Contenu de l’information sur le licenciement d’un employé à l’interne
Le 17 février dernier, la Chambre Contentieuse de l’Autorité de protection des données belge (Gegenvensbeschermingsautoriteit) a rendu une décision portant sur la publication du renvoi d’une employée, la plaignante, par son ex-employeur. Ce dernier a mentionné dans la section concernant les changements de personnel de l’intranet de l’entreprise la rupture de contrat immédiat de la plaignante. L’information était accessible par l’intégralité du personnel, soit environ 430 personnes.
Outre la mention de « rupture immédiate », il figure que celle-ci a eu lieu de l’initiative de l’employeur. Ce dernier point est contesté. La plaignante indique que ces deux mentions peuvent laisser penser que la fin des relations contractuelles serait due à une faute grave de sa part, ce qui n’est pas le cas.
Cette décision s’inscrit dans une procédure préalable à la décision de fond. Elle a pour but d’informer le responsable du traitement présumé sur une possible violation du RGPD.
Dans sa décision, la Chambre Contentieuse fait une analyse en deux temps. Elle porte d’une part sur l’annonce même du départ et de la rupture du contrat entre la plaignante et son ex-employeur. D’autre part, elle se concentre sur la mention de la partie à l’initiative de laquelle la rupture du contrat a eu lieu et son caractère immédiat.
Tout d’abord, la Chambre Contentieuse examine si l’art. 6 par. 1 let. b RGPD peut constituer une base de licéité pour le traitement litigieux. Cet article concerne les traitements nécessaires à l’exécution d’un contrat.
L’Autorité considère qu’il est approprié dans le cadre de la politique du personnel, d’informer les collaborateurs de tels mouvements. Mettre à la disposition du personnel des informations sur les employés facilite les échanges entre collègues.
Partant, ce traitement s’inscrit dans le cadre de la fin des relations de travail. Il peut être considéré comme faisant partie de l’exécution du contrat et se baser valablement sur l’art. 6 par. 1 let. b RGPD. Cependant, il n’existe aucun lien entre la mention de la partie à l’initiative de la rupture, la mention du caractère immédiat et la substance du contrat. Ces mentions ne se justifient pas au regard de l’art. 6 par. 1 let. b RGPD.
La Chambre Contentieuse prend une autre approche pour analyser ces deux mentions. Elle relève, tout d’abord, que l’ex-employeur est une autorité publique. De ce fait, elle analyse si celle-ci pouvait valablement se baser sur l’art. 6 par. 1 let. e RGPD pour son traitement de données. Cet article prévoit que le traitement est licite s’il
« est nécessaire à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique dont est investi le responsable du traitement ».
L’Autorité belge commence par examiner le caractère « nécessaire » du traitement. Elle rappelle la jurisprudence de la CJUE expliquant que la nécessité est une notion autonome du droit communautaire qui ne saurait avoir un contenu variable en fonction des États membres (CJUE, arrêt C‑524/06 du 16 décembre 2008, par. 52).
Dans la même affaire (Conclusions de l’Avocat général Maduro, C‑524/06, par. 27), l’avocat général Maduro explicite que
« le concept de nécessité (…) en tant que partie intégrante du critère de proportionnalité (…) signifie que l’autorité qui adopte une mesure qui porte atteinte à un droit fondamental en vue de réaliser un objectif justifié doit démontrer que cette mesure est la moins restrictive permettant d’atteindre cet objectif ».
La Chambre Contentieuse rajoute que le traitement ne saurait être qualifié de « nécessaire », s’il existe des alternatives réalistes et moins intrusives (CJUE, arrêt C‑92/09 et C‑93/09 du 9 novembre 2010). De surcroît, le Groupe de l’Article 29 avait aussi conclu que l’adjectif « nécessaire » n’avait pas la même souplesse que le terme « normal », « utile », « admissible », « raisonnable » ou encore « opportun » (Avis 06/2014 du 9 avril 2014, p. 12).
En l’espèce, l’Autorité belge constate, après examen de l’extrait de l’intranet, que les changements de personnels de l’entreprise indiquent systématiquement, en plus de la date d’entrée et de fin de service des employés, la mention de la partie à l’initiative de laquelle il est mis fin au contrat. Il s’agit donc d’une procédure « standard ».
Pour l’évaluation du caractère nécessaire à la réalisation de la mission d’intérêt public poursuivi, elle relève que le même résultat (informer le personnel du départ de l’employée) aurait pu être atteint par d’autres moyens. En effet, la simple mention de la rupture du contrat ainsi que la date d’effet auraient suffi. Partant, il n’est pas satisfait au critère de nécessité dans le cadre de la mission d’intérêt public. L’art. 6 par. 1 let. e RGPD ne peut alors pas constituer une base de licéité pour une telle publication.
La Chambre Contentieuse termine son analyse avec l’examen du principe de minimisation de l’art. 5 par. 1 let. c RGPD. Ce principe énonce que les données personnelles doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées. Comme relevé précédemment, le critère de nécessité ne saurait être rempli en l’espèce pour les mentions litigieuses. Ainsi, ce principe n’est pas non plus respecté.
L’Autorité belge conclut à une violation des art. 5 par. 1 let. a et c RGPD et art. 6 par. 1 RGPD et, conformément à l’art. 58 par. 2, let. c RGPD a ordonné au responsable du traitement de retirer la mention sur l’intranet indiquant que le responsable du traitement était à l’origine de la résiliation.
En Suisse, la personnalité des employés est protégée par le régime général de la LPD, mais également par les dispositions spécifiques au droit du travail. Selon l’art. 328 al. 1 CO, l’employeur doit s’abstenir de toute atteinte à la personnalité de l’employé qui n’est pas justifiée par le contrat de travail. L’employeur peut traiter des données personnelles relatives à son employé lorsqu’elles sont nécessaires à l’exécution du contrat. Il s’agit par exemple des informations utiles pour les assurances sociales ou impôts.
L’employeur doit aussi respecter les principes généraux du droit de la protection des données (licéité, bonne foi, proportionnalité, finalité et exactitude). Partant, une analyse similaire au cas belge pourrait avoir lieu en Suisse. La transmission de l’information aux autres employés de la fin des relations contractuelles serait légitime, mais mentionner les raisons pourrait être considéré comme illicite.
Proposition de citation : David Dias Matos, Contenu de l’information sur le licenciement d’un employé à l’interne, 27 mars 2023 in www.swissprivacy.law/211
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