Les procès-verbaux des séances des Municipalités vaudoises sont-ils publics ?
Dans un arrêt du 11 novembre 2022, la Cour de droit administratif et public (CDAP) du Tribunal cantonal vaudois a considéré que la liste des sujets traités lors d’une séance d’un exécutif communal constituent des « informations » accessibles en vertu du principe de transparence (cf. www.swissprivacy.law/194). Cela étant, les juges cantonaux ont débordé le cadre du litige pour discuter le champ d’application de la Loi vaudoise sur l’information (LInfo ; BLV 170.21) en relation aux extraits des procès-verbaux d’une Municipalité, lesquels ne faisaient pas l’objet de la demande d’accès en cause. En effet, la CDAP écrit tout d’abord que :
« S’agissant des extraits de procès-verbaux, ils sont en principe exclus du champ d’application de la LInfo, non pas en raison de leur qualité de document interne, mais en vertu de l’art. 64 al. 2 de la Loi vaudoise sur les communes (LC ; BLV 175.11) […] qui constitue ainsi une lex specialis au sens de l’art. 15 LInfo ».
Pour comprendre pourquoi et en quoi cette affirmation est discutable, il est nécessaire de revenir sur les termes de l’art. 64 al. 2 LC. La première phrase de cette disposition institue le secret des débats des Municipalités. Quant à la seconde, elle interdit la communication des procès-verbaux des séances des Municipalités à des tiers sauf en cas de demande de l’autorité de surveillance ou d’une autorité judiciaire. Cette dernière a été ajoutée a posteriori par le législateur vaudois lors d’une révision de la LC entrée en vigueur en 2013.
La ratio legis de cette modification était de résoudre une controverse existant depuis de nombreuses années au sujet caractère confidentiel ou non des procès-verbaux des Municipalités. Le service cantonal en charge des relations avec les communes considérait à cet égard que les procès-verbaux ne pouvaient pas être communiqués à des tiers dès lors que les séances des Municipalités n’étaient pas publiques, raisonnement qui prêtait le flanc à la critique selon le Conseil d’État vaudois (Exposé des motifs et projets de lois modifiant la LC, p. 14). Dans la mesure où l’objet du secret de l’art. 64 al. 2 1ère phr. LC se rapporte aux « séances » et « discussions », il est admis selon Bocquet que les procès-verbaux ne sont pas exclus du principe de transparence. Il est en effet nécessaire de distinguer selon le contenu même des procès-verbaux qui peuvent être résumés en trois catégories :
- les procès-verbaux décisionnels ;
- les décisions d’une Municipalité ;
- les procès-verbaux de débat.
Premièrement, les procès-verbaux décisionnels contiennent les décisions ou les prises de position d’une Municipalité en fonction des objets portés à l’ordre du jour d’une séance donnée. Ces documents sont ainsi soumis à la LInfo et l’accès à ces derniers devrait en principe être octroyé, sous réserve de l’existence d’un intérêt privé ou public prépondérant limitant ou excluant la transmission conformément à l’art. 16 LInfo. Les décisions d’une Municipalité peuvent être assimilées à cette première catégorie de documents.
Deuxièmement, les procès-verbaux de débats sont des comptes-rendus de séance rédigés par les Municipalités ou, autrement dit, la transcription des débats qui ont précédé la prise des décisions précitées. Selon le Conseil d’État vaudois, les procès-verbaux de débats sont exclus du principe de transparence, car ils ne concernent pas à proprement parler la gestion de la Commune et contiennent le plus souvent des opinions personnelles des Municipaux qui n’ont pas à être connues, notamment compte tenu du principe de la collégialité et des éléments touchant à des intérêts privés liés au secret (Exposé des motifs et projets de lois modifiant la LC, p. 15).
La distinction est somme toute théorique dans la mesure où un procès-verbal d’une Municipalité fait état des sujets traités, des débats en relation à ces derniers et des décisions qui sont le résultat des discussions des Municipaux. Dès lors, de quelle manière le principe de la transparence doit-il s’exprimer ?
Selon l’arrêt du 11 novembre 2022, les sujets traités lors des séances des Municipalités sont des « informations » accessibles selon la LInfo qui doivent être communiqués soit par l’intermédiaire de l’accès aux ordres du jour soit par l’établissement d’une liste ad hoc. Il en va de même des décisions ou prises de position d’une Municipalité qui sont également des « informations ». Cela étant, se pose la question suivante et que la CDAP décide de laisser ouverte :
« On pourrait toutefois se demander si une version dûment caviardée d’un extrait de procès-verbal, supprimant toutes les références aux échanges de fond intervenus entre les membres de la Municipalité, et se limitant à la seule mention des sujets discutés et des décisions prises – on parle en général dans un tel cas de procès-verbal décisionnel – pourrait échapper au principe de transparence ».
Lorsqu’elle évoque « un extrait de procès-verbal », la CDAP semble en réalité faire référence aux procès-verbaux décisionnel et de débat, plutôt qu’uniquement le premier, sans pour autant distinguer les deux alors que le régime qu’ils suivent est différent. En effet et comme nous venons de le voir, un procès-verbal décisionnel (ainsi que les décisions d’une Municipalité) est soumis à la transparence, alors qu’un procès-verbal de débat ne l’est pas.
S’agissant enfin d’un procès-verbal de débat et dans l’hypothèse envisagée par la CDAP, le caviardage du procès-verbal permet assurément de mettre en œuvre le secret de l’art. 64 al. 2 1ère phr. LC. L’accès sous cette forme à ce document ne permet pas d’obtenir des informations qui ne sont pas publiques et le but visé par art. 64 al. 2 1ère phr. LC est donc atteint. C’est pourquoi, sous réserve de l’art. 16 LInfo, rien ne s’opposerait à l’accès à un procès-verbal de débat caviardé.
Proposition de citation : Kastriot Lubishtani / Livio di Tria, Les procès-verbaux des séances des Municipalités vaudoises sont-ils publics ?, 30 mars 2023 in www.swissprivacy.law/212
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