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Accès aux contrats d’acquisitions des vaccins contre le COVID-19 ? Oui, mais …

Kastriot Lubishtani, le 16 février 2022
L’accès aux contrats d’acquisition des vaccins contre le COVID-19 ne compro­met plus en janvier 2022 les inté­rêts de la poli­tique écono­mique du pays (art. 7 al. 1 let. f LTrans), pas plus que ses inté­rêts diplo­ma­tiques (let. d). Avant d’accorder l’accès aux docu­ments requis, l’OFSP doit à présent consul­ter les fabri­cants pour déter­mi­ner si d’autres excep­tions peuvent encore justi­fier un refus d’accès et ce dans quelle mesure.

Recommandation PFPDT du 18 janvier 2022, Wyssmann c. OFSP1

I. En fait

Début août 2021, l’avocat et député soleu­rois Rémy Wyssmann adresse à l’Office fédé­ral de la santé publique (OFSP) une demande d’accès aux contrats de vaccins contre le COVID-19 conclus par la Confédération. Le requé­rant cherche en outre à obte­nir plusieurs infor­ma­tions sur le nombre de contrats, le nom des entre­prises et four­nis­seurs, l’existence ou non d’une pénu­rie de vaccins, etc.

L’OFSP refuse la demande en se réfé­rant aux quatre recom­man­da­tions rendues par le PFPDT déniant un droit d’accès à ces contrats (dont la première a été résu­mée sur swiss​pri​vacy​.law/30), ainsi qu’à ses prises de posi­tion lors des procé­dures y relatives.

Le PFPDT est alors saisi et, ensuite de l’échec de la procé­dure de média­tion, il rend la présente recom­man­da­tion le mois dernier.

II. En droit

Dans un premier temps, l’OFSP fait valoir que la situa­tion sani­taire n’a que peu changé par rapport à l’automne 2020, période à laquelle les recom­man­da­tions ont été rendues. L’évolution de la pandé­mie demeure impré­vi­sible en raison notam­ment des muta­tions du virus, tandis que l’acquisition de vaccins et leur livrai­son est toujours marquée par des incer­ti­tudes, auxquelles s’ajoutent les inter­ro­ga­tions rela­tives à l’efficacité des vaccins contre les variants. L’approvisionnement se pour­suit et tant qu’il en ira ainsi l’accès aux docu­ments requis « risque de compro­mettre les inté­rêts de la poli­tique écono­mique » du pays au sens de l’art. 7 al. 1 let. f LTrans et justi­fie le refus, les autres excep­tions restant réser­vées. S’agissant plus parti­cu­liè­re­ment des contrats tripar­tites ayant impli­qué d’autres pays comme la Suède, leur accès mena­ce­rait les bonnes rela­tions avec les États de l’AELE, c’est-à-dire « les inté­rêts de la Suisse en matière de poli­tique écono­mique exté­rieure et ses rela­tions inter­na­tio­nales » (art. 7 al. 1 let. d LTrans).

Le requé­rant fait grief à l’autorité de violer son obli­ga­tion de moti­va­tion compte tenu du fait que la situa­tion au jour de la demande est à ses yeux tota­le­ment diffé­rente de la période lors de laquelle les recom­man­da­tions du PFPDT ont été rendues. Dès lors que l’offre de vaccins surpasse la demande et que l’OFSP a de la peine à écou­ler tous les vaccins, il n’existe pas de pénu­rie de vaccins, de telle sorte que l’art. 7 al. 1 let. f LTrans est inap­pli­cable en l’espèce.

À la suite des premiers échanges, l’OFSP admet ne pas avoir démon­tré en quoi les inté­rêts poli­tico-écono­miques de la Suisse seraient encore mis en danger en cas d’accès aux docu­ments, ce qu’il explique en préci­sant que si la Confédération a bel et bien suffi­sam­ment de vaccins à ARN messa­ger (ARNm), il en va autre­ment s’agissant des vaccins à vecteur et à protéines pour lesquels il existe une pénu­rie. Des négo­cia­tions sont en cours pour l’achat de doses suffi­santes pour les deux années à venir, si bien que l’approvisionnement de la Confédération n’est pas encore terminé. Qui plus est, l’achatporte sur une denrée rare dont l’acquisition n’obéit pas aux règles du libre marché et il ne faut pas s’attendre à ce que cela change avant la fin de l’année 2022. En cas de divul­ga­tion des contrats, la Suisse serait contrainte de donner les mêmes garan­ties à de futurs cocon­trac­tants, raison pour laquelle la conclu­sion de nouveaux contrats serait plus difficile.

