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Un licenciement fondé sur les données GPS conforme à la CEDH ?

Célian Hirsch, le 9 janvier 2023
L’art. 8 CEDH est respecté lorsque l’employeur se fonde sur les données d’un GPS pour licen­cier un employé qui indi­quait de faux kilo­mé­trages parcou­rus avec sa voiture de fonc­tion, alors qu’il savait que sa voiture conte­nait un GPS.

CourEDH, Florindo De Almeida Vasconcelos Gramaxo c. Portugal, 13.12.2022, n°26968/16

Un employé utilise un véhi­cule de fonc­tion pour effec­tuer des visites auprès des clients de son employeur. Il peut égale­ment utili­ser la voiture à titre privé, mais doit indi­quer les kilo­mètres parcou­rus afin de rembour­ser son employeur.

En 2012, l’employeur décide d’installer des GPS dans ses véhi­cules. Il en informe les employés et précise ses buts, notam­ment véri­fier les kilo­mètres parcourus.

Le GPS installé dans la voiture de l’employé connaît des problèmes. L’employeur installe alors un second GPS dans le véhi­cule, sans en infor­mer l’employé.

Il est ensuite repro­ché à l’employé d’avoir mani­pulé le premier GPS et d’avoir majoré le nombre de kilo­mètres parcou­rus à titre profes­sion­nel afin d’y diluer les kilo­mètres parcou­rus à titre privé pour ne pas devoir rembour­ser l’employeur. Ainsi, le GPS installé par l’employeur dans un deuxième temps indique toujours des chiffres supé­rieurs au GPS installé précé­dem­ment. Sur cette base, l’employeur prononce le licen­cie­ment de l’employé. Ce dernier conteste le licen­cie­ment sans succès devant les instances judi­ciaires portugaises.

L’employé saisit la CourEDH, qui doit déter­mi­ner si la confir­ma­tion de son licen­cie­ment fondé sur les données GPS consti­tue une viola­tion de l’art. 8 CEDH.

En paral­lèle, une procé­dure est ouverte par l’autorité de protec­tion des données du Portugal (CNPD). Celle-ci abou­tit à une auto­ri­sa­tion d’utilisation de GPS dans les véhi­cules de l’employeur à des condi­tions restreintes, notam­ment que le GPS soit désac­tivé lors de l’utilisation privée du véhicule.

La Cour commence par rappe­ler sa juris­pru­dence rela­tive à la notion de « vie privée », proté­gée par l’art. 8 CEDH. Dans sa juris­pru­dence la Cour a déjà retenu que cette dispo­si­tion s’applique lors de la surveillance d’employés tant par vidéo­sur­veillance que par inter­cep­tion de messages élec­tro­niques ou encore de fichiers informatiques.

En l’espèce, la surveillance liti­gieuse provient de données de géolo­ca­li­sa­tion. Elle consti­tue une surveillance perma­nente et systé­ma­tique de l’employé, tant pendant les heures de travail qu’en dehors, lorsque l’employé utilise le véhi­cule à titre privé. Partant, la surveillance empiète incon­tes­ta­ble­ment sur la vie privée de l’employé et l’art. 8 CEDH trouve application.

La CourEDH rappelle ensuite sa juris­pru­dence rela­tive aux critères déter­mi­nants afin de juger de la confor­mité avec l’art. 8 CEDH de la surveillance d’employé :

  1. Information : l’employé a‑t-il été informé à l’avance de la possi­bi­lité d’une telle surveillance et de sa mise en œuvre ?
  2. Portée : quelle était l’étendue et le degré d’intrusion de la surveillance dans la vie privée ?
  3. Légitimité : la surveillance était-elle justi­fiée par des motifs légitimes ?
  4. Subsidiarité : exis­tait-il d’autres mesures moins intru­sives pour atteindre le même objectif ?
  5. Conséquence : quelles ont été les consé­quences de la surveillance pour l’employé ?
  6. Garanties : l’employé dispo­sait-il de garan­ties adéquates ?

Il n’est en soi pas déter­mi­nant que le suivi par GPS n’était fina­le­ment pas conforme au droit natio­nal et à la déci­sion de la CNPD. La Cour se limite en effet à exami­ner les six critères susmentionnés.

En l’espèce, l’employé avait été informé de l’installation d’un GPS dans son véhi­cule. L’employeur visait à contrô­ler les dépenses décou­lant de l’utilisation du véhi­cule. Finalement, seule la diffé­rence concer­nant le kilo­mé­trage parcouru a été rete­nue comme critère déter­mi­nant par la dernière instance judi­ciaire natio­nale pour justi­fier le licen­cie­ment, et non le fait que l’employé n’effectuait pas ses huit heures de travail jour­na­lier. L’intrusion dans la vie privée de l’employé était ainsi moindre.

L’intrusion était égale­ment stric­te­ment néces­saire au but légi­time pour­suivi par l’employé. En effet, il n’existait pas d’autre moyen moins intru­sif pour procé­der au contrôle des kilo­mètres parcou­rus à titre profes­sion­nel et à titre privé. En outre, seuls les employés compé­tents avaient accès aux données de géolo­ca­li­sa­tion. Enfin, l’instance natio­nale a effec­tué une balance circons­tan­ciée des inté­rêts respectif.

Partant, la CourEDH conclut, par quatre voix contre trois, qu’il n’y a pas eu viola­tion de l’art. 8 CEDH.

L’opinion dissi­dente de trois juges souligne que l’ingérence de l’employeur était plus impor­tante que ce que laisse entendre la majo­rité de la Cour. En effet, grâce au GPS, l’employé a été constam­ment surveillé sur une période de trois ans, 24 heures sur 24, y compris lors de dépla­ce­ments effec­tués à titre privé. Par ailleurs, la mino­rité reproche à l’instance natio­nale de ne pas avoir pris en compte la déci­sion de la CNPD selon laquelle la géolo­ca­li­sa­tion lors de l’utilisation privée du véhi­cule n’était pas valable.

Cet arrêt confirme la juris­pru­dence de la CourEDH qui retient une appli­ca­tion de l’art. 8 CEDH lors de la surveillance d’employés. Les six critères perti­nents susmen­tion­nés ont d’abord été établis dans l’arrêt Bărbulescu c. Roumanie ([GC], n° 61496/​08, § 70, 5 septembre 2017), confirmé dans l’arrêt López Ribalda et autres c. Espagne ([GC], n° 1874/​13 et 8567/​13, 17 octobre 2019). Sur ce dernier arrêt, cf. Hirsch Célian, La vidéo­sur­veillance secrète des employés ; analyse de l’arrêt de la Cour euro­péenne des droits de l’homme López Ribalda et autres c. Espagne (Requête n os 1874/​13 et 8567/​13), Newsletter DroitDuTravail​.ch décembre 2019.

Ce commen­taire est repris de celui du même auteur publié sous LawInside​.ch/​1​2​64/.



Proposition de citation : Célian Hirsch, Un licenciement fondé sur les données GPS conforme à la CEDH ?, 9 janvier 2023 in www.swissprivacy.law/195


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