Google condamnée à une amende de 100 millions d’euros par la CNIL
Lors d’un contrôle effectué sur le site web google.fr le 16 mars 2020, la CNIL constate que lorsqu’un utilisateur résidant en France se rend sur le site, des cookies, notamment publicitaires, sont automatiquement déposés sur son ordinateur, sans son consentement. En effet, lorsqu’un utilisateur arrive sur le site web google.fr, un bandeau d’information s’affiche en pied de page, mentionnant un rappel aux règles de confidentialité de Google et offrant deux choix à l’utilisateur : « me le rappeler plus tard » ou « consulter maintenant ».
Lorsque l’utilisateur opte pour « consulter maintenant », les règles de confidentialité qui s’ouvrent dans une fenêtre pop-up ne contiennent aucun développement relatif à l’usage des cookies et autres traceurs, malgré une information générale relative aux données à caractère personnel traitées par les services Google. Pour avoir accès aux informations relatives aux cookies, l’utilisateur doit faire défiler le contenu des fenêtres pop-up, sans cliquer sur l’un des liens hypertexte et sélectionner « autres options ».
La formation restreinte, organe de la CNIL chargé de prononcer les sanctions (art. 16 de la loi Informatique et Libertés), reproche à Google LLC et Google Ireland Limited (ci-après : Google) trois violations de l’art. 82 de la loi Informatique et Libertés, à savoir un défaut d’information des utilisateurs, un défaut de recueil du consentement des personnes avant le dépôt de cookies sur leur terminal et un défaut partiel du mécanisme d’opposition au dépôt des cookies.
Défaut d’information des utilisateurs
L’art. 82 de la loi Informatique et Libertés prévoit notamment que les accès ou inscriptions de cookies dans le terminal d’un utilisateur ne peuvent avoir lieu qu’à la condition que ce dernier y ait consenti après avoir reçu une information claire et complète relative aux finalités des cookies déposés et des moyens dont il dispose pour s’y opposer.
Au surplus, le considérant 25 de la Directive ePrivacy, ainsi que les instruments de soft law adoptés par la CNIL en matière de cookies et autres traceurs (une Recommandation et des Lignes directrices) offrent un éclairage aux responsables de traitement sur la mise en place de mesures concrètes permettant de garantir le respect des dispositions de la loi Informatique et Libertés.
En l’espèce, la CNIL retient qu’aucune information relative au dépôt de cookies sur le terminal n’est fournie aux utilisateurs dès leur première connexion sur le site web google.fr, alors même que des cookies ayant une finalité publicitaire ont déjà été déposés sur leur terminal. Elle ajoute que le simple renvoi aux règles de confidentialité n’est pas suffisamment explicite à ce stade pour permettre aux personnes lisant ce bandeau de savoir qu’une information relative aux cookies est disponible ultérieurement dans le parcours de navigation.
De plus, la CNIL relève que les mesures entreprises par Google depuis l’engagement de la procédure ont certes amélioré l’information des utilisateurs. Toutefois, elle considère que les informations fournies à l’utilisateur, tant par le bandeau que par les fenêtres pop-up, ne sont toujours pas claires et complètes, dans la mesure où ce dernier n’est pas informé des opérations permettant d’accéder et de déposer des informations dans son terminal ni de la finalité de ces opérations et des moyens mis à sa disposition pour les refuser.
Défaut de recueil du consentement des utilisateurs avant le dépôt de cookies sur leur terminal
L’art. 82 de la loi Informatique et Libertés prévoit des exceptions à l’obligation d’obtenir le consentement préalable des utilisateurs, si l’accès ou l’inscription d’informations stockées dans l’équipement terminal de l’utilisateur vise à permettre ou faciliter la communication par voie électronique ou est strictement nécessaire à la fourniture d’un service de communication en ligne à la demande expresse de l’utilisateur.
La CNIL constate que quatre des sept cookies automatiquement installés sur le terminal de l’utilisateur ne sont pas strictement nécessaires à la fourniture d’un service en en ligne. Partant, Google aurait dû recueillir le consentement préalable de l’utilisateur avant de procéder à un tel dépôt.
Depuis la procédure de sanction, Google a apporté des modifications et a cessé l’installation automatique de ces quatre cookies publicitaires dès l’arrivée de l’utilisateur sur la page.
Défaut partiel du mécanisme d’opposition au dépôt des cookies
Outre le fait que le consentement, lorsqu’il est requis, n’est pas recueilli, le processus d’opposition mis en place par Google viole partiellement les exigences de l’art. 82 de la loi Informatique et Libertés.
En effet, la CNIL relève que l’utilisation de l’expression « retirer son consentement » est abusive dans la mesure où le consentement n’a justement pas été recueilli par Google, qui propose tout au plus un système de retrait (opt-out) aux utilisateurs.
De plus, la CNIL constate qu’après avoir désactivé la personnalisation des annonces sur la recherche Google, plusieurs cookies à finalité publicitaire demeurent stockés sur le terminal de l’utilisateur. Elle souligne, à cet égard, qu’au moins l’un de ces cookies n’appartient pas à la catégorie des cookies dit d’opposition, lesquels demeurent stockés sur le terminal de l’utilisateur afin d’indiquer au serveur du domaine auquel ils sont liés que l’utilisateur a exprimé son refus à des dépôts futurs de cookies identiques à partir de ce même domaine. Partant, les informations qu’il contient continuent d’être systématiquement lues par le serveur du domaine auquel est lié le cookie lors de chaque nouvelle interaction avec le domaine concerné.
En parallèle des violations de l’art. art. 82 de la loi Informatique et Libertés, la CNIL a également dû se prononcer sur sa compétence matérielle et territoriale, sur l’articulation entre le RGPD et la Directive ePrivacy, ainsi que sur la qualité de responsable de traitement de Google.
Elle est ainsi arrivée aux conclusions suivantes :
- Lorsqu’un traitement de données relève tant du champ d’application matériel du RGPD que de la Directive ePrivacy, il convient de se référer aux dispositions relatives à leur articulation dans chacun des deux textes. Le considérant 173 du RGPD prévoit explicitement qu’il n’est pas applicable aux traitements de données à caractère personnel qui sont soumis à des obligations spécifiques énoncées dans la Directive ePrivacy.
- Les traitements de données liés à l’utilisation de cookies relèvent du champ d’application de la Directive ePrivacy, transposée en droit français à l’ 82 de la loi Informatique et Libertés.
- Dans les mesure où le RGPD n’est pas applicable aux traitements de données engendrés par l’utilisation de cookies (prévus dans la Directive ePrivacy), le mécanisme de coopération entre les autorités de contrôle, dit mécanisme de « guichet unique » prévu par le RGPD n’est pas applicable en l’espèce.
- La CNIL considère que Google Ireland Ltd et Google LLC sont responsables conjoint du traitement au sens de l’art. 26 RGPD (applicable en raison de l’utilisation de la notion de responsable de traitement à l’art. 82 de la loi Informatique et Libertés).
Cette décision clarifie l’articulation et la complémentarité du RGPD et de la Directive ePrivacy en matière de protection des données personnelles dans le cadre de l’utilisation de cookies. La décision rappelle également les règles essentielles prévues à l’art. 82 de la loi Informatique et Libertés lors de l’utilisation de cookies.
Elle est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État dans un délai de quatre mois à compter de sa notification.
Proposition de citation : Eva Cellina, Google condamnée à une amende de 100 millions d’euros par la CNIL, 6 janvier 2021 in www.swissprivacy.law/46
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