Devoir d’assistance et d’organisation de l’organe public lors d’une demande d’accès à des documents officiels
Faits
Une personne a demandé l’accès aux concepts de stationnement, de circulation et/ou de mobilité tels que validés par la Police cantonale fribourgeoise pour les principaux organisateurs d’évènements sur le Plateau d’Agy (Forum Fribourg, Fribourg Gottéron) pour les années 2017, 2018, 2019 et 2020 auprès de la Préfecture du district de la Sarine.
Après la recommandation de la Préposée, la Préfecture a transmis à la requérante deux concepts de mobilité de 2018 et 2019 mentionnés indirectement dans deux décisions portées à la connaissance de la requérante préalablement, mais a refusé de dresser une liste des documents qui entrent en ligne de compte avec la demande d’accès.
Déroulement de la procédure
Suite à l’échec de la médiation, la Préposée fribourgeoise à la transparence a recommandé à la Préfecture d’une part de transmettre les deux concepts à la requérante et, d’autre part, de dresser une liste des documents qui peuvent entrer en ligne de compte avec la demande d’accès, cas échéant tout d’abord pour l’année 2019.
La Préfecture a partiellement suivi la recommandation de la Préposée et transmis les deux concepts mentionnés dans les deux décisions, mais a refusé de dresser une liste. Pour le surplus, la Préfecture a rejeté la demande au motif qu’elle était abusive en raison de son caractère répétitif et que, de par son caractère changeant et croissant, elle impliquait une charge de travail disproportionnée, ceci d’autant plus que la Préfecture était mise fortement à contribution du fait de la pandémie et de sa participation à la taskforce COVID-19.
La requérante a recouru auprès du Tribunal cantonal fribourgeois contre cette décision et a conclu qu’elle soit modifiée dans les termes de la recommandation de la Préposée.
Arrêt du Tribunal cantonal fribourgeois
Le Tribunal cantonal a décidé que l’organe public, dans le cadre de son devoir d’assistance (art. 31 al. 1 et 32 al. 1 LInf) et lorsqu’il y a désaccord sur les documents recherchés, doit désigner de façon générale les documents qui peuvent entrer en ligne de compte et solliciter une détermination de la requérante sur ces propositions. Afin de concrétiser ce devoir d’assistance, il existe un devoir d’organisation, sous forme de mise en place de systèmes de classement des documents (art. 38 al. 1 LInf et art. 16 al. 1 de l’ordonnance sur l’accès aux documents [OAD]) Plus le contenu et la publicité des répertoires de documents sont lacunaires, plus le devoir d’organisation et d’assistance de l’organe public est grand (art. 38 al. 1 LInf), comme c’est le cas ici.
La demande de la requérante n’est pas non plus abusive, puisqu’elle n’a fait que la préciser au fur et à mesure qu’elle disposait de plus d’informations. Puisque la personne qui recherche des informations ne peut pas toujours savoir si elles sont consignées ou non dans un document, l’organe public doit participer à l’identification du document recherché dans le cadre de son devoir d’assistance (art. 31 al. 1 et 32 al. 1 LInf). La charge de travail que fait peser la pandémie de COVID-19 sur la Préfecture et les intérêts de la population en lien avec cette pandémie auraient pu justifier une prolongation du délai pour produire cette liste. Ils ne constituent cependant pas un intérêt public prépondérant justifiant le refus d’accès.
La requête n’est pas non plus trop volumineuse et partante disproportionnée. La requérante s’est limitée dans sa demande d’accès à une période déterminée, des documents identifiables (les concepts de stationnement) et a précisé qu’il s’agissait des concepts pour les principaux organisateurs d’évènement.
Commentaire
Le Tribunal cantonal fribourgeois a précisé la notion de devoir d’assistance des organes publics dans le cadre de demandes d’accès. Le Tribunal fédéral avait introduit cette notion de devoir d’assistance dans un arrêt concernant la LTrans et son ordonnance d’application (ATF 142 II 324 consid. 3.5, voir aussi www.lawinside.ch/300): l’organe public peut demander au requérant de préciser sa demande (art. 7 al. 3 OTrans).
C’est dans ce cadre que l’organe public doit lui prêter assistance (art. 3 al. 1 OTrans), en fournissant par exemple une liste de documents existants ou un extrait du système de gestion des documents. Le Tribunal cantonal fribourgeois reprend cette notion de devoir d’assistance, et va plus loin en indiquant qu’il incombe à l’organe public de répondre de manière efficace en s’organisant par anticipation afin de répondre à des demandes d’accès fondées sur la transparence.
Il s’agit d’ailleurs du deuxième arrêt du Tribunal cantonal fribourgeois concernant la même affaire : il avait été saisi de deux procédures par la requérante en 2019, puisque celle-ci avait estimé que lors d’une première médiation devant la Préposée, l’accord de médiation n’avait pas été respecté respectivement qu’elle n’aurait pas consenti à un tel accord si elle avait su que les documents sollicités existaient (TC 601 2019 207 et 601 2019 219). Le Tribunal cantonal fribourgeois avait alors transmis le dossier à la Préposée comme objet de sa compétence.
Proposition de citation : Martine Stoffel / Yann Vöchting, Devoir d’assistance et d’organisation de l’organe public lors d’une demande d’accès à des documents officiels, 12 novembre 2021 in www.swissprivacy.law/102
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