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L’Office européen de lutte antifraude est soumis au principe de la transparence

Livio di Tria, le 1er décembre 2021
Une enquête menée par l’Office euro­péen de lutte anti­fraude (OLAF) contre la société hongroise Élios Innovatív a révélé de graves irré­gu­la­ri­tés dans l’obtention de contrats finan­cés par l’Union euro­péenne. Le Tribunal de l’Union euro­péenne a fait droit à une demande d’accès au rapport final de l’OLAF formu­lée par une mili­tante hongroise en esti­mant que l’objectif de protec­tion des acti­vi­tés d’enquête ne justi­fiait pas le refus d’accès.

Arrêt du Tribunal de l’Union euro­péenne, Affaire T‑517/​19 du 1er septembre 2021 (Homoki /​ Commission)

Contexte

Entre 2011 et 2015, la société Élios Innovatív a décro­ché plusieurs contrats d’une valeur avoi­si­nant les 40 millions d’euros pour l’installation de nouveaux lampa­daires des villes hongroises. Ces contrats ont fait l’objet de plusieurs procé­dures euro­péennes de marchés publics et ont été finan­cés par des fonds européens.

Face à des soup­çons d’irrégularités dans l’obtention de ces contrats, l’Office euro­péen de lutte anti­fraude (OLAF) a mené une enquête pendant près de deux ans ayant abouti à un rapport daté du 22 décembre 2017. Ce dernier a mis en exergue de graves irré­gu­la­ri­tés, ainsi que des conflits d’intérêts. Parmi ses recom­man­da­tions adres­sées au gouver­ne­ment hongrois, l’OLAF recom­man­dait l’ouverture d’une action en justice.

Ayant constaté que le nouvel éclai­rage de sa commune était de très basse qualité et insuf­fi­sant, une mili­tante de l’association Eleven Gyál a déposé une demande d’accès au rapport final de l’enquête de l’OLAF en se fondant sur le Règlement (CE) 1049/​2001 du 30 mai 2001 rela­tif à l’accès du public aux docu­ments du Parlement euro­péen, du Conseil et de la Commission. L’accès a été refusé par l’OLAF.

Principe de la trans­pa­rence au sein de l’Union européenne

Historiquement, le prin­cipe de la trans­pa­rence au sein de l’Union euro­péenne trouve son origine dans la Déclaration n° 17 rela­tive au droit d’accès à l’information, annexée au Traité de Maastricht sur l’Union euro­péenne signé le 7 février 1992. Il a depuis été intro­duit dans divers actes de l’Union euro­péenne, de manière directe ou indirecte.

Le premier ancrage euro­péen – indi­rect – du prin­cipe de la trans­pa­rence se trouve à l’art. 11 de la Charte des droits fonda­men­taux de l’Union euro­péenne rela­tif à la liberté d’expression et d’information (Charte). Comme nous l’avons récem­ment souli­gné, l’art. 11 par. 1 de la Charte garan­tit la liberté d’information sans la limi­ter (contrai­re­ment au droit suisse). Il en découle que chaque citoyen de l’Union euro­péenne peut rece­voir ou commu­ni­quer des infor­ma­tions ou des idées qu’il puisse y avoir d’ingérence d’autorités publiques et sans consi­dé­ra­tion de frontière.

Le second ancrage est pour sa part direct. L’art. 42 de la Charte dispose clai­re­ment que tout citoyen de l’Union euro­péenne, ainsi que toute personne physique ou morale rési­dant ou ayant son siège statu­taire dans un État membre, a un droit d’accès aux docu­ments des insti­tu­tions, organes et orga­nismes de l’Union euro­péenne, quel que soit leur support.

Cette mention expresse du droit d’accès au sein de la Charte découle de l’art. 15 par. 3 du Traité sur l’Union euro­péenne et du traité sur le fonc­tion­ne­ment de l’Union euro­péenne (TFUE), qui repré­sente notre troi­sième ancrage. En sus de poser le prin­cipe du droit d’accès aux docu­ments, l’art. 15 par. 3 TFUE en prévoit les limites.

Règlement (CE) 1049/​2001

Les ancrages euro­péens du prin­cipe de la trans­pa­rence ont été forma­li­sés au sein du Règlement (CE) 1049/​2001, sur la base duquel la mili­tante a fondé sa demande dans le cadre du litige au prin­ci­pal. Par rapport à la LTrans, qui nous servira de point de compa­rai­son, nous rele­vons les prin­ci­pales diffé­rences suivantes :

