LTrans : vers la gratuité de l’accès aux documents officiels
L’art. 17 al. 1 LTrans énonce que l’accès aux documents officiels est soumis, en principe, au paiement d’un émolument. Les modalités et le tarif des émoluments ont été réglés par le Conseil fédéral aux art. 14 à 16 de l’OTrans ; l’annexe 1 complète en outre ces dispositions. L’origine du caractère onéreux de l’accès aux documents officiels remonte au projet du Conseil fédéral accompagnant son message du 12 février 2003 relatif à la LTrans. Le Conseil fédéral y souligne que :
« Ce principe permet, dans une certaine mesure, de contrebalancer l’accès inconditionnel aux documents officiels. La perception d’émoluments a été décidée compte tenu de l’intérêt public au fonctionnement efficace et rationnel de l’administration. Outre la simplicité et la rapidité de la procédure, le niveau très modeste des émoluments est cependant un élément clef du principe de transparence. Si les pressions exercées sur l’administration pour obtenir un fonctionnement rationnel ne cessent d’augmenter, celles-ci ne doivent pas venir entraver l’accès aux documents de manière notable. Les demandes ne provoquant qu’un travail minime sont donc gratuites (art. 17 al. 2, let. a). Une généralisation de la perception d’émoluments pourrait en effet se révéler prohibitive dans le cas des demandes de ce type, sans compter qu’elle provoquerait des frais administratifs démesurés. Elle irait à l’encontre de l’objectif de la loi sur la transparence. Le fait de déroger au principe du caractère onéreux des demandes dans le cas des requêtes provoquant un travail administratif minime se justifie donc tant pour des raisons d’économie que pour des considérations de principe. »
Il y a lieu de préciser qu’à l’origine, l’avant-projet de la LTrans des années 2000 prévoyait la gratuité de la demande d’accès (art. 13 AP-LTrans). Étaient réservées trois exceptions, à savoir si la réponse à la demande nécessitait un travail important, en cas de demande répétitive ou d’une copie (art. 13 al. 2 let a‑c AP-LTrans).
Lors de la procédure de consultation, le principe de la gratuité d’une demande d’accès ne fut toutefois pas bien accueilli. La synthèse des résultats de la procédure de consultation relative à la LTrans montre que seuls trois cantons et deux partis politiques saluèrent le principe de la gratuité. Le principe du caractère onéreux d’une demande d’accès est donc issu d’un compromis du Conseil fédéral au vu des résultats de la procédure de consultation. Durant les débats parlementaires relatifs au P‑LTrans, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a manifesté son opposition au caractère onéreux. L’Assemblée fédérale n’a toutefois pas suivi son opinion.
Une douzaine d’années après l’entrée en vigueur de la LTrans, une initiative parlementaire a été déposée par la socialiste Edith Graf-Litscher (Conseil national). Cette initiative parlementaire a pour but de renverser le caractère onéreux d’une demande d’accès au sens de la LTrans, sauf exceptions dûment motivées. L’initiative parlementaire met en exergue la pomme de discorde qu’est la pratique, de certains organes fédéraux, de prononcer des émoluments prohibitifs ayant pour conséquence de mettre en péril le principe de l’accessibilité des documents, et ce malgré une jurisprudence plutôt critique face à cette pratique.
La Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-CN) a donné suite à l’initiative parlementaire par 17 voix contre 4. La CIP-CN a toutefois suspendu ses travaux visant à élaborer un projet mettant en œuvre l’initiative parlementaire, en attendant le projet du Conseil fédéral.
En effet, parallèlement à cette initiative parlementaire, le Conseil fédéral s’est également penché entre 2015 et 2019 sur l’opportunité de réviser la LTrans. Le but de cette révision partielle était d’améliorer l’application du principe de la transparence en raccourcissant la procédure de médiation et en améliorant la protection des intérêts privés. Ces réflexions faisaient notamment suite à une évaluation de la LTrans ayant eu lieu courant 2014. Le Conseil fédéral a toutefois estimé début 2019 qu’une révision partielle de la LTrans n’était plus nécessaire, les corrections souhaitées de la LTrans ayant déjà pu être mises en œuvre par d’autres voies.
En raison de la décision du Conseil fédéral, la CIP-CN a repris ses travaux visant à élaborer un projet mettant en œuvre l’initiative parlementaire. Une procédure de consultation a eu lieu du 14 février au 27 mai 2020 lors de laquelle la majorité des participants à la consultation a réservé un accueil favorable à un avant-projet ancrant le principe de la gratuité de l’accès aux documents officiels.
Le 15 octobre 2020, la CIP-CN a publié son rapport et soumis un projet de modification de la LTrans à l’attention du Conseil fédéral et de l’Assemblée fédérale. Selon le projet, l’art. 17 al. 1 LTrans devrait être modifié comme suit : « La procédure d’accès aux documents officiels n’est pas soumise au paiement d’un émolument. » Le second alinéa réserve l’exception du surcroît important de travail et de son émolument.
Sur le calcul de l’émolument envisagé, trois propositions sont faites (majorité, minorité I, minorité II) :
- la majorité et la minorité II souhaitent que l’émolument soit calculé selon les frais effectifs et veulent fixer un plafond de CHF 2’000 à ce denier ;
- la minorité I souhaite également que l’émolument soit calculé selon les frais effectifs mais, contrairement à la majorité, ne veut pas l’inscription d’un plafond au sein de la loi ;
- en outre, la minorité II souhaite que le calcul de l’émolument soit fait « sans proportion avec l’intérêt public que présentent les documents requis » et que les procédures de médiation et de décision ne soient soumises en aucun cas au paiement d’un émolument.
Dans tous les cas, il appartiendrait au Conseil fédéral de régler par ordonnance les modalités et de fixer le tarif des émoluments. Nous soulignons encore qu’une dernière minorité ne souhaite pas que l’Assemblée fédérale entre en matière sur une révision de la LTrans. Il est certain que nous suivrons avec attention les développements parlementaires.
Proposition de citation : Livio di Tria, LTrans : vers la gratuité de l’accès aux documents officiels, 1er décembre 2020 in www.swissprivacy.law/37
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