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Accès à un dossier d’asile archivé à un but scientifique

Stéphane Grodecki, le 16 mai 2022
Les Archives fédé­rales doivent donner accès à un dossier d’asile complet à un docto­rant avant l’écoulement du délai usuel de 50 ans.

Arrêt TF 1C_​117/​2021 du 1er mars 2021*

Un docto­rant rédige une thèse sur la poli­tique d’asile en Suisse dans les années 1980 et 1990. Dans ce cadre, il s’est inté­ressé à un deman­deur d’asile parti­cu­lier, origi­naire du Zaïre (aujourd’hui République démo­cra­tique du Congo). Il a, sans succès, solli­cité l’accès à plusieurs dossiers du Secrétariat d’État aux migra­tions auprès des Archives fédé­rales. La déci­sion de refus a été confir­mée par le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral (TAF C‑115/​2019 du 21 janvier 2021) et le docto­rant dépose un recours.

Selon le Tribunal fédé­ral, toute personne a le droit de rece­voir libre­ment des infor­ma­tions, de se les procu­rer aux sources géné­ra­le­ment acces­sibles et de les diffu­ser en appli­ca­tion de l’art. 16 al. 3 Cst. L’accessibilité des sources dépend des défi­ni­tions qui se trouvent dans la légis­la­tion. En l’espèce, le dossier solli­cité est classé aux Archives fédé­rales. En appli­ca­tion de l’art. 9 al. 1 de la Loi fédé­rale sur l’archivage (LAr), les archives de la Confédération peuvent être consul­tées gratui­te­ment par le public, à l’expiration d’un délia de protec­tion de 30 ans. Toutefois, confor­mé­ment à l’art. 11 al. 1 LAr, les archives clas­sées par nom de personnes sont soumises à un délai de protec­tion de 50 ans.

L’instance précé­dente a refusé le droit d’accès, car le dossier solli­cité était classé par nom de personne et ainsi soumis à un délai de protec­tion de 50 ans. Elle a refusé d’appliquer une excep­tion puisque des inté­rêts privés prépon­dé­rants s’opposaient à la consul­ta­tion, étant en outre précisé que d’un point de vue scien­ti­fique la consul­ta­tion n’était pas obligatoire.

Le recou­rant ne conteste plus le calcul du délai de 50 ans et renonce à se préva­loir du consen­te­ment de la personne visée, qui était incom­plet. Le décès de cette dernière n’a en outre aucun effet sur le litige. En revanche, le recou­rant conteste que la personne visée n’ait pas été recon­nue comme personne appar­te­nant à l’histoire contem­po­raine pour lesquelles aucun inté­rêt privé ne peut être opposé à la consul­ta­tion des archives (art. 18 al. 4 OLAr). Selon le Tribunal, le fait que « l’affaire » de cette personne soit connue de certains cercles ne permet toute­fois pas de rete­nir qu’il s’agit d’une personne appar­te­nant à l’histoire contemporaine.

Enfin, le recou­rant se plaint d’une viola­tion de l’art. 13 al. 1 let. b LAr, à teneur duquel la consul­ta­tion peut être auto­ri­sée lorsqu’aucun inté­rêt public ou privé prépon­dé­rant, digne de protec­tion, ne s’y oppose. Le Tribunal fédé­ral relève tout d’abord que la LAr ne connaît pas de privi­lège scien­ti­fique, lequel serait impos­sible à véri­fier objec­ti­ve­ment. Il juge néan­moins que la pesée des inté­rêts de l’instance précé­dente doit être renver­sée. D’une part, de nombreuses infor­ma­tions sur la personne concer­née sont déjà publiques, notam­ment par la publi­ca­tion d’une auto­bio­gra­phie. D’autre part, l’examen de faits histo­riques est un élément qui doit être pris en compte dans la pesée des intérêts.

Au vu de ces éléments, l’accès aux archives doit être accordé et le recours est donc admis.

Dans cet arrêt, le Tribunal fédé­ral fait primer l’intérêt à la recherche sur un inté­rêt privé au secret. Bien qu’il indique qu’il n’existe pas de droit au privi­lège scien­ti­fique dans la Loi sur l’archivage, on notera que ce dernier a néan­moins une impor­tance non négli­geable dans la pesée des intérêts.

Relevons ainsi, à titre de compa­rai­son, que le Tribunal fédé­ral avait refusé le droit d’accès à des jour­na­listes à une affaire pénale clas­sée en faisant primer l’intérêt privé à la protec­tion dans un tel cas (ATF 147 I 463 : refus de donner l’accès à un média à un dossier pénal terminé dans le canton de Saint-Gall nonobs­tant le grand inté­rêt média­tique pour l’affaire). Il avait par ailleurs refusé à un jour­na­liste, qui devait donner un cours, l’accès à un ancien juge­ment pénal complet d’une person­na­lité publique au motif qu’il conve­nait de proté­ger la person­na­lité du condamné, mais aussi en raison de l’activité du jour­na­liste dans l’affaire en ques­tion où il avait œuvré comme conseiller en commu­ni­ca­tion (TF 1C_​616/​2018 du 11 septembre 2019 : in forum­poe­nale 2/​2020, 97 ss). Or dans l’arrêt commenté ici, le recou­rant n’avait aucun inté­rêt person­nel ou média­tique à l’affaire, mais bien unique­ment scien­ti­fique. On sent que le Tribunal fédé­ral en a tenu compte.

S’il n’existe ainsi pas formel­le­ment de privi­lège scien­ti­fique, ce dernier a néan­moins une impor­tance essen­tielle dans la pesée des inté­rêts. C’est à saluer pour la recherche scientifique.



Proposition de citation : Stéphane Grodecki, Accès à un dossier d’asile archivé à un but scientifique, 16 mai 2022 in www.swissprivacy.law/146


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
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