ne tombe pas sous le coup de cette excep­tion (ATF 138 III 425). La LPD est dès lors applicable.

Selon l’art. 8 al. 2 LPD, le maître du fichier doit commu­ni­quer à toute personne l’exi­geant toutes les données la concer­nant. L’art. 9 LPD prévoit quelques excep­tions à ce principe.

Le Tribunal fédé­ral rappelle que l’art. 8 LPD vise à concré­ti­ser la protec­tion de la person­na­lité. Cela permet à la personne concer­née de contrô­ler le trai­te­ment effec­tué par le maître du fichier avec le but de véri­fier le respect des prin­cipes de la protec­tion des données. L’art. 25 nLPD, adopté par le Parlement mais pas encore en vigueur, prévoit d’ailleurs expres­sé­ment que « [l]a personne concer­née reçoit les infor­ma­tions néces­saires pour qu’elle puisse faire valoir ses droits selon la présente loi et pour que la trans­pa­rence du trai­te­ment soit garantie ».

Le droit d’ac­cès peut  être exercé sans devoir prou­ver un inté­rêt quel­conque. Néanmoins, un abus de droit doit être reconnu lorsque le droit d’ac­cès est exercé dans un but étran­ger à la protec­tion des données (art. 2 al. 2 CC). La moti­va­tion de la personne concer­née devient alors signi­fi­ca­tive. Dans sa juris­pru­dence, le Tribunal fédé­ral a souli­gné qu’une demande d’ac­cès devait être consi­dé­rée comme abusive lors­qu’elle visait unique­ment à récol­ter des preuves en vue d’une action civile (ATF 138 III 425 et ATF 141 III 119, résumé in LawInside​.ch/​14/). Néanmoins, dans ces deux affaires, les requé­rants visaient à véri­fier les données, respec­ti­ve­ment le trai­te­ment par la partie visée par la demande d’ac­cès. Le Tribunal fédé­ral avait ainsi nié le carac­tère abusif de la requête.

En l’es­pèce, il est établi que les inves­tis­seurs visent unique­ment à éclair­cir leurs chances de succès en vue d’une procé­dure civile. Ils n’ont aucun but rela­tif à la protec­tion des données, contrai­re­ment aux deux affaires susmen­tion­nées. Partant, le Tribunal fédé­ral consi­dère qu’ils invoquent de manière abusive leur droit d’ac­cès. Il admet ainsi le recours et rejette la demande.

Cet arrêt est inté­res­sant puis­qu’il consti­tue, à notre connais­sance, la première affaire dans laquelle le Tribunal fédé­ral admet qu’un droit d’ac­cès est exercé de manière abusive. Cette conclu­sion semble avoir été possible unique­ment parce qu’il n’était pas contesté que le seul et réel but visé était de récol­ter des preuves en vue d’une éven­tuelle procé­dure. Cet arrêt est d’ailleurs égale­ment le premier qui mentionne la nouvelle LPD, laquelle semble aider à inter­pré­ter l’actuelle LPD (cf. égale­ment David Vasella, 4A_​277/​2020 : Rechtsmissbrauch eines Auskunftsbegehrens bejaht (Fishing Expedition)).

Les prati­ciens qui dési­rent tout de même obte­nir des preuves en vue d’une procé­dure civile invo­que­ront proba­ble­ment désor­mais un but lié à la protec­tion des données. Néanmoins, si la partie défen­de­resse au procès civil réus­sit à prou­ver que les données ont en réalité été récol­tées unique­ment en vue d’une procé­dure civile, ces données pour­raient consti­tuer des preuves illi­cites (car contraire à la bonne foi), lesquelles sont en prin­cipe inex­ploi­tables (cf. art. 152 al. 2 CPC).



Proposition de citation : Célian Hirsch, Le droit d’accès abusif, 29 décembre 2020 in www.swissprivacy.law/45


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
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