Transparence des listes de présence des commissions parlementaires
Recommandation PFPDT du 28 août 2020, X c. Services du Parlement
En date du 15 juin 2020, un journaliste requiert des Services du Parlement l’accès aux listes de présence des commissions parlementaires de la 51e législature (2019−2023) en invoquant la Loi fédérale sur la transparence. Les Services du Parlement refusent intégralement l’accès à ces listes le 30 juin en soulignant, d’une part, que la LTrans ne s’applique pas à l’Assemblée fédérale et, d’autre part, que les procès-verbaux des commissions parlementaires et les autres documents des commissions sont confidentiels en vertu des art. 47 et 47a LParl.
Le requérant dépose alors une demande en médiation (art. 13 LTrans) devant le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT). Malgré des échanges de vues et une séance entre les parties, la médiation échoue. Le PFPDT rend le 28 août une recommandation au sens de l’art. 14 LTrans.
Tour à tour, le PFPDT va examiner l’art. 2 al. 1, let. a et c, LTrans et l’art. 47 al. 1 LParl. Dans un premier temps, il rappelle que la LTrans « s’applique à l’administration fédérale » (art. 2 al. 1 let. a), mais pas à l’Assemblée fédérale a contrario.
Étant donné que la LParl ne réglemente pas expressément l’accès aux documents officiels de l’Assemblée fédérale, ceux-ci sont soumis au principe du secret. La publicité n’y est prévue que pour les séances des conseils (art. 4 al. 1 LParl), alors que les délibérations des commissions sont confidentielles selon l’art. 47 al. 1 LParl. Cette norme est une disposition spéciale préservant le secret des informations spécifiques qu’elle recouvre au sens de l’art. 4 let. a LTrans et vaut non seulement pour les commissions, mais aussi pour les sous-commissions et concerne toutes les personnes qui y participent.
Consacrant la confidentialité comme un principe essentiel de l’activité des commissions, l’art. 47 LParl vise à protéger la libre formation de l’opinion et de la prise de décision, afin de permettre des échanges constructifs, orientés vers les compromis à l’abri des contraintes extérieures (FF 2001 3298, 3385). Toutefois, cette confidentialité n’est pas absolue : l’art. 48 LParl prévoit que « les commissions informent le public des résultats de leurs délibérations » et les règlements des deux conseils prévoient tous deux une information du public concernant « les résultats des votes et les arguments majeurs présentés au cours des délibérations » (art. 20 al. 2 RCN et 15 al. 2 RCE).
Au moment de l’adoption de la LTrans, la question de savoir si l’Assemblée fédérale devait y être soumise a été discutée à la faveur d’une proposition de minorité (BO 2004 N 1256), mais elle a été tranchée par la négative par le législateur. Son inclusion aurait constitué une extension du but de la loi, qui est la promotion de « la transparence quant à la mission, l’organisation et l’activité de l’administration » (art. 1 LTrans), alors que l’Assemblée fédérale est un « Organ der politischen Meinungsbildung » impliquant pour elle une réglementation différente (BO 2004 N 1257).
En revanche, les Services du Parlement sont soumis à la LTrans (art. 2 al. 1 let. c) et cela même s’il s’agit de l’administration de l’Assemblée fédérale (art. 64 LParl). Néanmoins, il est important de distinguer parmi ses activités celles exercées, en tant qu’administration du Parlement, pour l’Assemblée fédérale et ses membres de celles pour son administration propre. En effet, le Message de la LTrans (FF 2003 1807, 1828) indique :
« Les services du parlement sont soumis à la loi sur la transparence s’ils ne travaillent pas directement pour l’Assemblée fédérale ou pour certains organes de celle-ci ».
Les travaux préparatoires démontrent ainsi que le législateur n’a pas voulu soumettre l’Assemblée fédérale à la LTrans. Par rapport aux Services du Parlement, cette loi ne couvre que les documents officiels qui ont trait à ses propres activités administratives. En revanche, elle ne s’applique pas lorsque les Services du Parlement traitent des documents pour les conseils, les commissions et leurs membres. Dans cette hypothèse, les Services du Parlement ne fonctionnent pas pour eux-mêmes, mais en tant qu’unité du personnel de l’administration du Parlement.
En l’espèce, les listes de présence sont nécessaires pour que les parlementaires puissent accomplir leurs tâches relatives au fonctionnement des commissions et donc à l’administration parlementaire. Elles constituent en outre le fondement des indemnités journalières que perçoivent les parlementaires en vertu des art. 9 LParl cum art. 3 de la Loi sur les moyens alloués aux parlementaires (LMAP). Il ne s’agit donc pas de documents relevant de l’administration propre des Services du Parlement. Qui plus est, c’est l’une des tâches principales des Services du Parlement en qualité d’administration du Parlement que de de rémunérer les parlementaires conformément à la LMAP. Ainsi, la LTrans n’est pas applicable en l’espèce et les listes de présence sont également couvertes par le sceau de la confidentialité au sens des art. 47 et 47a LParl. Partant, le PFPDT est d’avis que le refus d’accès aux listes de présence est justifié.
Pour l’heure, nous ignorons si la décision formelle de refus émise ensuite de cette recommandation (art. 15 LTrans) par les Services du Parlement a fait l’objet d’un recours (art. 16 LTrans) devant le Tribunal administratif fédéral. À notre sens, cette recommandation s’inscrit dans la droite ligne de la volonté du législateur de restreindre le champ d’application de la LTrans par rapport au pouvoir législatif et elle est conforme à la jurisprudence existante (voir notamment : TF, 6B_186/2012, c. 2.2.1). Un recours paraît donc vain.
En outre, la qualification de document confidentiel apportée par le PFPDT aux listes de présence des commissions est la conséquence d’une législation voulue restrictive, l’art. 47a al. 1 LParl classant confidentiels les procès-verbaux, mais aussi « les autres documents des commissions » (FF 2017 6425, 6438 ss). Cela est discutable, étant donné que la ratio legis de l’art. 47 LParl est uniquement de protéger le contenu des discussions qui se tiennent lors des travaux de commission. La connaissance de la présence ou de l’absence d’un parlementaire lors d’une réunion de commission ne constitue pas une information protégée au sens de l’art. 47 al. 1 2e partie LParl. Cela étant, cette question est sans importance dans le cas présent, puisque ces listes servent les Services du Parlement dans une activité relative à l’Assemblée fédérale. Ce faisant, leur accès ne pourrait de toute façon être autorisé sur le fondement de l’art. art. 2 al. 1 let. c LTrans et il n’existe aucune base juridique offrant cet accès. Pourtant, ces documents revêtent un intérêt public important en fournissant des indications permettant de déterminer si les parlementaires ont assisté à une séance de commission et ainsi respecté leur obligation légale d’y participer (art. 10 LParl). Le caractère étendu de l’art. 47a LParl a donc des effets regrettables et ce cas en est l’illustration.
Proposition de citation : Kastriot Lubishtani, Transparence des listes de présence des commissions parlementaires, 29 octobre 2020 in www.swissprivacy.law/20
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