  • le règle­ment vise les docu­ments établis ou reçus par une insti­tu­tion, un organe ou un orga­nisme de l’Union euro­péenne (art. 1er), ainsi que par les docu­ments déte­nus par un État membre émanant de l’une ou l’autre des caté­go­ries évoquées (art. 5) ;
  • le trai­te­ment des demandes doit se faire dans un délai de quinze jours, prolon­geable d’autant (art. 7 et 8)
  • l’accès aux docu­ments est, sous réserve d’exception (art. 2 par. 2), limité aux citoyens de l’Union euro­péenne, respec­ti­ve­ment à toute personne physique ou morale rési­dant ou ayant son siège dans un État membre (art. 2 par. 1) ;
  • des règles spéci­fiques ont été établies quant à l’accès à des docu­ments sensibles (art. 9). Ces règles font néan­moins écho à l’art. 4 LTrans, respec­ti­ve­ment aux règles établies par l’Ordonnance fédé­rale du 4 juillet 2007 concer­nant la protec­tion des infor­ma­tions de la Confédération ;
  • la gratuité de l’accès aux docu­ments est le prin­cipe (art. 10) ;
  • chaque insti­tu­tion doit tenir, sous une forme élec­tro­nique, un registre de docu­ments qui contient pour chaque docu­ment un numéro de réfé­rence, le thème abordé et/​ou une brève descrip­tion du contenu du docu­ment (art. 11)

Le litige au principal

Dans le cadre du litige au prin­ci­pal, l’OLAF fonde son refus d’accéder à la requête de la mili­tante essen­tiel­le­ment sur la base d’une présomp­tion géné­rale de non-accès aux docu­ments émanant de l’OLAF. Selon l’OLAF, cette présomp­tion géné­rale permet d’assurer le bon fonc­tion­ne­ment des procé­dures qu’elle mène, évitant ainsi que ses objec­tifs, notam­ment d’enquête, ne soient enta­chées. En parti­cu­lier, l’OLAF redoute que l’accès aux docu­ments dissuade les citoyens de four­nir des infor­ma­tions sur d’éventuelles fraudes, ce qui prive­rait l’OLAF d’informations utiles pour enga­ger des enquêtes aux fins de la protec­tion des inté­rêts finan­ciers de l’Union européenne.

Cette présomp­tion géné­rale est étroi­te­ment liée à l’art. 4 par. 2 ch. 3 du Règlement (CE) 1049/​2001, qui dispose que les insti­tu­tions peuvent refu­ser l’accès à un docu­ment dans le cas où sa divul­ga­tion porte atteinte à la protec­tion des objec­tifs des acti­vi­tés d’inspection, d’enquête et d’audit. Elle résulte égale­ment d’une juris­pru­dence constante du Tribunal de l’Union euro­péenne dans des affaires aux contours iden­tiques qui néces­si­taient de préser­ver l’intégrité du dérou­le­ment d’une procé­dure en limi­tant l’ingérence des tierces parties. À titre d’exemples, le Tribunal de l’Union euro­péenne a validé le refus de trans­mettre des ques­tions à choix multiples posées lors d’un concours géné­ral orga­nisé par l’Office euro­péen de sélec­tion du person­nel ou le refus de trans­mettre les offres de soumis­sion­naires dans une procé­dure de marché public en cas de demande d’accès formu­lée par d’autres soumissionnaires.

La recou­rante conteste pour sa part cette présomp­tion géné­rale au motif que celle-ci consti­tue une limi­ta­tion dispro­por­tion­née de son droit à la liberté d’information (art. 11 par. 1 de la Charte) et de son droit d’accès aux docu­ments (art. 42 de la Charte).

Il ressort de l’arrêt en cause que le Tribunal de l’Union euro­péenne admet, de manière géné­rale, que l’OLAF est fondé à invo­quer la présomp­tion géné­rale d’atteinte aux objec­tifs des acti­vi­tés d’enquête pour refu­ser la divul­ga­tion de docu­ments concer­nant une enquête. Toutefois, cette présomp­tion n’est appli­cable que si la divul­ga­tion des docu­ments en ques­tion risque de mettre en péril l’achèvement des acti­vi­tés d’enquête. Tel est par exemple le cas lorsqu’une enquête est en cours ou vient d’être clôtu­rée, et que, pour ce second cas, que l’autorité natio­nale compé­tente n’a pas encore décidé dans un délai raison­nable des suites à donner aux conclu­sions de l’enquête.

Dans le cas d’espèce, le Tribunal de l’Union euro­péenne constate à la date du refus de la demande d’accès que les auto­ri­tés hongroises avaient déjà clôturé la procé­dure par une déci­sion concluant à l’absence d’information. Dès lors, le recours à la présomp­tion géné­rale d’atteinte aux objec­tifs des acti­vi­tés d’enquête n’est plus justi­fié par la néces­sité de permettre aux auto­ri­tés hongroises de prendre serei­ne­ment une déci­sion quant aux suites à donner au rapport de l’OLAF. Partant, le Tribunal de l’Union euro­péenne annule la déci­sion de l’OLAF en consi­dé­rant que celui-ci a commis une erreur de droit dans l’application du Règlement (CE) 1049/​2001.



Proposition de citation : Livio di Tria, L’Office européen de lutte antifraude est soumis au principe de la transparence, 1er décembre 2021 in www.swissprivacy.law/107


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
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