Après avoir présenté les posi­tions des parties, le PFPDT se réfère à divers commu­ni­qués de presse et décla­ra­tions de l’OFSP et constate notam­ment que :

  • le 25 août 2021, l’OFSP annonce que la Confédération a conclu un nouveau contrat avec Pfizer pour des vaccins contre la mala­die de COVID-19 grâce auquel « la popu­la­tion suisse conti­nuera de dispo­ser d’une quan­tité suffi­sante […] ces deux prochaines années » ;
  • le 23 septembre 2021, l’OFSP indique que la Confédération dispose de suffi­sam­ment de vaccins, mais qu’il s’agit unique­ment de vaccins ARNm ;
  • le 1er octobre 2021, l’OFSP annonce avoir acheté le vaccin auto­risé par Swissmedic de Johnson & Johnson qui « offre à la popu­la­tion suisse une alter­na­tive aux vaccins à ARNm de Pfizer/​BioNTech et Moderna ».

Selon le PFPDT, le facteur temps peut faire perdre aux excep­tions de l’art. 7 al. 1 LTrans leur impor­tance si la situa­tion initiale vient à évoluer. À cet égard, il souligne que les recom­man­da­tions qu’il a émises sur le sujet étaient jusqu’à main­te­nant fondées sur la constel­la­tion extra­or­di­naire due à l’absence de vaccins.

Cela étant dit, le PFPDT explique être lié par le constat de l’OFSP selon lequel le proces­sus d’acquisition de vaccins n’est pas encore terminé et reste marqué par une situa­tion excep­tion­nelle, malgré le fait qu’il n’existe plus de pénu­rie de vaccins. L’OFSP est en effet l’office spécia­lisé et a une percep­tion directe des négo­cia­tions avec les fabri­cants de vaccins.

Néanmoins, le PFPDT ne peut igno­rer que, lors de la révi­sion de la Loi COVID-19 (objet n° 21.066), le légis­la­teur a laissé entre­voir une volonté poli­tique d’accorder au moins autant d’importance à la trans­pa­rence, diffé­rée depuis bien­tôt deux ans, par rapport aux inté­rêts écono­miques de la Confédération. Une dispo­si­tion consa­crant la publi­ca­tion des contrats a été plébis­ci­tée par le Conseil natio­nal en effet (BO 2021 N 2295, 2299, 2303 s.), mais fina­le­ment aban­don­née devant le refus du Conseil des États, sur propo­si­tion de la confé­rence de conci­lia­tion. À juste titre, il a été dit lors des débats parle­men­taires que les inté­rêts privés des fabri­cants devaient être pris en consi­dé­ra­tion dans le cadre d’une demande d’accès, la Loi sur la trans­pa­rence proté­geant le secret d’affaires (art. 7 al. 1 let. g) et la sphère privée des entre­prises concer­nées (al. 2).

En l’espèce, l’OFSP n’a pas consulté les fabri­cants, si bien que leurs inté­rêts n’ont pas encore été concrè­te­ment exami­nés en raison de la posi­tion soute­nue par cette auto­rité. Ce faisant, l’OFSP n’a pas expli­qué quelle partie des docu­ments requis est couverte par le secret d’affaires et dans quelle mesure leur divul­ga­tion pour­rait éven­tuel­le­ment avoir pour effet de compro­mettre les inté­rêts écono­miques de la Suisse.

Par ailleurs, le PFPDT consi­dère que si les entre­prises concer­nées s’opposeraient à l’accès aux docu­ments requis. Si tel n’était pas le cas, alors diffé­rer l’accès aux docu­ments serait infondé. Si c’est le cas en revanche, l’OFSP ne démontre pas pour­quoi les fabri­cants devraient en cas d’accès accor­der à la Suisse des condi­tions moins avan­ta­geuses que jusqu’à main­te­nant d’un point de vue écono­mique. Ainsi, on ne voit pas pour­quoi les craintes de l’OFSP ne pour­raient pas être évitées par un caviardage.

Dès lors que le légis­la­teur a fait part de sa volonté d’accorder au moins autant d’importance à la trans­pa­rence par rapport aux inté­rêts écono­miques de la Suisse, on peut désor­mais attendre de l’OFSP qu’il entre­prenne des efforts supplé­men­taires pour démon­trer le risque invo­qué selon le PFPDT. En l’absence de décla­ra­tions ou de preuves concrètes selon lesquelles les entre­prises concer­nées impo­se­raient des charges écono­miques supplé­men­taires à la Suisse en cas d’accès aux docu­ments requis, la menace aux inté­rêts écono­miques du pays n’est plus suffi­sam­ment démon­trée. Le refus fondé sur l’art. 7 al. 1 let. f LTrans ne se justi­fie donc plus et doit donc être écarté.

