Le Conseil d’Etat fribourgeois met un coup d’accélérateur en matière de protection des données
Contexte
Les cantons suisses s’attellent actuellement à l’adaptation de leur législation cantonale en matière de protection des données afin de tenir compte des nouvelles normes de droit international et de la révision de la Loi fédérale sur la protection des données.
Le canton de Fribourg penche sur la révision de sa loi cantonale depuis 2017. La révision prend aujourd’hui un coup d’accélérateur. Le Conseil d’Etat fribourgeois a annoncé le 30 juin 2023 avoir adopté et transmis au Grand Conseil fribourgeois le projet de révision totale de la Loi fribourgeoise sur la protection des données (LPrD). Aussi bien le Message du Conseil d’Etat fribourgeois que le projet de révision de la LPrD sont disponibles sur le site du Grand conseil fribourgeois (cf. Révision totale de la loi sur la protection des données).
Les objectifs affichés par le Conseil d’Etat fribourgeois sont clairs : faire de la future loi un des étalons essentiels de la numérisation à tous les échelons de l’Etat, tant sur le plan cantonal que sur le plan communal. La volonté de l’exécutif est à saluer car cette initiative permettra de mettre en place un cadre juridique solide pour soutenir une utilisation responsable et éthique des données, tout en favorisant le développement numérique du canton.
Deux axes au projet de révision de la LPrD
Le projet de révision de la LPrD s’inspire en grande partie de la nouvelle Loi fédérale sur la protection des données, laquelle est elle-même fortement inspirée de la Convention 108 modernisée, du RGPD et de la Directive (UE) 680/2016. Elle reprend à ce titre l’approche fondée sur les risques et conserve son caractère de loi technologiquement neutre. Le projet de révision s’articule autour de deux axes principaux.
La révision de la LPrD a, d’une part, pour objectif de renforcer les droits et les libertés des individus face aux traitements de plus en plus nombreux et complexes de leurs données personnelles, raison pour laquelle le droit d’accéder à ses données personnelles reste inchangé. Il est toutefois complété par la possibilité, pour les personnes concernées, et sous certaines conditions, de s’opposer préventivement à la communication de certaines données à des tiers. De plus, des obligations de transparence sont introduites, notamment lorsque des organismes publics utilisent des systèmes algorithmiques dans leurs processus décisionnels ou mènent des activités de profilage. Ces mesures visent à garantir une plus grande transparence et à renforcer la protection des individus dans un contexte où les technologiques et les pratiques de collecte et d’utilisation des données évoluent rapidement.
La révision de la LPrD propose, d’autre part, de nouveaux outils afin d’améliorer la sécurité des infrastructures, des processus et de l’organisation qui soutiennent les traitements de données personnelles. En accord avec les principes de protection des données dès la conception et de protection des données par défaut, les entités cantonales et communales responsables du traitement des données personnelles doivent proactivement prévoir des mesures techniques et organisationnelles adaptées aux risques dès les premières étapes de la conception d’un nouveau traitement. Dans certains cas, une analyse d’impact relative à la protection des données peut être exigée. De plus, des obligations de notification sont introduites en cas d’incident de sécurité. Le projet prévoit finalement la création d’un réseau de correspondants en matière de protection de données au sein de l’administration cantonale.
En addition, la révision ne laisse pas sur la touche l’Autorité cantonale de la transparence, de la protection des données et de la médiation. Cette dernière se voit renforcer, celle-ci devant désormais avoir la compétence de prononcer des décisions contraignantes à l’égard des organes qui ne respectent pas les prescriptions prévues.
À noter finalement l’une des grandes différences avec la nouvelle Loi fédérale sur la protection des données : le projet de révision ne prévoit pas de supprimer la protection des données des personnes morales. Sous l’angle pratique, ce choix est notamment motivé par le fait que les bases légales qui habilitent aujourd’hui les organes publics à traiter des données personnelles deviendraient caduques s’agissant de personnes morales. Ceci aurait pour conséquence de nécessiter un travail de révision de nombreuses bases légales, voire la réintroduction d’une série de dispositions spécifiques, à l’instar du travail aujourd’hui réalisé par le Conseil fédéral.
Où en est-on au niveau cantonal ?
Tous les cantons suisses ne sont pas égaux dans la révision de leur législation cantonale en matière de protection des données, celle-ci pouvant constituer une certaine pierre d’achoppement. À cet égard, la Conférence des Préposés suisses à la protection des données (PRIVATIM) a publié le 27 juin 2023 un document recensant l’état des révisions des lois cantonales sur la protection des données. Celui-ci est disponible à cette adresse. Nous suivrons ces révisions avec intérêt.
Proposition de citation : Livio di Tria, Le Conseil d’Etat fribourgeois met un coup d’accélérateur en matière de protection des données, 30 juin 2023 in www.swissprivacy.law/236
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