Il en va de même selon le PFPDT s’agissant de l’art. 7 al. 1 let. d LTrans, car l’OFSP n’a pas démon­tré l’existence d’une menace pour les inté­rêts de la poli­tique exté­rieure de la Suisse, pas plus que l’intérêt d’un État à la confi­den­tia­lité des docu­ments requis ou le fait que la divul­ga­tion dété­rio­re­rait les rela­tions entre États.

Fondé sur ce qui précède, le PFPDT recom­mande à l’OFSP de consul­ter les entre­prises concer­nées et d’accorder au requé­rant l’accès aux docu­ments requis.

III. Commentaire

À l’heure actuelle, nous igno­rons si la présente recom­man­da­tion a été accep­tée par l’OFSP ou si cette auto­rité a rendu, en appli­ca­tion de l’art. 15 al. 2 LTrans, une déci­sion refu­sant l’accès aux docu­ments requis et, cas échéant, si cette déci­sion a été défé­rée au Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral. Les prochaines semaines nous le diront*.

L’accessibilité des vaccins contre le COVID-19 en quan­tité suffi­sante pour une longue période à l’échelle de la crise que nous vivons depuis mars 2020 couplée à l’évolution posi­tive de la situa­tion épidé­mio­lo­gique laissent penser selon nous que la Confédération, comme d’autres pays, se trouve dans une meilleure posture pour de futures négo­cia­tions avec les fabri­cants. Quand bien même le marché en la matière n’est pas libre, l’offre tend à s’accroître et à se norma­li­ser selon l’OFSP. Dans ce contexte, la divul­ga­tion des docu­ments requis n’apparaît plus aujourd’hui entra­ver les inté­rêts écono­miques du pays et la recom­man­da­tion du PFPDT se justi­fie sur le fond.

Qui plus est, la diffé­rence entre la situa­tion d’aujourd’hui par rapport à la première recom­man­da­tion du PFPDT rendue au mois d’octobre 2020 (swiss​pri​vacy​.law/30) rend peu compré­hen­sible le fait que l’OFSP ait persisté dans son invo­ca­tion de l’exception tirée de l’art. 7 al. 1 let. f LTrans. De la même manière, l’inexistence d’une pénu­rie de vaccins à ARNm, à tout le moins pour les deux prochaines années, ainsi que l’existence d’une alter­na­tive à ce type de vaccins sont des faits que l’OFSP n’a admis que dans un second temps en se retran­chant de manière discu­table au regard de l’obligation de moti­va­tion (art. 35 PA) derrière des recom­man­da­tions du PFPDT de toute évidence plus d’actualité.

Cela étant, la réfé­rence du PFPDT à une volonté poli­tique quant à la divul­ga­tion des contrats nous semble tout aussi discu­table. Certes, une majo­rité poli­tique s’est déga­gée en faveur de l’inclusion d’une dispo­si­tion dans la Loi-Covid déro­geant à l’art. 7 LTrans sous réserve de l’al. 1, let. d et f, cela à deux reprises devant Conseil natio­nal (BO 2021 N 2305 : 118 pour, 70 contre, 4 absten­tions /​ BO 2021 N 2437 : 105 pour, 87 contre, 2 absten­tions). Toutefois, pareille propo­si­tion s’est heur­tée au rejet unanime du Conseil des États et démontre que le légis­la­teur reste divisé. Il est diffi­cile par consé­quent de déduire du proces­sus légis­la­tif une volonté poli­tique hypo­thé­tique, même s’il existe bel et bien un signal en faveur de la transparence.

Enfin, cette recom­man­da­tion n’a pas pour effet une acces­si­bi­lité immé­diate des docu­ments requis, mais unique­ment de faire sauter un premier verrou. À présent, et si l’OFSP accepte la recom­man­da­tion, les fabri­cants vont devoir être consul­tés et pour­ront faire valoir l’existence, en parti­cu­lier, de « secrets profes­sion­nels, d’affaires ou de fabri­ca­tion » (art. 7 al. 1 let. g LTrans). Affaire à suivre…

  1. * Mise à jour du 23 février 2022 : en déro­ga­tion à la recom­man­da­tion du PFPDT, nous avons appris que l’OFSP a rendu une déci­sion diffé­rant l’accès jusqu’au 30 juin 2022 au plus tard. L’autorité estime en effet que l’acquisition des vaccins contre le COVID-19 n’est pas encore termi­née et s’attend à ce qu’elle le soit d’ici cette date. Ce n’est qu’au terme du proces­sus d’acquisition des vaccins que les fabri­cants seront ensuite consul­tés confor­mé­ment à la recom­man­da­tion. Le requé­rant peut néan­moins former recours au Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral et le délai y rela­tif n’est pas encore échu.


Proposition de citation : Kastriot Lubishtani, Accès aux contrats d’acquisitions des vaccins contre le COVID-19 ? Oui, mais …, 16 février 2022 in www.swissprivacy.law/125


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